top of page


1929

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

30 sur 41

1777 - 1779

 

 

Source : la Dépêche de Brest 10 juin 1929

 

M. Louis Le Guen, négociant à Recouvrance, et conseiller de ville, fut élu maire de Brest le 11 juin 1777, par 43 voix contre 12 attribuées à son frère François Le Guen, premier conseiller, et 19 à M. Cabon de Kerbrizau, premier échevin.

 

Avant de procéder à l'élection, le procureur-syndic Gillart avait demandé qu'on votât au bulletin secret, mais l'assemblée rejeta cette requête, et, suivant l'ancienne coutume, on se servit de la « feuille d'élection », sur laquelle, chacun à son gré, fait pointer, par le greffier, le nom d'un candidat.

 

L'installation du nouveau maire — le 22 juin — fut marquée par un incident que créa la mésintelligence coutumière des officiers de ville et de justice.

 

Au sortir de l'église, les juges invitent M. Le Guen à accepter la présidence du cortège et

« la première place parmi eux ».

Le maire ne veut pas se séparer du corps municipal, sans prendre l'avis de ses collègues.

 

Mais « le peuple s'accumule si fortement que, pour prévenir une confusion, les juges réinterpellent M. le maire de répondre catégoriquement par oui ou par non, s'il accepte ou refuse la proposition. »

 

M. Le Guen accepte.

Tous les officiers municipaux se retirent alors immédiatement, et aucun ne prit part à la suite de la cérémonie.

Le soir, il n'y eût point de dîner à l'hôtel de ville.

​

 

Devenu maire, M. Le Guen s'anoblit, en ajoutant à son nom l'anagramme de Neugel.

Peu de travaux furent exécutés pendant son triennat, car l'argent continue à manquer.

 

Dès la, première séance qu'il préside, le maire « remontre que si le malheureux état où se trouvent les finances de la ville ne permet pas de penser en ce moment aux objets d'embellissement, on ne doit pas, néanmoins, perdre de vue les choses utiles et indispensables. »

 

Il fait alors un triste tableau de l'état dans lequel se trouvent les rues de Recouvrance.

 

Les eaux qui descendent la rue de la Porte charrient des sables et des boues formant « des amas si considérables que des eaux se répandent dans beaucoup de maisons des rues Neuve et de la Fontaine. »

 

C'est vraiment lamentable, mais la communauté n'a plus d'argent ;

les travaux du cours Dajot ont dû être suspendus.

On se borne à remédier au cours du ruisseau qui descend la rue de la Porte, afin d'éviter les inondations.

​

 

Nous ne trouvons trace de dépenses, en 1777, que pour la démolition d'une maisonnette délabrée, connue sous le nom de Petit-Moulin.

 

Elle avait été construite sur l'emplacement du vieux moulin de 1550, à l'endroit de l'immeuble actuel portant le n°101 de la rue de Siam, et on la démolit pour permettre l'élargissement de cette voie « si étroite, près de la fontaine, qu'il se passait peu de jours que les voitures ne cassent quantité de vases et n'exposent les porteurs à des accidents fâcheux. »

​

 

Le budget municipal ne peut plus suffire à l'entretien des réverbères qu'ont achetés les contribuables.

 

La ville résilie, le 16 mai 1778, le bail passé l'année précédente avec l'adjudicataire Calmels, auquel il est dû 3.257 livres, pour frais d'éclairage du premier trimestre.

 

« L'illumination » est suspendue, et les réverbères sont déposés à l'hôtel de ville, « en attendant le moment heureux où les finances permettront aux officiers municipaux de les faire valoir à l'utilité publique. »

​

 

C'est en 1778 que le juge de police Guesnet ordonne de sonner les cloches de Saint-Louis et de Saint-Sauveur, de neuf heures trois quarts à dix heures du soir, pour annoncer la retraite bourgeoise ou couvre-feu, après laquelle tout habitant qui sera trouvé sans lumière dans les rues sera conduit au corps de garde, pour y passer la nuit.

