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1929

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

28 sur 41

1771 - 1774

 

 

Source : la Dépêche de Brest 1 avril 1929

 

Les édits du chancelier Maupeou avaient de nouveau dissous les Parlements.en 1771.

L'un des premiers actes de Louis XVI fut de les rappeler et la ville de Brest ne fut ni la dernière, ni la moins enthousiaste, à célébrer cet événement.

 

Le 24 décembre 1774, elle décide qu’une députation ira à Rennes « porter son hommage sincère et respectueux aux pieds de la Cour et lui témoigner ses transports de joie, sur un événement si heureux pour la Nation, par le rappel de l’universalité des magistrats chéris, trop longtemps victimes innocentes de l'amour du bien public. »

 

Mais le Parlement a déclaré ne recevoir aucune délégation et la Communauté, qui apprend cette nouvelle « avec un sensible déplaisir », se contente d'adresser ses compliments à la Cour, et particulièrement au procureur général La Chalotais.

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Chancelier René-Augustin de Maupeou

 

Les juges et les avocats de Brest organisent alors des manifestations en l'honneur du rappel du Parlement de Bretagne.

 

Le 10 janvier 1775, les juges de la Sénéchaussée et de l'Amirauté font célébrer une messe d'actions de grâces à l'église Saint-Louis, à laquelle sont conviés les membres de la Communauté, et voici la cause d'un nouveau conflit.

 

Pour ajouter à l'allégresse, les juges ont dressé, sur la place Saint-Louis, un bûcher destiné au feu de joie, mais ils n'ont pas cru devoir demander l'autorisation à la municipalité, seule chargée de la police.

 

C'est un attentat dirigé contre son autorité, un exemple d'autant plus dangereux qu'il part de plus haut.

Pour ne pas troubler un jour aussi beau, la Communauté « permet » le feu de joie, mais elle n'y paraîtra pas et assistera seulement à la messe.

 

Toutefois, elle ne veut pas que ses sympathies soient suspectées et elle vote la somme de 600 livres, pour distribution de 1.200 pains aux pauvres, « en les excitant à rendre à Dieu de continuelles actions de grâces sur un événement tant et si longtemps désiré. »

 

Le 11 janvier, les avocats et procureurs envoient un des leurs auprès de la Communauté, pour l'inviter à une messe qui sera célébrée le 13, à l'église des Carmes, et lui demandent de permettre « que la joie se communique par les transports les plus éclatants, en consentant qu'il soit fait un feu de joie sur les glacis du Château, et qu'il soit ordonné une illumination générale. »

 

La Communauté acquiesce à tout cela et déclare qu'elle donnera l'exemple en illuminant l'hôtel de ville.

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Sacre Louis XVI

 

Les fêtes du sacre de Louis XVI furent célébrées à Brest le 9 juillet 1775.

 

La municipalité assista au Te Deum, chanté à l'église Saint-Louis, puis au feu de joie élevé sur les glacis du Château. M. de Bonnefons, commandant de la place, reçut le premier flambeau et mit le feu au bûcher en criant trois fois :

« Vive le Roi ! »

 

Ce cri fut répété par la population, « au bruit de trois volées de 72 canons et de la mousqueterie de la garnison, composée de six bataillons qui bordaient les remparts des deux côtés de la ville. »

 

Toute grande fête publique comportait une distribution de pain aux pauvres, mais à l'occasion du sacre, la Communauté estime que cet usage ne soulage les malheureux que pour un moment, et « plusieurs de ces misérables vendent le pain qu'on leur donne pour se livrer à la débauche. »

 

Elle trouve préférable de doter quatre jeunes filles « pauvres et honnêtes », deux de Brest, deux de Recouvrance.

Chacune d'elles recevra 300 livres, et elles « se rappelleront toujours avec joie cette heureuse époque qui fit leur bonheur, en même temps qu'elle était l'objet de l'allégresse publique. »

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Entrée du second service au festin royal donné après le sacre de Louis XVI

MARTIN Pierre-Denis, dit le Jeune

 

Pendant son second triennat, M. Le Normand eut à lutter contre la « famille Bergevin » qui absorbait à Brest tous les offices et toutes les dignités.

 

Pour bien comprendre la genèse de cette « affaire », il nous faut remonter quelques peu en arrière.

