top of page


1928

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

8 sur 41

1701-1717

 

 

Source : la Dépêche de Brest 30 juillet 1928

​

Depuis plusieurs années déjà, Louis XIV, nous l'avons vu, ne faisait face aux dépenses de la guerre, qu'au prix de durs sacrifices.

 

En 1710, une contribution nouvelle vient s’ajouter aux anciennes et à la capitation.

C’est l'impôt du dixième qui frappe, non les revenus présumés, mais les revenus réels de tous les sujets.

 

Les contribuables doivent faire la déclaration exacte et véridique de la valeur de leurs biens, puis de leurs revenus, dont ils paieront le dixième.

 

La détresse des finances municipales fut portée à son comble quand l'arrêt du 12 janvier 1712 fixa, pour Brest, à 70.000 livres, la part du « don gratuit » que le gouvernement demanda aux villes, « en raison des grandes dépenses que le Roi est obligé de faire, pour s'opposer à ses ennemis et à la sûreté de l'État. »

 

Réduite à la dernière extrémité, la Communauté n'eut qu'un moyen de se libérer.

Ce fut d'adjuger ses nouveaux octrois, pour vingt ans, à M. Desclos, banquier à Rennes, qui dut verser au Trésor les 70.000 livres et s'engager à remettre au miseur la somme annuelle de 2.000 livres, pour aider au paiement des charges municipales.

​

 

Peu de travaux importants furent entrepris sous l'administration de M. Lars de Poulrinou, dont les 24 années d'exercice traversèrent, on le sait, toute une série de calamités.

 

La chapelle Saint-Sébastien qui se trouvait sur l'emplacement actuel des terrains de la gare départementale, est transportée, en 1703, dans le cimetière de la rue du Rempart (rue Algésiras).

 

En 1709, un vieil escalier qui descendait de la rue Suffren à la Grand'Rue est remplacé par l'escalier actuel du bas de la rue Louis Pasteur, « sur le rocher, vis-à-vis la Forme, pour conduire aux rues hautes. »

 

On y voit toujours, incrustée dans le mur, une plaque de Kersanton, avec cette inscription :

​

 

C'est en 1709, pour « prévenir la communication du mal contagieux qui régnait dans le Nord », qu'un Bureau de Santé est établi à la Pointe, sur le quai de Recouvrance.

 

Il est composé de six intendants, choisis parmi les notables, quatre chirurgiens et quatre interprètes.

 

En temps de « contagion », dès qu'un navire entre dans le goulet, deux intendants, un chirurgien et un interprète, de service au Bureau, prennent place dans la chaloupe de Santé, montée par un patron et quatre matelots, et portant à l'avant, la bannière de Saint-Roch.

 

Ils se dirigent vers le bâtiment, hèlent le capitaine, et, si l'entrée doit être refusée, ce dernier reçoit l'ordre de ne laisser personne descendre à terre, sous peine de mort.

 

Les intendants vont à l'hôtel de ville présenter leur rapport aux officiers municipaux qui « juges de Santé », prescrivent la quarantaine, entre l'île Trébéron et le fort de Quélern.

​

Saint Roch

 

En 1712, les drapiers, merciers, joailliers et quincailliers brestois s'associent pour fonder la puissante « Corporation des marchands ».

 

Cette confrérie, placée sous le patronage de Saint-Louis, n'admet dans son sein que des catholiques ayant prêté serment, devant les maîtres élus et devant le lieutenant général de police, d'observer les règlements.

Le droit de réception est de 80 livres.

 

Son but est à la fois religieux et économique, mais, cette seconde préoccupation semble l'avoir de beaucoup emporté sur la première.

 

Elle ne tardera pas à entamer la lutte contre les concurrents de ses membres.

 

Défense aux forains de vendre ailleurs que sur la place du Marché, et seulement le premier lundi de chaque mois, jour de foire, et le vendredi de chaque semaine.

 

Défense aux tapissiers de vendre des étoffes pour ameublement ; aux lingères, de vendre de la toile ; aux brodeurs de faire le commerce du velours et du satin.

 

Ses prévôts ont le droit de visite chez tous les commerçants et celui d'opérer des saisies, avec le concours d'un huissier.

​

Le comte de Toulouse

 

Pendant la guerre de la Succession d'Espagne (1701-1714), le comte de Toulouse, grand amiral de France, partit de Brest pour la Méditerranée, le 16 mai 1704, avec la flotte du Ponant.

Il avait heureusement rallié à Toulon l'escadre du Levant et, secondé par d'Estrées, était parvenu, en dépit du mauvais vouloir de Pontchartrain, à mettre 50 vaisseaux, 9 brûlots et 23 galères, en état de prendre la mer.