 

Au dernier son de cloche du beffroi, toutes les portes, volets et soupiraux des caves donnant sur la voie publique, tous les restaurants, billards, cafés, cabarets et guinguettes doivent être fermés.

 

Corolleur, le bedeau de Saint-Louis, demande un traitement annuel de 200 livres pour sonner le beffroi.

Mais la communauté refuse cette indemnité ; le bedeau est exempt d'impôts, et n'a-t-il pas un casuel très suffisant, supérieur même à celui des prêtres de la paroisse ?

 

En tout cas, la dépense doit être supportée par la fabrique de l'église.

 

Corolleur s'adresse à l'intendant de Bretagne et obtient presqu'entièrement gain de cause, puisque ses gages sont fixes à 150 livres, payables par la communauté.

 

Sonneur et beffroi furent supprimes en 1881, quand « la cloche de dix heures » devint inutile, par la permission donnée aux débitants de boissons de tenir leurs établissements ouverts jusqu'à minuit.

​

Les Vauxhall Gardens en 1785

Thomas Rowlandson  (1756–1827)

 

En 1777, M. Longo était directeur du spectacle, et, pour compenser sans doute les pertes de son exploitation théâtrale, il songe à établir à Brest, sur la place du Château, « une sorte de vauxhall, pour la récréation des marins et des troupes, où régneraient la tempérance, l'honnêteté, le bon ordre et la modération du prix. »

 

À l'appui de son projet, M. Longo dressait un sévère réquisitoire contre les auberges, cafés et billards, qui, la plupart situés dans des lieux obscurs et tenus par des personnes suspectes, servent de retraites aux malfaiteurs ;

contre les guinguettes hors ville, « où marins et soldats, après avoir épuisé leurs ressources légitimes, concertent leurs projets de désertion. »

 

Le bâtiment projeté devait comprendre une petite salle de spectacle, quelques salles de jeux et un café ; une guinguette, pour les danses et festins, avec jardin pour jeux champêtres ;

une esplanade pour combats d'animaux, joutes et feux d'artifice.

 

Quelques notables de la ville, constitués en société, soutenaient le projet de M. Longo et M. Siviniant, propriétaire du terrain de la place du Château, « qui n'était alors que décombres et précipices, aussi horribles que dangereux », en avait commencé l'aplanissement, quand les travaux furent suspendus sur l'ordre de l'intendant, qui n'avait pas approuvé cet établissement.

​

 

L'année 1779 fut marquée par trois incendies dans l'arsenal.

 

Le 28 février, le feu prend à minuit à bord du vaisseau de 64 canons Le Roland et le consume entièrement, ainsi que la frégate le Zéphyr, qui lui était amarrée.

 

Le 13 juillet, à une heure de l'après-midi, un incendie, dû à l'imprudence de quatre chauffeurs de brai, qui, pendant le dîner, n'avaient pas surveillé leurs pigoulières, se déclare dans une petite clouterie, au quatrième bassin de Pontaniou.

 

En quelques minutes, le feu atteint un magasin adjacent et menace de se communiquer à la charpente du bassin couvert, où était alors le Royal-Louis, de 116 canons, aux trois quarts achevé.

 

Le vaisseau aurait infailliblement été consumé sans l'intelligence et l'intrépidité de l'enseigne de vaisseau Siochan de Kersabiec, à qui le directeur du port dut prescrire, à deux reprises, mais inutilement, de ne pas s'exposer davantage à une mort regardée comme certaine.

 

Louis XVI, que le commandant de la marine informa de son courage, le fit complimenter et lui offrit une récompense, qui, sur la demande de M. de Kersabiec, fut remplacée par l'admission d'un de ses frères à l'école militaire.

 

Le 4 octobre, le feu se déclare dans le grenier de la Madeleine, où couchaient les filles pénitentes, et le bâtiment aurait été anéanti sans la promptitude des secours.

 

La fréquence des incendies dans le port éveilla la sollicitude des autorités locales, et, en 1779, fut établi le corps des pompiers de la marine.

 

(À suivre).

 

Ollivier LODEL.

​

bottom of page