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1929

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

21 sur 41

1760 - 1762

 

 

Source : la Dépêche de Brest 21 janvier 1929

 

M. Jean Lunven, sieur de Kerbizodec, négociant et conseiller du roi, né à Recouvrance, le 2 juillet 1709, fut élu maire de Brest et installé le 1er janvier 1760.

 

La nomination de M. Lunven était la juste récompense du zèle que ce « bon citoyen » avait montré pendant la dernière épidémie.

 

Chargé de la pénible mission de faire transporter les malades aux hôpitaux,

« l'air empesté de ces lieux de gémissements et d'horreur, où l'on pouvait à peine compter les victimes de la mort et de la contagion, ne le rebutèrent jamais ;

il vola au-devant du danger et ne craignit point d'exposer sa vie pour sauver celle de ses concitoyens. »

 

Ce dévouement, joint aux services que rendit M. Lunven pendant son triennat, méritait une gratification que la municipalité demanda à l'Intendant, en 1763.

 

L'Intendant la refusa, en raison du mauvais état des finances de la ville et « les services du maire, bien que bons et utiles, ne lui paraissant pas être du nombre de ceux pouvant le rendre susceptible d'une grâce aussi distinguée. »

Plan du Château

Daniel de la Feuille (1640-1709)

 

La municipalité Lunven s'occupa très activement de régulariser le plan de la ville, et l'on remarque chez elle un constant souci d'embellissement.

« Aucun particulier, de quelque qualité qu'il soit, ne bâtira un édifice,

sans qu'au préalable il n'en ait averti la Communauté qui, d'accord avec les ingénieurs de la ville,

donnera les alignements et les proportions au plan de M. de Vauban. »

 

Les rues étroites ont besoin d'être élargies et on commence en 1762 la démolition de maisons, dans le bas de la rue des Sept-Saints, pour conduire directement à l'église des Carmes.

Cette ancienne rue des Carmes est aujourd'hui la rue Jean-Jacques Rousseau.

 

C'est en 1760 que la Communauté acquiert, pour 3.000 livres, un terrain situé « près l'abreuvoir » et y fait construire une maison et des écuries pour le service de la Poste aux chevaux, satisfaisant ainsi au désir du maître de poste qui ne pouvait trouver un logement convenable, malgré l'indemnité annuelle de 300 livres qui lui était allouée.

 

L'ancienne rue de l'Abreuvoir prit alors le nom de rue de la Poste (aujourd'hui rue Colbert).

La Poste royale devint l'hôtel de « La Tour d'Argent » dont se souviennent les vieux Brestois.

26 novembre 1889

 

Le règlement de police de 1754 contenait un certain nombre de dispositions concernant les individus dangereux, voleurs, vagabonds, toute une population qui vivait en marge de la société et qui était particulièrement nombreuse à Brest.

 

En 1760, M. Raby, premier échevin, signale à la Communauté que :

« Depuis quelque temps, les habitants ne sont pas en sûreté chez eux.

Les attaques et les vols se répètent presque toutes les nuits et les mesures les plus convenables pour découvrir les malfaiteurs ont été inutiles parce que, quand les patrouilles, qui sont triplées, passent dans une rue, ces malfaiteurs s'échappent ou se cachent dans des culs-de-sac, en sorte qu'on ne peut venir à bout d'en arrêter aucun, ayant toujours leurs sorties par ces endroits détournés. »

 

Devant cette remontrance, la municipalité oblige tous les propriétaires de maisons à remettre en état les portes et serrures des entrées où les malfaiteurs trouvent un refuge.

Elle décide en même temps de clore les ruelles et culs-de-sac, quitte aux habitants ayant droit de servitude d'y établir, à leurs frais, des portes fermant à clef.

 

La même année, une fontaine est établie à Recouvrance, dans la rue de l'Église, sur l'emplacement de l'ancien cimetière des noyés.

