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1928

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

6 sur 41

1694-1700

 

 

Source : la Dépêche de Brest 16 juillet 1928

 

En 1694, le centre des opérations maritimes de la France avait été porté dans la Méditerranée.

La flotte de Châteaurenault était allée rejoindre celle de Tourville à Toulon, et Brest fut alors menacé du plus grand danger qu'il ait jamais couru.

 

Guillaume II, voyant notre port dégarni de marins et de soldats, conçoit le hardi projet de l'enlever de vive force, ou du moins de s'établir sur la côte sud de la rade, ce qui n'était que la reprise des desseins formés par les Espagnols, un siècle auparavant.

 

Informé des préparatifs de l'Angleterre, Louis XIV envoie Vauban à Brest, pour prendre le commandement des forces de terre et de mer.

Il arrive le 23 mai 1694 et descend, quai de la Rive, dans la maison de l'ancien maire, M. Le Stobec du Plessix.

 

L'illustre ingénieur se rend compte que, malheureusement, l'enceinte de Brest n'est pas terminée et même que des ouvrages dont il avait recommandé la construction en 1683 et 1689, n'ont reçu qu'un commencement d'exécution.

 

Sans tarder, et aux prises avec un danger imminent, Vauban pourvoit à tout ce qui est susceptible de neutraliser ou, tout au moins, d'amoindrir le puissant effort qui, d'un seul coup, pouvait ruiner notre plus bel établissement maritime.

 

Il arme les 930 hommes de la milice bourgeoise de Brest, forme des compagnies de canonniers, ordonne aux habitants des paroisses environnant la rade de couvrir tous les points favorables à une descente et d'y établir des retranchements.

 

Il détache au Conquet les 1.500 soldats de marine qui forment toute la garnison de Brest.

Quatre-vingts pièces de gros calibre et dix-huit mortiers sont installés, face à la mer, sur le front de la ville et du Château.

Tous les vaisseaux sont mis à l'abri dans le fond du port.

Les batteries du Léon et du Mingant sont armées et leurs 500 canonniers placés sous les ordres du chef d'escadron d'Infreville.

 

Il fortifie autant que possible les côtes du Conquet, de Portsall et de L'Abervrach, ne néglige rien pour garder de son mieux, comme il l'écrivait lui-même « trente lieues de côtes avec de méchantes troupes. »

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Le 16 juin, la flotte anglo-batave, commandée par l'amiral Russel, était parvenue à la hauteur d'Ouessant et détachait lord Berkley, avec 36 vaisseaux de guerre, 12 galiotes à bombes et 80 petits bâtiments portant environ 8.000 hommes de troupes, qui, le soir même, vinrent mouiller entre Bertheaume et Camaret.

 

La descente devait s'effectuer le lendemain, de très bonne heure ;

mais un épais brouillard vint contrarier les projets de l'ennemi, qui ne put entrer qu'à onze heures dans la baie de Camaret.

Ce retard avait permis à un corps de cavalerie et aux milices de Châteaulin d'arriver assez à temps pour concourir à la défense.

 

Assailli par un feu des plus violents, l'ennemi s'efforce d'y répondre vigoureusement et d'effectuer son débarquement au moyen d'une centaine de chaloupes.

 

Il parvient à y réussir et déjà neuf cents soldats sont à terre, prêts à se former en bataille, quand, à ce moment, deux capitaines des compagnies franches de la Marine, MM. Benoise et de La Gousse, fondent sur eux à la tête d'une centaine d'hommes, les culbutent, massacrent les uns et rejettent les autres à la mer.

 

Troupes françaises et paysans ouvrent un feu si meurtrier sur les chaloupes ennemies qu'elles sont obligées de se rendre ou de s'enfuir.

 

Les alliés se retirent en complet désordre.

Ils ont perdu un navire hollandais, une galiote, un bateau plat ;

1.200 hommes ont été tués ou blessés ;

on a fait 466 prisonniers.

 

Le lieutenant-général Talmash, commandant les troupes de débarquement, a été blessé grièvement et, quelques jours après, décédera à Portsmouth.

 

Le nom de Maro ar Saozon (mort aux Anglais), donné par les paysans bretons à la grève où eut lieu le débarquement a perpétué le souvenir de la défaite de nos ennemis.

 

Louis XIV immortalisa par une médaille cette victoire si glorieuse pour la Bretagne.

Elle représente, au premier plan, Pallas appuyée sur son égide près d'un trophée naval et, dans le fond, la mer couverte de vaisseaux, avec cette légende :

Custos orœu aremoricœ et cet exergue :

Batavis et Anglis ad littus aremoricum cœcsis.

MDCXCIV.

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Le succès de la journée du 17 juin était inespéré, car il ressort clairement de la correspondance de Vauban que ce dernier éprouva quelque crainte, lors de l'attaque ennemie.

 

L'illustre défenseur de Brest aurait voulu qu'en prévision d'une nouvelle descente, on augmentât encore les batteries du goulet et de la rade et certains ouvrages étaient commencés quand, faute de crédits, ils durent être suspendus.

 

Vauban quitta Brest à la fin de septembre, après avoir effectué les travaux les plus pressants et tracé le plan définitif de la ville.

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Il y revient au mois de mai 1695 investi, cette fois, d'une autorité absolue sur tous les services de terre et de mer, avec le titre de commandant de la Marine, et il ordonne les derniers ouvrages qui doivent mettre notre port à l'abri d'une nouvelle insulte de l'ennemi.

 

Mais l'argent fait encore défaut.

Vauban ne peut que réparer les dégâts occasionnés par le dernier hiver et couvrir de retranchements la presqu'île de Roscanvel ainsi que les batteries de l'île Longue, du Mengant et du Minou.

 

Il quitte Brest, à la fin d'octobre, avec le regret de n'avoir pu obtenir « ses deux Dardanelles » en renforçant la batterie du Portzic et en établissant une batterie basse à la Pointe Espagnol.

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À partir de cette époque et jusqu'à la fin du règne de Louis XIV, il y eut absence presque complète d'armements et de travaux.

 

L'état désastreux des finances ne permet pas de maintenir des escadres.

Et c'est la guerre de course, les vaisseaux de France prêtés à des particuliers qui les arment et les équipent, affrontent des flottes entières et capturent maints navires.

 

C'est l'honneur de notre pavillon soutenu par les Duguay-Trouin, Cassard, Forbin, Jean Bart, Pointis et Nesmond.

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En janvier 1697, le baron de Pointis part de Brest avec une dizaine de bâtiments auxquels se joignirent des flibustiers des Antilles,

 

Il fait voile vers Carthagène, le plus riche entrepôt de l'Espagne en Amérique, et jette sur la plage 3.500 soldats qui emportent d'assaut cette place réputée imprenable.

 

Pointis ne pouvant garder sa conquête, en fit sauter les fortifications et revint à Brest avec un butin de 85 millions, après s'être fait une trouée à Ouessant, à travers une escadre anglaise de 27 navires.

 

En avril 1697, c'est Duguay-Trouin qui part avec deux vaisseaux et une frégate et fait prisonnier, après plusieurs abordages sanglants, l'amiral hollandais Vassenaër qui, sur le Delft, escortait un convoi avec trois bâtiments de guerre.

 

Ollivier LODEL.

 

(À suivre.)

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