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1930

L'histoire de Brest
par
Ollivier Lodel

40 sur 41

1787 - 1789

 

 

Source : la Dépêche de Brest 27 janvier 1930

 

Le mandat de M. Raby devait expirer le 1er juin 1786 et le 11 mars, la Communauté, « après avoir témoigné à M. le maire sa juste satisfaction des services essentiels qu'il avait rendus à la ville et qui lui méritaient la reconnaissance publique », avait élu ses trois candidats à la prochaine mairie :

MM. Floch de Kerambosquer, doyen des échevins ; François Le Guen, premier échevin, et Michel, conseiller.

 

Mais tous les trois demandent à être dispensés de cet honneur coûteux et des lourds travaux qui surchargent le maire.

 

M. Floch de Kerambosquer a déjà obtenu par trois fois, du duc de Penthièvre, la faveur d'être rayé de la liste des candidats ;

il invoque de nouveau son grand âge, sa nombreuse famille et son peu de fortune.

 

M. Le Guen, négociant à Recouvrance, où il naquit le 6 mars 1728, fait valoir que, depuis quinze ans, il a été conseiller et échevin « et s'est toujours comporté en bon patriote ».

 

Pendant huit ans, il a rempli les fonctions de major des deux bataillons de la milice bourgeoise.

Il a toujours été chargé du maintien de la police à Recouvrance.

 

« Son âge avancé, la multiplicité de ses affaires personnelles, augmentée par ses embarras et la charge d'une tutelle considérable, sont encore des motifs d'occupation qui lui font conjurer l'assemblée de jeter les yeux sur quelqu'autre sujet.

S'il ne pouvait être dispensé de la candidature, il serait forcé de se réfugier dans une campagne, pour y passer le reste des jours. »

 

Quant à M. Michel, il invoque également « son âge, ses infirmités et les embarras dont il se trouve chargé, par la perte qu'il vient de faire d'une épouse chérie ».

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La municipalité n'accepte que les excuses de M, Michel et le remplace par M, Floch de Maisonneuve, frère de M. de Kerambosquer.

 

Mais le nouveau candidat se récuse à son tour.

 

Il se retranche derrière une délibération du 8 juin 1877 qui l'a exempté à tout jamais du concours et d'une plus récente, en 1783, qui en acceptant sa démission absolue, lui a conféré le titre d'échevin honoraire.

 

Cependant, la Communauté reste inflexible.

Le 18 mars 1786, elle présente la candidature de MM. Le Guen, Floch de Kerambosquer et Floch de Maisonneuve à l'approbation du gouverneur.

 

Celle-ci n'était pas encore parvenue, le 19 juin de l'année suivante, quand M. Raby déclare à ses collègues que « sa santé, son âge, l'ancienneté de ses services, les soins qu'il doit à sa nombreuse famille » l'obligent à abandonner ses fonctions de maire.

 

Et, le 16 juillet, le duc de Penthièvre finit par envoyer son adhésion.

Mais il remplace M. Floch de Maisonneuve par M. de Kerambosquer et il rappelle au concours M. Michel.

 

L'élection a lieu, le 4 août 1787, malgré les protestations que les trois candidats ont signifiées par ministère d'huissier.

Et M. Guesnet, procureur du roi, ne manque pas de s'élever contre « le refus si notoirement déclaré par les trois concurrents d'accepter la mairie ».

 

Il demande le vote au scrutin secret.

Cette proposition n'est pas acceptée et l'élection donne les résultats suivants :

 

M. Le Guen, 47 voix ;

M. Floch de Maisonneuve, 27 ;

M. Michel, 7.

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Plan de la ville, du port et arsenal de marine de Brest, avec la rivière de Penfeld,

pour servir au projet général de son entière perfection.

(Signé - Brest, le 28 mai 1789, de Blondeau)

 

M. François Le Guen, fils de M. Michel Le Guen, natif de Porspoder, est proclamé maire de Brest,

pour le triennat « réputé commencé le 1er juin 1786 ».

 

Il ne suit pas l'exemple de son frère Louis, maire de 1777 à 1779, qui, le lendemain de son élection, avait cru devoir s'anoblir, en ajoutant à son nom l'anagramme de Neugel, mais il porte pour armes :

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Peu de travaux furent entrepris sous l'administration de M. Le Guen.

Les pensées politiques absorbaient tous les esprits.

 

Les maisons Perrot, Bouvet et Le Gléau, bâties sur la place, sont démolies en 1788, moyennant indemnité de 16.121 livres, pour permettre à la ville d'édifier le perron de l'église Saint-Louis.

 

Et de cette place Saint-Louis, l'ingénieur Frézier avait dressé un ensemble monumental harmonieux.