Et sur la table en Kersanton, placée au-dessus de cette fontaine, on lit l'inscription suivante, gravée en creux :

 

que M. Mauriès a ainsi traduite :

 

« Si ta soif, Brestois, si ta soif, grâce au maire Lunven, est apaisée par cette onde,

gardes-en souvenir dans ton cœur reconnaissant. »

 

Le fontainier municipal était à cette époque un nommé Nicolas Pellever, payé 600 livres par an, avec indemnité de logement de 60 livres.

Mais il avait perdu l'entrain des premières années, laissait les fontaines « dans le plus pitoyable état, pour s'occuper de travaux dans le port. »

 

La municipalité décide de le remplacer par l'entrepreneur des travaux de la ville, M. Yves Lejeune, et d'attribuer le fonds de 600 livres à un avocat-conseil, M. de Bergevin, procureur du roi à Brest

« qui, dans toutes les occasions, a consacré sa plume, avec le zèle d'un bon patriote, au service de la Communauté, dans ses contestations devant les tribunaux. »

 

L'Intendant fit quelques difficultés pour accepter cette délibération, mais il finit par l'approuver et cette nomination suscitera la fameuse « affaire Bergevin » dont nous aurons l'occasion de parler dans un prochain article.

 

Depuis deux ans, M. Garlantezec, maître de grammaire, est établi à Brest, pour enseigner les belles-lettres.

Sa capacité est reconnue, mais la plupart des enfants suivent les cours des Frères et il a si peu d'élèves qu'il n'a pu payer le montant de son loyer.

 

Dans un bel élan de générosité, la Communauté veut s'attacher ce professeur et lui vote une gratification annuelle de 600 livres.

Mais elle se ravise, connaissant les susceptibilités de l'autorité supérieure.

 

La décision du vote de 600 livres est raturée sur le registre des délibérations et remplacée par cette supplique à l'Intendant « d'accorder à Garlantezec telle gratification que Mgr. jugera à propos...

Il serait à souhaiter qu'on pût l'engager à rester en cette ville qui en a, dans ce temps critique, plus besoin que jamais. »

 

Nous ignorons si cette demande fut accueillie, mais la ville, en tous cas, ne tarda pas à être privée de son maître de grammaire.

Le Duc de Choiseul

D’après Louis-Michel van Loo

 

La municipalité s'associe, en 1762, à une requête présentée aux États de Bretagne par les marchands de vin de Brest, contre le fermier des devoirs qui leur fait concurrence.

 

Il accapare plus de la moitié du commerce, tire de Bordeaux plus de 200.000 barriques et plus encore de Saintonge.

Il commet de nombreux abus ;

aussi demande-t-on qu'il ne soit autorisé à avoir que quatre cantines, ou qu'il soit assujetti aux droits d'octroi.

Lieutenant-général d'Orvilliers

 

Nous avons vu dans quelle situation désespérée était notre marine :

Plus d'escadres, ni sur la Méditerranée, ni sur l'Océan.

Le chevalier de Mirabeau, ancien inspecteur général des côtes de Picardie,

écrivait de Brest à son frère, le 9 juin 1760 :

 

« Jérémie ne serait qu'un bouffon auprès de moi, si je te disais le crève-cœur que j'ai tous les matins, en ouvrant ma fenêtre qui donne sur le port.

L'air de mort et de désolation qui y règne me fait gémir.

Un silence affreux !

Une solitude dévastée !

Je ne sais que te dire, mais tout ceci va bien mal. »

 

C'est en 1761 que Louis XV confia le portefeuille de la marine au duc de Choiseul, déjà ministre de la Guerre.

 

Choiseul possédait de rares qualités de travail et de volonté.

II provoqua dans le pays un magnifique élan de patriotisme pour la restauration de la marine.

Les provinces, les villes, les corporations, le clergé rivalisent de générosité et, en quelques mois, les millions recueillis permettent la construction de 15 bâtiments de ligne.

 

Avec la souscription des États de la province, on construit un vaisseau à trois ponts, de 110 canons, la Bretagne, qui, dans la guerre d'Amérique, partira de Brest à la tête d'une armée navale de 32 vaisseaux, 14 frégates et portera le pavillon de son grand chef, le lieutenant-général d'Orvilliers.

 

(À suivre)

 

Ollivier LODEL.

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