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1937

La braderie de Brest

 

 

Source : La Dépêche de Brest 9 septembre 1937

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Source : La Dépêche de Brest 10 septembre 1937

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C'était hier le grand jour tant attendu par les acheteurs en quête d'occasions à réaliser.

Dès 7 heures du matin, les autos des forains, qui négligent les formes aérodynamiques pour pouvoir entasser leur matériel sur le toit rectangulaire de leurs voitures, s'arrêtaient devant les emplacements qu'ils avaient retenus.

En quelques instants, tentes et tréteaux étaient montés ; les planches étaient garnies de marchandises.

On n'avait plus, pour attendre le client, qu'à aller déjeuner.

 

En dégustant café ou vin blanc, tous suivaient dans le ciel gris la lente marche de nuages noirs que transperçait, par intermittences, un pâle rayon de soleil.

 

L'inquiétude se manifesta sur les visages :

— Fera-t-il beau ?

— Espérons-le. J'ai loué 100 francs les dix mètres carrés que j'occupe et s'il pleuvait... ,

— Rassurez-vous, dit un vieux marin, s'il pleut, ce ne sera qu'à la fin de l'après-midi.

 

Les trains, autocars, vapeurs brestois et tramways déversaient le flot de leurs voyageurs qui, par bandes, allaient grossir la foule qui déjà déambulait rues de Siam et Jean Jaurès en rangs pressés s'arrêtant devant les éventaires où les objets les plus divers s'offraient à sa convoitise.

 

— Approchez, profitez des occasions, glapissaient des voix.

— Dégustez nos sandwiches, criaient d'autres.

— Offrez-vous pour vingt sous une coupe de mousseux!

 

Pour accompagner tous ces cris, des haut-parleurs tonitruants lançaient les airs à la mode et, dans cette cacophonie, naissaient l'entrain et la gaieté favorables aux affaires.

 

— Quel dommage qu'il fasse moins chaud que ces jours derniers disait un marchand de bière,

ils n'ont pas soif ce matin.

 

Mais l'heure de l'apéritif, puis celle du déjeuner, sonnèrent et, après cette courte trêve, grossie des marins et soldats bénéficiant d'un après-midi de liberté, la foule devint de plus en plus dense.

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Peu de commerçants avaient fait revêtir des costumes à leur personnel :

quelques gentilles matelotes, des bergères, des Alsaciennes et des paysannes donnaient seules, de-ci, de-là, une note pittoresque.

 

Mais la verve des vendeurs et vendeuses suffisait à égayer les passants, qui s'arrêtaient pour voir les magiques effets d'une pâte qui, étendue par des camelots — pardon, les démonstrateurs ! — sur des métaux noircis et rouillés, leur donnait un éclat éblouissant.

 

Plus loin, l'utilité d'un moulin à légumes vous était démontrée : les carottes, en un clin d'œil, étaient coupées en fines rondelles ; les pommes de terre en lamelles, les navets en menus morceaux.

 

La pluie

 

À 15 heures, une petite pluie fine qui devait tomber plus drue à la fin de l'après-midi, vint jeter la consternation chez les vendeurs.

Les étalages des lainages, vêtements, fourrures, lingeries durent être recouverts, mais la foule des acheteurs n'en persista pas moins à stationner, intéressée, devant le marchand du livre de médecine permettant à son acquéreur, à l'aide de très simples recettes, d'éviter toutes les maladies.

 

Brandissant un journal, le loquace marchand faisait lire un article traitant de la dépopulation :

— Apprenez à élever vos enfants, disait-il.

Il vous manque un guide, le voici.

Non seulement ce livre contient un nombre incalculable de recettes pour prévenir toutes les maladies, mais encore il renferme le traité de puériculture que toutes les femmes et jeunes filles doivent connaître.

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Chance, bonheur, santé !

 

Plus loin, une femme à lunettes accompagnée d'un nègre du plus beau noir, prétend lire l'avenir dans la main et rudoie les personnes qui refusent, pour vingt sous, d'apprendre de la plume du nègre si leur fiancé sera brun ou blond, si la fortune doit leur sourire après un héritage ou un gain à la loterie, ou si elles ne seront pas en butte à la jalousie d'une méchante rivale.

 

Mais les lignes de la main ont moins de vertus que l'étoile sous laquelle on est né d'autant que, pour 10 francs, vous emportez ici, sertie dans une bague en doublé or, garanti deux ans, la pierre de la couleur correspondante au mois de votre naissance, pierre toujours en contact avec votre bonne étoile.

 

Sur la table, un cercle est partagé en segments dans lesquels sont inscrits les signes du Zodiaque, avec les mois correspondants.

 

Le vendeur, imperturbable, entouré d'un nombreux public, récite :

— N'attendez pas que je vous dise la bonne aventure, l'astrologie est une science.

Portez la gemme radiante de votre mois.

Ce puissant talisman, travaillé d'après les lois astrologiques vous donnera :

Santé, bonheur, chance, car vous n'ignorez pas que votre avenir est dans les astres.

— Quelle est votre date de naissance, mademoiselle ?

— Le 7 novembre.

— 7 novembre ; numéro 9, chiffre des influences : 89.

Si vous achetez un billet de la loterie nationale, choisissez un numéro se terminant par 89, vous aurez les plus grandes chances de gagner un gros lot.

Le jour de la semaine qui vous est le plus favorable est le mardi.

Entreprenez de préférence ce que vous désirez voir se réaliser un mardi.

Portez toujours votre bague (le doublé-or peut supporter des lavages à l'eau de Javel), ne vous en séparez pas et surtout ne la prêtez à personne.

 

Et vous, madame, vous êtes née le...

— 14 juillet.

— Le 14 juillet est sous le signe du Cancer — rassurez-vous, cette constellation n'a rien de commun avec la maladie du même nom — la couleur de votre pierre est l'onyx, vos chiffres d'influence :

2 et 42, votre jour favorable le lundi.

 

Et cela continue.

Les bagues se vendent, les pièces de 10 francs tombent dans l'escarcelle.

On apprend que l'émeraude attire les bons rayons des Scorpions, que la topaze attire ceux des Gémeaux et, heureuses d'avoir, pour 10 francs, acquis la certitude de posséder à l'avenir :

Santé, bonheur et chance et de connaître le numéro qui leur fera gagner, peut-être, trois millions, les femmes crédules fendent la foule d'un petit air conquérant.

Qu'importe la vérité pourvu qu'elles aient l'illusion !

​​

 

D'autres, plus terre-à-terre, se contentent d'acheter chez les commerçants les « soldes et occasions ».

La marchande de parapluies a fait des affaires d'or et, maintenant, c'est sous une carapace de pépins, dont les baleines risquent de vous crever un œil, que la foule, chargée de paquets, s'éclaircit et se disperse.

 

La partie commerciale de la braderie 1937 est finie, il ne reste plus qu'à la terminer dans la joie et le plaisir et, après un diner réparateur, c'est vers la salle des fêtes que se dirige, sous la pluie qui tombe toujours, la foule des danseurs.

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