Mais il ne put arriver à Barcelone que le 1er août et Gibraltar était perdu avant qu'il sût où chercher l'ennemi.

 

À partir de 1707, les finances du royaume sont dans une telle détresse, que Louis XIV se voit contraint de renoncer définitivement à équiper des escadres.

 

Il faut donc continuer le système des armements en course, qui ajoutèrent à illustration des Duguay-Trouin, Forbin et Cassard.

 

Duguay-Trouin et Forbin, à la tête de 12 bâtiments de 44 à 74 canons, sortent de Brest en septembre 1707, pour intercepter un convoi anglais de 80 voiles qui portent des troupes en Espagne, sous escorte de 5 vaisseaux.

 

Le convoi est aperçu le 21 octobre à la hauteur du cap Lizard et nos corsaires arrivent sur les Anglais à toutes voiles.

Mais par suite d'une fausse manœuvre de Forbin, Duguay-Trouin se trouve isolé et engage seul l'action.

 

Elle fut acharnée et meurtrière.

700 hommes périrent dans l'incendie du « Devonshire ».

60 transports et 5 vaisseaux d'escorte furent capturés.

​

 

Louis XIV qui, au milieu des désastres de la fin de son règne, avait vu mourir coup sur coup, son fils unique, le grand Dauphin (1711), et, dans un seul mois de 1712, ses petits-enfants, la duchesse de Bourgogne, les ducs de Berry et de Bretagne, s'éteignit lui-même, le 1er septembre 1715, ne laissant pour héritier qu'un enfant de cinq ans, son arrière-petit-fils.

 

Toutes les villes de France durent « assister aux prières publiques, pour le repos de l'âme du feu Roy, et donner les marques de la douleur que doivent avoir tous les bons Français, de la perte qu'ils viennent de faire ».

 

Un service funèbre fut célébré dans l'église Saint-Louis, entièrement tendue de noir.

On y éleva un catafalque, surmonté d'un dais et de six grands écussons.

Une couronne, un sceptre et une main de justice étaient attachés au mausolée, gardé par les quatre hérauts de la ville.

 

Le maire et tous les officiers municipaux assistèrent, en manteau et un crêpe au chapeau, à cette cérémonie qui coûta 395 livres 19 sols.

​

Louis XV

 

À l'avènement du petit roi Louis XV, la Communauté, selon l'usage, décida qu'une députation irait vers lui,

« protester de la fidélité de la ville de Brest ».

 

Mais le comte de Toulouse, qui, avec son frère, le duc du Maine, devait faire partie d'un Conseil de Régence, présidé par le duc d'Orléans, jaloux de ce que celui-ci ait fait casser le testament de Louis XIV, pour se faire proclamer le Régent, « l'ange tutélaire de l'État », s'opposa, en tant que gouverneur de Bretagne, à toute députation auprès du nouveau Roi, et il écrivait, le 28 septembre 1715, aux magistrats brestois :

 

« Vous ne devez songer à envoyer personne icy.

Le meilleur moyen d'assurer le Roy de votre fidélité, ce sera la bonne conduite que vous tiendrez dans les affaires gui regardent son service, et dans l'observation exacte de ses ordres dont je suis persuadé que Sa Majesté aura tout lieu d'être contente ».

 

Nos officiers municipaux furent enchantés de cette réponse, si l'on en juge par celle qu'ils adressèrent au comte de Toulouse, le 4 octobre:

 

Monseigneur,

« Le maire et les échevins de Brest prennent la liberté de remercier très humblement Votre Altesse sérénissime, de l'honneur de sa lettre du 28 septembre, et de la bonté qu'elle a eue de procurer à leur Communauté, l'épargne et la dépense d'une députation, qu'elle devait au Roi sur son avènement à la couronne.

 

« Nous tâcherons, dans toutes les conjectures, d'assurer S. M. de notre fidélité, par la bonne conduite que nous continuerons de tenir dans les affaires qui regardent notre service, et dans l'exacte observations de ses ordres et des vôtres ; faisant des vœux au Ciel, pour la conservation de sa santé, pour S. A. R. Mgr le duc d'Orléans, et pour la vôtre, Monseigneur ; suppliant V. A. S. d'honorer toujours de sa protection les maire et échevins de Brest qui seront éternellement, avec un profond respect, de Votre Altesse Sérénissime, les très humbles et très obéissants serviteurs. »

 

Signé: Poulrinou Lars, J.-B. Bénard, Lisac, L. Charles.

 

Ollivier LODEL.

 

(À suivre).

​

bottom of page