Elle était bordée, ainsi que la rue qui devait être ouverte, face à l'église, de maisons régulières, aux rez-de-chaussée garnis d'arcades doriques.

 

Mais la Révolution ne tarda pas à arrêter les travaux.

Puis, quand ils furent repris, on préféra les boutiques aux arcades et rien ne resta plus du beau projet de Frézier.

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Depuis cent ans, les bouchers tuaient leurs bêtes place Keravel, où se tenait marché aux viandes.

 

Un règlement de police de 1682, qui interdit aux habitants de « tenir et nourrir des cochons, en quelque endroit que ce soit de leur maison, sous peine de 30 livres d’amende et de confiscation du cochon », défend bien aux bouchers de saigner leurs bestiaux sur la rue, ni faire aucun amas de sang, en quelque endroit que ce soit de la place Keravel ».

 

Mais on tue en pleine ville, dans un quartier très populeux.

C'est pour remédier à ces inconvénients que la municipalité décide, en 1787, d'établir des tueries sur le bord de la mer, à Porstrein, au bas du Cours Dajot.

 

L'endroit choisi, « sous le bastion de Daoulas », appartient au roi, mais la ville paiera au Génie une rente annuelle de 63 livres, pour l'herbe des remparts dont il perçoit le revenu.

 

Le bâtiment, dont les plans ont été tracés par M. Besnard, ingénieur en chef de la ville, doit être long de 30 toises sur 5 de largeur, et ses étables pourront contenir 35 bœufs, 45 veaux et 125 moutons, « ce qui représente la consommation de Brest pendant une semaine ».

 

Les travaux sont déjà très avancés quand, le 26 juin 1789, la partie construite, appuyée sur un rocher peu consistant et miné par des pluies continuelles, s'écroule presque tout entière.

Le projet fut abandonné.

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Les enfants de Recouvrance ont, depuis 1783, une petite école dirigée par deux Frères de la Doctrine chrétienne dont le service est pénible, car ils logent et prennent leurs repas à la maison de Brest, rue Charonnière (rue Monge) et, quatre fois par jour, il leur faut prendre les bateaux de passage.

 

« Ils sont exposés à tous les désagréments imaginables et à périr, ce qui rebute absolument les sujets, lit-on dans une requête adressée à la municipalité.

Le supérieur général nous mande de vous prévenir, messieurs, qu'il ne trouve plus de sujets qui veulent s'accommoder de ce passage. »

 

Pourtant, ils ne se rebutent point; ils continuent leur tâche avec courage.

Un certificat du recteur de Saint-Sauveur l'atteste :

 

« Les Frères des écoles chrétiennes destinés à instruire les enfants de ma paroisse s'y portent avec zèle, malgré les difficultés du passage.

Le mauvais temps ne les arrête pas, preuve de leurs désirs pour les progrès de ces enfants qui leur ont confiés.

Mais leurs émoluments ne paraissent pas faire face à leur vie, quoique très frugale, et au besoin de renouveler, ici plus qu'ailleurs, leurs vêtements. »

 

C'est qu'en effet, les Frères ne touchent que 400 livres par an.

Ils sont souvent obligés « de mendier leur pain ».

Ils demandent 500 livres, et à l'appui de leur requête, ils fournissent cet état détaillé des dépenses qui incombent aux cinq Frères de Brest et Recouvrance et qui représentent, pour chacun d'eux, la somme de 530 livres :

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La municipalité semble accueillir la requête des Frères et leur accorde même des gratifications individuelles, mais l'intendant de la province est intransigeant.

Leur traitement n'est autorisé que jusqu'à la limite de 400 livres.

 

Cette question réglée, il faut pourvoir au remplacement de l'école de Recouvrance et deux chambres sont louées 120 livres par an, dans la rue de Ros-ar-Coat (bas de la rue Neuve).

 

Elles sont dans un tel état de délabrement que les classes ont dû être suspendues, en 1783.

 

C'est en 1787 que la ville demande l'autorisation d'acquérir, au prix de 3.055 ivres, dans la rue du Vieil Hôpital (rue de l'Église), un jardin sur lequel on aurait construit une maison dont le devis s’élevait à 5.400 livres.

 

L'intendant opposa son veto.

L'horizon s embrumait et les administrations ne pouvaient que reléguer bien loin toutes les affaires qui n'offraient pas une relation directe avec le cours des événements.

 

La suppression de l'école de Recouvrance fut décidée « jusqu'à des temps plus heureux » (17 septembre 1789).

 

Il ne resta que l'école du côté de Brest, avec trois Frères ; elle devait être fermée en 1791.

 

(À suivre.)

 

OLLIVIER LODEL

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