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1929

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

38 sur 41

1783 - 1787

 

 

Source : la Dépêche de Brest 4 novembre 1929

 

M. Raby, maire de Brest, a été convié aux États de la province qui se tiendront à Rennes du 8 novembre 1784 au 7 février 1785, dans la vieille salle du couvent des Cordeliers, aux murs couverts pour la circonstance de riches tapisseries semées de fleurs de lis et d'hermines.

 

Il a pris rang, « l'épée au côté », parmi les députés du Tiers-État et ne manque pas de tenir le corps municipal brestois au courant des délibérations, par un bulletin qu'il leur envoie à chaque courrier.

 

Deux Commissions ont été nommées, dès le premier jour, pour aller complimenter Mmes les comtesses de Montmorin et de Trémargat, épouses du commandant en chef de la province et du président de l'ordre de la noblesse.

 

Le 12 décembre, il y a eu messe solennelle dans l'église des Cordeliers, à l'occasion de la naissance du dauphin et de l'heureuse délivrance de la reine.

 

Les députés en cour solliciteront une place d'aspirant de la marine en faveur de M. Le Bouteiller, jeune gentilhomme âgé de 15 ans.

 

Des remontrances seront faites aux contrôleurs des actes qui vendent le papier timbré aux notaires et aux procureurs et le font payer la feuille 2 sous 6 deniers, au lieu de 2 sous 4 deniers.

 

Dorénavant, les buveurs pris chez des vendeurs en fraude seront condamnés à une amende.

 

Les présidents des trois ordres et Mme la comtesse de Montmorin sont allés, le 24 janvier, porter sur les fonts baptismaux le fils de M. de Trémargat et, à l'occasion de ce baptême, les États offrent « à leur commère » un diamant du prix de dix mille écus.

Mais Mme de Montmorin, tout en les remerciant, leur fait connaître « qu'elle serait infiniment plus satisfaite de penser que la valeur de ce présent est employée à de bonnes œuvres, que de porter au doigt le plus beau diamant de la couronne ».

 

En ce qui concerne notre ville, les États ne font guère bénéficier Brest de leurs largesses.

 

Une demande de 80.000 livres, destinée à la construction de fontaines publiques, a été renvoyée à des temps plus heureux.

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Maurice Gervais Joachim Geslin de Trémargat,

né le 10 juillet 1740 à Plélo (Bretagne),

mort le 12 septembre 1819 à Moncontour (Côtes-du-Nord),

 

Mais, le 10 décembre 1784, a été prise une importante délibération.

Les États ont voté l'érection d'une statue à Louis XVI, laissant au roi le soin de décider en quel lieu elle serait placée.

Et le monarque s'est empressé de remercier « ses très chers et bien aimés les gens des Trois États » :

 

« Ce nouveau témoignage de votre attachement pour notre personne, leur écrit-il, ne peut qu'augmenter le désir que nous avons toujours eu de faire ressentir à nos sujets de notre Province de Bretagne, les effets de notre bienveillance et de notre affection pour eux ».

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Le sculpteur Augustin Pajou

Adélaïde Labille-Guiard

 

Aussitôt la nouvelle parvenue dans la province, chaque ville réclame pour elle l'honneur de posséder le précieux monument et fait plaider sa cause par les voix les plus habiles ou les plus autorisées.

 

D'autre part, les sculpteurs en renom sollicitent les recommandations des personnages les plus influents, pour que leur soit confiée l'exécution de l'œuvre.

 

C'est le célèbre sculpteur Augustin Pajou, protégé de Mme du Barry, qui écrit au comte d'Angiviller, surintendant des beaux-arts, cette lettre empreinte de fatuité et de platitude :

 

« Je vous ai plusieurs fois entendu dire, lorsqu'il était question de moi, c'est-à-dire des talents que vous me connaissez, qu'il ne me manquait que l'occasion de les développer.

 

« Il s'en présente une dans ce moment-ci...

