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1929

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

22 sur 41

1763 - 1765

 

 

Source : la Dépêche de Brest 28 janvier 1929

 

M. Charles Feburier, second échevin de la dernière municipalité, fut élu maire de Brest le 6 novembre 1762, par 47 voix, contre quinze attribuées à M. Antoine Raby, 1er échevin et 3 à M. Demontreux, conseiller.

 

Il était né à Landerneau en 1721 et établi marchand de vins en gros à Brest, depuis une quinzaine d'années.

 

Quelques mois après son installation, le 1er juillet 1763, la ville célébra par des réjouissances le Traité de Paris qui mettait fin à la guerre de Sept ans, mais qui fut le plus désastreux que la France ait jamais subi.

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Das bettelnde Soldatenweib

(la femme du soldat réduite à mendier).

Gravure de Daniel Chodowiecki en 1764 sur les conséquences humaines de la guerre de Sept Ans

 

 

La paix permit à la municipalité de s'occuper avec plus de suite des travaux projetés depuis longtemps.

 

Le jour même de sa publication, elle décide qu'il sera fait un aqueduc dans la Grand'Rue,

car Brest n'a d'autre égout que la Penfeld et on peut s'imaginer dans quel état de saleté devaient être les rues.

 

Les cloaques pour dépôt des immondices se trouvent sur le quai et à Kéravel.

On achète un terrain en dehors des fortifications, pour en établir un nouveau, où « chacun, sous peine d'amende devra porter les ordures. »

 

« Le port de Brest, dit la Communauté, est le plus beau et considérable de la France.

Le moyen de le conserver tel, est sans doute d'empêcher qu'on y vide, comme on le fait continuellement, des latrines et qu'on y jette des ordures et immondices des deux côtés de la ville. »

 

Un cloaque et aussi repaire de malfaiteurs était bien le Pont-de-Terre (aujourd'hui place La Tour d'Auvergne), en contre-bas de quatorze mètres par rapport aux rues avoisinantes.

 

En dehors du danger causé par la présence de nombreux malandrins, les passants couraient le risque de tomber de la rue dans le précipice, surtout la nuit.

On l'entoure d'un talus, du côté de la rue de la Mairie et d'une haie, rue Saint-Yves.

 

Les « douets » ou lavoirs sont à près d'un quart de lieue des murs de la ville.

C'est une grande gêne pour les ménagères « qui souvent ne trouvent pas de place au lavoir, s'y font insulter, et vont laver aux pompes ».

Cinq lavoirs gratuits sont installés à Brest et Recouvrance.

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Depuis un siècle, la ville ne s'occupe que du pavage des places publiques.

Les particuliers sont tenus de faire paver à leurs frais la portion de rue située en face de leur propriété.

 

En 1765, on fait exception en faveur de la Grand'Rue.

Là s'exerce presque tout le commerce, le pavé s'use très vite et la Communauté en entreprend la réfection complète à ses frais, depuis le quai jusqu'à la place Médisance.

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Les travaux publics, l'embellissement des villes étaient, on peut le dire, la passion du gouverneur de la Bretagne.

Et Brest, très justement, donna à cette époque le nom d’Aiguillon, à l'une de ses plus belles rues.

 

Conformément aux ordres du gouverneur, des inscriptions sont placées, pour la première fois, aux coins des rues,

« sur lesquelles les noms sont gravés, ainsi qu'il est pratiqué dans Paris. »

 

M. Feburier fait lever le plan d'une nouvelle rue qui, traversant le potager de l'hôtel Saint-Pierre, mettrait en communication le Champ de bataille avec la rue de Siam.

 

L'exécution de ce projet fut commencée par la construction de la Salle de spectacle.

Mais cette partie de la rue d'Aiguillon resta une impasse, jusqu'à la démolition en 1822, des maisons qui la séparaient de la rue de Siam.

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Brest possédait, depuis cinq ou six ans, un théâtre permanent, dans une salle « en bois et pourrie » qui faisait saillie de 10 à 12 pieds sur l'impasse d'Aiguillon.

