top of page


1928

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

9 sur 41

1718 - 1723

 

 

Source : la Dépêche de Brest 6 août 1928

 

Un édit de 1716 avait rétabli l'élection des maires, et la Communauté avait convoqué le corps électoral, pour le 5 décembre 1717, au couvent des Carmes.

 

Il se composait, nous l'avons vu, des officiers de la milice bourgeoise, des marguilliers en chef des trois églises, des nouveaux et anciens directeurs des hôpitaux, de deux ouvriers de chaque corps de métier, délégués par leurs corporations, soit en tout, une centaine d'électeurs.

 

Mais Brest possédait depuis 1702 un lieutenant-général de police, M. Avril, dont l'office — comme tant d'autres — lui avait été imposé.

Il cumulait cette fonction avec celles de procureur à la Cour royale et de premier conseiller au siège de l'Amirauté de Léon.

 

D'un caractère hargneux et violent, M. Avril se plaisait à susciter des conflits d'attributions et de préséance, beaucoup plus qu'à veiller à l'exécution des règlements de police et au maintien du bon ordre :

« Les rues sont si remplies de boues qu'elles sont souvent impraticables.

Les libertines qui viennent ici de toutes parts, corrompent et gâtent la plupart des matelots et soldats et ne se cachent pas de leur prostitution, au contraire, tiennent même des maisons ouvertes.

 

« Les cabarets restent ouverts les fêtes et dimanches, pendant le service divin.

La police ne s'exerce que par deux ou trois malheureux sergents qui pillent, brigandent journellement sur le public.

 

M. Avril s'ingéniait à susciter des obstacles à la Communauté.

Toutes les occasions lui étaient bonnes et il s'empressa de saisir celle de l'élection du 5 décembre.

 

La veille, il fait signifier au procureur-syndic de la ville, l'ordre de réunir le jour même à son auditoire, les officiers municipaux en exercice, pour dresser, concurremment avec lui, la liste des candidats que ce bureau présenterait pour remplir les fonctions de maire, d'échevins et de conseillers.

 

M. Lisac de Kerider, notaire et procureur-syndic, ne répond pas à cette sommation et le lieutenant-général de police désigne seul les candidats à l'élection du lendemain.

 

Mais aucune réunion n'a lieu, et tandis que le procureur dénonce à M. Feydeau de Brou, intendant de Bretagne, l'arbitraire de M. Avril « qui veut renverser l'usage pratiqué pour l'élection des maires, afin de se rendre maître de la Communauté », le maire de Brest écrit au gouverneur de la province :

 

« La conduite du sieur Avril est en horreur.

Il ne respecte ni commandants, ni magistrats.

Il prétend seul gouverner l'habitant.

 

« Ayez donc la charité, Monseigneur, de nous délivrer au plus tôt de cet esprit brouillon et dangereux. »

 

Hélas ! pour être « délivrée » de son lieutenant-général de police, la ville devait lui rembourser le prix de son office, évalué à 6.000 livres.

 

Et malgré la pénurie de ses finances, pour que la police soit, comme anciennement, exercée par les juges royaux et la Communauté, elle n'hésite pas, en 1718, à demander l'autorisation de contracter l'emprunt nécessaire au rachat de l'office.

 

L'intendant ne fît pas droit à cette requête, mais un arrêt du Parlement de Rennes, du 20 août 1720, permit à la municipalité de choisir six bourgeois pour remplir les fonctions de commissaires de police.

 

Comme on devait s'y attendre, ils eurent à subir maintes entraves de la part de M. Avril, qui fut enfin destitué en 1723.

 

Les ordonnances du lieutenant-général de police ayant été cassées par l'intendant, l'élection du maire et de la municipalité eut lieu le 18 décembre 1717, sous la présidence du sénéchal.

 

M. Jacques Le Dall, sieur de Kerliezec, négociant, ancien premier échevin, sous l'administration de M. Lars de Poulrinou, fut élu maire par 97 voix sur 123 votants, et réélu, pour un second triennat, en 1720.

 

Son installation, le 2 janvier 1718, fut l'objet d'un conflit.

 

Suivant l'usage, juges royaux et officiers municipaux s'étaient rendus en cortège, de la maison de ville à l'église des Sept-Saints, où se trouvait M. de la Reinterie, gouverneur du Château, qui avait été prié d'assister à la cérémonie.

 

En entrant dans l'église, M. de Kerliezec s'était agenouillé sur un coussin de velours, « et la main sur les Saints Évangiles, avait prêté serment de garder et conserver les droits de la dite église et de la religion catholique ».

 

La grand'messe terminée, le maire « ayant mis le talon dans le trou de la pierre ronde, sur la première marche de l'église, qui est censée le centre de la ville, avait prêté serment devant le gouverneur, en qualité de colonel de la milice bourgeoise, de se bien et fidèlement comporter dans ses nouvelles fonctions ;

puis, devant le sénéchal, en tant que maire, de garder et conserver les privilèges de la ville, de protéger les pauvres, les veuves et les orphelins ».

 

Mais sur l'instigation du bailli et surtout celle du lieutenant-général de police Avril, qui ne manquait jamais l'occasion de chercher noise à la municipalité, ces hommages sont considérés comme prématurés.

 

Le maire, au sortir de l'église, doit d'après le règlement de 1618, se rendre au Château, et c'est là qu'il doit prêter serment devant le gouverneur et le sénéchal.

 

L'affaire fut portée devant le Conseil d'État qui donna gain de cause aux demandeurs.

 

(À suivre)

 

Olivier LODEL.

bottom of page