 

« Vous connaissez les personnes qui présideront à l'établissement de ce monument et à son exécution.

On dit que ce sont MM. le marquis de Montmorin, le baron de Breteuil et le contrôleur général.

 

« Je ne connais aucun de ces messieurs, et, quand je les connaîtrais, je ne voudrais obtenir cet ouvrage que par votre moyen, bien sûr que le choix que vous auriez fait tomber sur moi, me serait infiniment plus flatteur et plus honorable, que de la part de ces messieurs qui n'entendent rien aux arts... »

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Parmi les grandes villes qui réclament l'honneur de posséder la statue de Louis XVI, trois sont rivales :

Rennes, Nantes et Brest.

 

Rennes n'est-elle pas la capitale de la province, le siège du Parlement et des États ?

N'est-ce pas à elle que revient de droit la préférence ?

« Ne réunit-elle pas le besoin d'attirer dans ses murs, le concours et l'aisance, par tout ce qui peut flatter des sujets fidèles ».

 

Mais Nantes, de protester.

Rennes est déjà pourvue, puisqu'elle possède la statue de Louis XV.

Il semble bien naturel qu'on choisisse ailleurs l'emplacement destiné à celle de Louis XVI et Nantes n'est-elle pas « une grande ville très intéressante sous tous les rapports, et que n'embellit encore aucune décoration de ce genre ».

 

Et Brest, à son tour, entre en lice.

M. Raby et ses échevins ne vont pas se contenter, comme les officiers municipaux de Rennes et Nantes, d'une lettre à l'intendant de Bretagne.

Ils font imprimer chez Malassis un mémoire habilement rédigé pour retenir l'attention et destiné, en rappelant des souvenirs historiques, à signaler la fidélité des Brestois à la monarchie.

 

« Brest, écrivent-ils, mérite la préférence.

Ne possède-t-il pas la plus belle rade et le plus beau port du monde ?

N'est-il pas le dépôt le plus majestueux des forces navales ?

N'est-il pas l'arsenal le plus formidable de la France, et la colonne la plus solide du commerce et de la liberté des mers ?

 

« Il est également constant que Brest est la ville la moins décorée.

Tout occupé de sa sûreté et de sa défense, le Gouvernement n'a pu y faire aucun embellissement, tandis que Rennes et Nantes sont déjà très décorés et ont plusieurs monuments élevés par les dons et bienfaits des États.

 

« Brest est dépourvu de ressources et de richesses, mais il n'est pas de ville où cette statue serait le plus dignement exposée... »

 

La municipalité est d'avis qu'elle doit être élevée sur le Champ-de-Bataille, « où elle perfectionnera la décoration d'une place dont l'Hôtel du commandement de la Marine fait le principal ornement ».

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Et le mémoire se termine ainsi :

« Tous les citoyens de Brest ont des droits anciens et légitimes à quelques faveurs particulières ; de tout temps, ils se sont distingués par leurs témoignages de zèle et de fidélité.

 

« Sous les règnes de Henri III et de Henri IV, Brest augmenta passagèrement en habitants, qui vinrent y chercher un asile.

 

« C'est la seule ville qui, d'intelligence avec celle de Rennes, ait gardé au Roi, sous ces deux règnes, l'obéissance et la fidélité que l'on doit à son souverain.

Les insinuations les plus artificieuses, les promesses les plus séduisantes ne purent jamais détacher ses fidèles habitants de ce sentiment d'honneur.

 

« Le plus chéri de tous les Rois ne sera pas moins sensible à cette fidélité ancienne et constante et ses sujets inviolables osent espérer que Sa Majesté voudra bien se prononcer en faveur de la ville de Brest.

 

« C'est le bienfait le plus flatteur qu'ils puissent recevoir de leur souverain ».

 

Nous verrons dans le prochain article que les vœux de la municipalité brestoise furent exaucés.

 

(À suivre).

 

Ollivier LODEL.

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