 

Un incendie l'ayant consumé en 1765, le roi autorise immédiatement la construction d'un nouveau théâtre, aux frais de la marine, dans le jardin de l'hôtel Saint- Pierre.

 

Cette construction, dirigée par M. Choquet de Lindu, coûta environ 300.000 fr.

 

« La salle de spectacle de Brest, nous rapporte, en 1816, M. Trouille, directeur des travaux maritimes, fut assez longtemps, une des plus belles de France, car, à l'exception de celle de Metz, tous les théâtres qui font, en ce moment, l'ornement de la capitale et des principales villes du royaume, n'étaient pas encore bâtis.

 

« II n'est pas étonnant que la salle de Brest fût alors un objet de curiosité pour les amateurs et les artistes, et nous pouvons dire, avec connaissance de cause, ayant été du nombre, qu'aucun d'eux n'a regretté ses peines en venant la voir et que tous, au contraire, y admiraient la belle disposition des spectateurs, dont les lignes elliptiques non interrompues et faisant amphithéâtre, présentaient un ensemble agréable que l'on n'avait encore vu nulle part. »

 

Sur la façade donnant sur le Champ de Bataille, au-dessus de l'entrée principale, une table de marbre portait cette inscription, gravée en lettres d'or :

 

Moecenas nobis hoec otia jecit.

 

La façade et les murs du théâtre de Brest, construits par Choquet de Lindu en 1765, ont résisté aux incendies de 1866 et de 1919.

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En même temps que le théâtre, la marine fait bâtir, à l'angle des rues d'Aiguillon et de Saint-Yves, une maison destinée à servir, sous le nom de Café de la Comédie, de lieu de réunion aux officiers.

Elle devint, en 1775, propriété privée.

C'est aujourd'hui la « Brasserie de la Marine » autrefois « Café Laplanche ».

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Depuis 1712, les marchands de draps et soieries, les merciers, joailliers et quincailliers formaient une association appelée Corporation des Marchands.

 

Ses statuts portaient qu'aucun marchand ne pouvait ouvrir boutique, s'il n'avait fait le serment, devant les maîtres élus, « de garder les ordonnances de police et constitution de son état. »

 

Il n'était permis aux marchands forains « de vendre dans la ville que sur la place du marché et non ailleurs, le premier lundi de chaque mois, jour de foire, et aux marchés des vendredis de chaque semaine. »

 

« Défense aux revendeuses de porter dans les rues, aucune marchandise de celle que vend la Corporation des marchands. »

 

Mais il se commettait de nombreux abus et c'est pour les prévenir, que la Corporation brestoise présente en 1763, une requête au Conseil d'État, tendant à l'établissement d'un Bureau d'inspection, qui seul pourrait y remédier.

 

La municipalité émet un avis favorable.

« Le Bureau, déclare-t-elle, servira à écarter de la ville une troupe de marchands forains ou colporteurs dont les uns sont suspects et les autres profitent de tout le débit qui se fait à Brest, argent comptant, sans y faire que peu ou point de dépenses et consommations. »

 

Mais elle veut rester gardienne des intérêts de tous et dans la crainte que les marchands ne veuillent « entraver le commerce et en restreindre les branches, pour se les approprier exclusivement », elle ne consent à l'établissement du Bureau d'inspection qu'aux conditions suivantes :

 

Trois gardes des différents états feront la police intérieure du Bureau.

La Corporation des marchands ne pourra, en aucune façon, s'immiscer dans l'inspection des marchandises des joailliers, ni inquiéter les épiciers sous prétexte d'inspection, dans leur droit très ancien de vendre et débiter de la laine à filer, des soufflets, des cordages, du fer et de l'acier en barre.

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Le Bureau des Marchands, puissante association des commerçants brestois, ne fut officiellement établi qu'en 1771, dans une maison de la rue Kéréon.

Quelques années plus tard, ii s'installera dans un grand immeuble, sur l'emplacement actuel l'école communale de la rue de la Mairie.

 

(À suivre.)

 

Ollivier LODEL.

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