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1929

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

35 sur 41

1780 - 1783

 

 

Source : la Dépêche de Brest 29 juillet 1929

 

Le soir du 22 mars 1781, jour de l’appareillage de la division Suffren pour la campagne des Indes, le marquis de Castries, ministre de la Marine, quittait Brest et s’en allait dire au roi les espérances que la France pouvait avoir en ses marins, partis à la délivrance de l'Amérique et à la conquête de l'Hindoustan.

 

Mais Castries avait profité de son séjour dans notre port pour ordonner l'exécution des travaux les plus urgents à réaliser.

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Antoine Groignard

(Solliès-Pont (Var), 1727 - Paris, 1799)

Musé naval de Toulon.

 

L'ingénieur général Groignard est chargé d’approfondir le bassin de Troulan (aujourd’hui bassin Tourville), pour qu'il puisse recevoir, tous les jours, des bâtiments de 74 et 80 can6ns et, à chaque marée des vaisseaux de 110.

 

L'Académie royale de marine a demandé observatoire, « pour faciliter les études des officiers ».

Le commissaire général Guillot en dresse les plans, sur un terrain acheté par le roi aux Dames de l'Union chrétienne, terrain qui revint au domaine et sur lequel ont été construits le Palais de Justice, le Temple protestant et les maisons de la Cité d'Antin.

 

Cet observatoire n'était d'ailleurs, qu'un kiosque en bois.

Il fut réédifié, en 1819, sur le pavillon central de la caserne Fautras.

 

D'autres projets sont mis à l'étude, tels que la construction, dans le terrain vague du Parc-ar-Mazou (place du Château et rue Duguay-Trouin) de certains établissements, trop à l'étroit dans l'arsenal.

 

Il est question, suivant une vieille idée, de tirer parti de !a rivière de Landévennec, « pour l'aisance du port de Brest dont le local resserré offre peu de facilité pour les mouvements ».

Cette fois encore, le projet n'eut pas de suite.

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Le tsarévitch Paul présente sa fiancée à sa mère l'impératrice Catherine II

(Stefano Torelli, 1776)

 

Le 26 juin 1782, Brest eut la visite de deux augustes personnages, le grand-duc Paul, fils du tzar Pierre III et sa femme, la grande-duchesse Marie de Wurtemberg.

Ils voyageaient incognito, sous le nom de comte et comtesse du Nord.

 

La Motte-Picquet leur offrit le simulacre d'un combat entre deux vaisseaux de ligne.

Le comte d'Hector, commandant du port, les fit assister au lancement d'une frégate et leur montra en détail l'arsenal et la chiourme.

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Alexandre Marie Léonor de Saint-Mauris, prince de Montbarrey

1779

Château de Versailles

 

La garnison de Brest, à cette époque, était répartie dans quatre régiments :

Champagne, La Reyne, Languedoc et Forez, soit environ 3.500 hommes.

420 étaient embarqués à bord de l'armée navale ;

630 étaient employés aux travaux de l'arsenal ;

300 autres assuraient le service de place dans les dix-sept postes et corps de garde établis sur les places, aux portes de ville et sur les quais de Brest et Recouvrance.

 

Toutes les troupes ne pouvaient trouver place dans les casernes et un effectif de trois bataillons (1.800 hommes) logeait chez l'habitant. .

 

Ce logement des gens de guerre est une lourde charge pour les Brestois, car le nombre des exemptions, au titre de la marine, est si considérable que le fardeau écrase un nombre relativement restreint de petites gens.

 

La municipalité réclame des casernes et obtient gain de cause.

Le prince de Montbarey, ministre de la Guerre, vient à Brest et ordonne de nouvelles constructions :

au Château, l'exhaussement d'un étage de la Caserne de Plougastel et l'établissement d'un pavillon d'officiers, sur l'emplacement de l'ancien arsenal qui sera démoli ;

au Bouguen, la construction d'un corps de casernes et de deux pavillons d'officiers.

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Toussaint-Guillaume, comte de La Motte-Piquet

(1720-1791)

 

La fréquence des incendies dans l'arsenal avait ;

nous l'avons vu, éveillé la sollicitude des autorités, mais malgré les mesures prises, le feu s'y déclare une nouvelle fois, le 1er avril 1781.

 

Vers trois heures de l'après-midi, le comte d'Hector, qui assistait au doublage du vaisseau l'Actif, entend crier :

« Au feu ! »

 

Des flammes sortent par les sabords du vaisseau de 80 la Couronne qui, pendant la campagne d'Amérique, a porté le pavillon de M. de Guichen et s'est couvert de gloire dans trois combats.

 

C'est une étincelle, produite par un clou qu'on chassait dans la soute aux poudres, qui a mis le feu à une traînée.

 

Le vent souffle très frais et on ne peut songer qu'à préserver les bâtiments voisins.

 

La Couronne est éloignée de la Corderie où les plombs de la toiture commençaient à fondre, mais il n'en reste plus que la carène.

 

La perte d'un si beau vaisseau, au plus fort de la guerre, fit une telle sensation, que les officiers de terre et de mer offrirent spontanément de contribuer à sa reconstruction ;

les soldats de marine, de travailler gratuitement à sa refonte.

 

Quatre mois après l'incendie, la Couronne sortait du bassin de Pontaniou et, sous les ordres de La Motte-Picquet, s’en allait aux Antilles avec l'escadre Guichen.

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Un autre incendie marqua cette époque, ce fut celui de la Madeleine ou Refuge royal, maison de correction et de traitement pour les femmes débauchées, bâtie en 1732, dans l'anse de Pontaniou.

 

Le 10 février 1782 — c'était le dimanche gras — vers huit heures du soir, le feu prend dans l'établissement et se répand de haut en bas.

 

Toutes les filles descendent dans la cour et, dans des danses échevelées, entonnent d'un air provocateur, la chanson en vogue :

« Le Port Mahon est pris, il est pris, il est pris ! » (*)

 

Le bâtiment ne tarde pas à être réduit en cendres.

Sur onze religieuses du Refuge, quatre périrent dans les flammes ;

vingt-sept femmes eurent le même sort et plusieurs sauveteurs furent blessés.

 

D'après le rapport officiel, le feu avait pris dans la chambre d'une pensionnaire, mais le bruit courut qu'il avait été mis par une détenue, nommée la belle Tamisier, bru du tambour de ville, que sa famille avait fait enfermer à la Madeleine, à cause de sa vie débauchée.

 

Elle avait voulu, à sa façon, fêter le carnaval.

 

(À suivre).

 

Ollivier LODEL.

 

(*)    « Les braves insulaires

    Qui font, qui font sur mer

    Les corsaires

    Ailleurs ne tiennent guère.

    Le Port-Mahon est pris, il est pris, il est pris

    Ils en sont tout surpris,

    Ces forbans d’Angleterre

    Ces fou, fou, ces foudres de guerre. »

 

    Charles COLLÉ (1709-1783), La Prise de Port-Mahon (1756), chanson

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