 

La Communauté, en 1761, a supprimé l’emploi de fontainier municipal et attribué ses gages annuels de six cents livres à un avocat-conseil, « Monsieur de Bergevin, procureur du roi, qui, par le pur zèle d’un bon patriote, a donné ses conseils à la Communauté, dans ses affaires devant les tribunaux. »

 

Les services rendus par Bergevin ne sont sans doute guère appréciés, car il écrit, en janvier 1772 :

 

« Tous les ans, je suis obligé à des bassesses vis-à-vis de chaque officier municipal, pour obtenir leur délibération, afin de payement, et je serais tenté, par les dégoûts humiliants que cette démarche me fait éprouver, de renoncer à tout, si l’éducation d'une nombreuse famille ne me forçait, malgré moi, de faire taire toute ma délicatesse. »

 

M. Bergevin n'eut pas longtemps à s'humilier, car, le 22 décembre 1772, la municipalité décidait de supprimer son office, et d'ailleurs pour d'excellentes raisons :

 

Que la ville ait des affaires litigieuses devant l'intendant de la province, devant les commissaires des États, devant les juges royaux de Brest, M. Bergevin occupe partout une place « qui le met dans l'impossibilité de donner des conseils à la ville. »

 

Et puis, la municipalité n'a-t-elle parmi ses membres, de nombreux avocats ?

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Mais la ville a compté sans l'intendant dont M. Bergevin vient d'être nommé subdélégué, car l'intendant lui écrit :

 

« La manière dont vous avez arrêté sa destitution, sans me consulter avant de prendre une délibération qui porte sur un homme qui a ma confiance, est très malhonnête, et on y ajouterait encore, si on en nommait un autre... »

 

La Communauté se reconnut-elle des torts envers M. Bergevin, ou ne craignit-elle plutôt de déplaire à l'intendant ?

Toujours est-il qu'elle vota en 1773, à son « ancien conseil », une pension annuelle et viagère de 600 livres, « en témoignage des services qu'il avait rendus et rendait à la ville, dans l'exercice de ses différentes charges. »

 

*

**

 

Mais M. Bergevin a deux fils :

Pierre, l'aîné, lui a succédé dans sa charge de procureur du roi ;

le cadet, Olivier, est lieutenant particulier de l'Amirauté.

 

Et Pierre Bergevin, lors de la procession de la Fête-Dieu, le 15 juin 1775, a causé un véritable scandale.

 

Au moment où la procession se mettait en marche, il a enjoint aux sergents de police de marcher deux à deux, devant et derrière les juges royaux.

Le maire, qui prétend être leur maître, le leur a interdit.

 

Rue Saint-Louis, alors que se déroule la procession, le procureur du roi a donné l'ordre à deux fusiliers de conduire les sergents de police en prison.

Nouvelle intervention du maire.

Le procureur cède et la cérémonie s'achève sans autre incident.

 

Mais, le surlendemain, la Communauté se réunit pour flétrir les agissements de M. Bergevin, « au milieu d'une procession solennelle, à la vue des différents corps et d'un public toujours malheureusement disposé à prendre des impressions désavantageuses de la division qu'il voit régner dans ceux qui, par état, sont destinés à leur donner l'exemple de la prudence et de la modération. »

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Quelques semaines plus tard, le 14 août 1775, c'est Olivier Bergevin, le lieutenant de l'Amirauté, qui, « se qualifiant substitut de son frère, s'est immiscé de donner une permission pour l'impression et la représentation d'une pièce de théâtre. »

 

La municipalité proteste avec raison, car ce droit appartient exclusivement au siège de police.

 

Et la mesure est comble, quand la Communauté apprend que M. Bergevin vient d'acquérir pour son fils Olivier, âgé de 25 ans et 3 mois, l'importante charge de sénéchal de Brest.

 

C'est alors un duel acharné entre le corps municipal et la famille Bergevin tout entière.

 

Requêtes et mémoires sont adressés au roi, au garde des Sceaux, au gouverneur, à l'intendant, au Parlement, dans lesquels on énumère les fonctions multiples accaparées par cette famille :

 

  • Le père est président du siège royal des traites, subdélégué de l'intendant.

  • Le fils aîné, Pierre Bergevin, est Procureur et avocat du roi, en la sénéchaussée et la police.

  • Le fils cadet, Olivier Bergevin, et lieutenant particulier de l'Amirauté de Léon et vient d'acheter l'office de sénéchal.

  • Leur gendre et beau-frère, Lunven de Coatiogan, est procureur du roi à l'Amirauté et sénéchal du Châtel.

 

Dans tout tribunal, on a au moins un Bergevin pour juge.

De plus, les affaires jugées par Lunven de Coatiogan, en la juridiction du Châtel, viennent en appel à la sénéchaussée, où siègent ses deux beaux-frères.

 

La municipalité eut beau protester contre l'invasion, l'intendant Dupleix refusa d'arrêter l'essor des Bergevin.

 

(À suivre)

 

Ollivier LODEL.

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