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1937

La dame au chapeau vert
Vols à la tire à Brest

 

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Source : La Dépêche de Brest 19 juin 1937

 

Devant les étalages extérieurs de grands magasins de la rue de Siam, de nombreuses clientes stationnaient hier, parmi lesquelles se trouvait Mme Morellec, demeurant rue Kéroriou.

 

Elle venait d'effectuer un achat et avait placé dans la poche de son manteau son porte-monnaie contenant 32 francs.

 

Une femme, coiffée d'un chapeau vert, suivait depuis quelques instants Mme Morellec.

Elle la frôla et, avec dextérité, lui enleva délicatement le porte-monnaie de la poche.

 

Malheureusement pour l'habile voleuse, son geste avait été aperçu.

Elle fut remise entre les mains des agents et conduite devant M. Guillet, commissaire de police, chef de la sûreté.

 

Elle déclina son identité :

Mme Joséphine Le Coz, 29 ans, demeurant au Ruisan, en Saint-Pierre-Quilbignon, avec son mari, qui exerce la profession de docker.

 

En fondant en larmes, la dame au chapeau vert prétendit qu'elle était kleptomane et qu'elle avait volé le porte-monnaie sans s'en apercevoir, poussée par une force mystérieuse qui avait dominé sa volonté.

 

On la fouilla et la surprise fut grande de trouver sur elle cinq billets de 100 francs.

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Il n'en fallut pas plus pour qu'elle fût soupçonnée d'être l'auteur d'un vol commis le matin même aux halles Saint-Louis, où Mme L..., maraîchère à Saint-Marc, était venue vendre des légumes.

 

Mme L... avait placé son porte-monnaie dans la poche extérieure de son manteau.

Elle ne savait au juste la somme qu'il contenait, 450 à 500 francs, peut-être plus, avait-elle dit en venant déposer une plainte à M. Sturtaer, commissaire de police du 1er arrondissement.

 

Les deux vols avaient eu lieu dans les mêmes conditions.

Le porte-monnaie de la maraîchère avait été retiré de sa poche.

Elle ne s'en était aperçu, que longtemps après peut-être.

 

La femme pickpocket affirma qu'elle n'était pas allée le matin aux halles Saint-Louis et que les 500 francs trouvés sur elle lui appartenaient.

 

Des inspecteurs de la sûreté furent chargés de vérifier l'alibi qu'elle fournit, mais en attendant, comme elle ne pouvait nier le vol de 32 francs, M. Guillet garda à sa disposition la voleuse à la tire, pour poursuivre son enquête.

 

Depuis quelque temps, sur la place de la Liberté, aux halles, dans des magasins, ces vols à la tire sont fréquents et la police de la sûreté voudrait bien y mettre un terme en arrêtant leurs auteurs.

 

A-t-elle mis la main sur l'un d'eux ?

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Source : La Dépêche de Brest 20 juin 1937

 

Tant va la cruche à l'eau, qu'à la fin elle se casse !

Nous avons relaté hier l'arrestation, devant les étalages extérieurs de grands magasins de la rue de Siam, d'une femme qui avait subtilisé un porte-monnaie à Mme Morellec, demeurant 10, rue Keroriou.

 

Nous laissions entendre, bien qu'elle s'en défendit, que l'auteur de ce vol, « la dame au chapeau vert », pourrait bien être aussi celui des multiples vols à la tire qui, depuis plusieurs mois, désespéraient le chef de la sûreté et ses inspecteurs, parce qu'ils ne pouvaient parvenir à en découvrir les coupables.

 

Aux halles Saint-Louis et de Recouvrance, les lundis et vendredis sur la place de la Liberté, devant de grands magasins de la rue de Siam, depuis le 15 août dernier, vingt-quatre vols à la tire avaient été commis sans que leurs auteurs aient été découverts, malgré l'active surveillance exercée à ces endroits par tous les inspecteurs de la sûreté disponibles.

 

Le hasard devait mettre M. Guillet, commissaire de police de la sûreté en présence de l'auteur de la plupart, sinon de tous ces vols.

La persévérance et l'habileté déployées par le chef de la sûreté, lui permirent, après des heures d'interrogatoire, de parvenir à obtenir de l'intrépide voleuse l'aveu qu'elle était l'auteur de dix-huit de ces vols.

Le métier était lucratif puisqu'en les additionnant, on arriva à la somme de 10.212 francs.

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L'ARRESTATION

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Avant-hier, vers 14 h. 30, la dame au chapeau vert, Mme Kérusoré, née Joséphine Le Coz, 35 ans, se trouvait sur le trottoir des magasins Monoprix, semblant s'intéresser vivement aux objets exposés, mais, en quête d'un bon coup à faire, elle cherchait, en réalité, une victime pour exercer ses talents.

 

Mme Morellec venait de payer un achat et avait replacé son porte-monnaie, contenant une trentaine de francs, dans la poche de son manteau.

Joséphine s'approcha d'elle et délicatement sortit le porte-monnaie de la poche et s'apprêtait à prendre le large, quand elle entendit crier :

« Arrêtez-la ! ».

 

Malgré sa dextérité professionnelle, Joséphine n'avait pas opéré cette fois assez légèrement.

Mme Morellec s'était aperçue de la disparition de son porte-monnaie et poursuivait, en criant de l'arrêter, sa voleuse, qui filait vite, mais sans courir.

 

Un officier-marinier lui barra la route.

Elle fut conduite devant M. Guillet.

Joséphine fut fouillée ; on trouva sur elle cinq billets de 100 fr.

 

On se rappelle que le matin un vol avait été commis aux halles Saint-Louis.

Mme L..., maraîchère à Saint-Marc, était venue y vendre des légumes et, à 9 h. 40, s'était aperçue que son porte-monnaie, contenant 450 à 500 fr. (peut-être plus, elle ne pouvait préciser), lui avait été dérobé.

Elle avait déposé une plainte contre inconnu à M. Sturtzer, commissaire de police du 1er arrondissement, et les services de la sûreté en avaient été naturellement avisés.

 

Les soupçons se portèrent sur Joséphine, qui nia et affirma que les 500 fr. trouvés sur elle lui appartenaient.

 

J'habite au Ruisan, en Saint-Pierre-Quilbignon, dit-elle.

Mon mari est docker à l'Égalitaire.

Il gagne 70 francs par jour et me remet chaque semaine 350 francs pour cinq jours de travail.

Il est donc naturel que Je sois aujourd'hui en possession de ces 550 francs.

 

— Vous avez bien volé un porte-monnaie contenant 30 francs.

Avouez que vous avez aussi opéré le matin aux halles Saint-Louis ?

— Non, en subtilisant tout à l'heure ce porte-monnaie, j'ai agi poussé par une force mystérieuse, poursuivit-elle en éclatant en sanglots, mais Je ne suis pas une voleuse.

— Vous n'avez jamais été condamnée ?

— Oh non ! Jamais, monsieur le commissaire.

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L’ENQUÊTE

 

M. Guillet n'insista pas.

Il garda à sa disposition la dame au chapeau vert qui, assez élégamment vêtue, attendit, en se morfondant, qu'une décision fut prise à son égard.

 

Le chef de la sûreté dépêcha à Saint-Pierre l'un de ses inspecteurs.

Les renseignements qu'il rapporta sur Joséphine étaient loin de lui être favorables.

 

Pendant ce temps, comme elle était native de Brest, il consulta son dossier et vit que le 8 janvier 1934, Joséphine Le Coz avait été condamnée à Paris, pour vols à la tire, à huit mois de prison avec sursis, et le 12 janvier 1935, encore pour vols à la tire et à Paris, à 10 mois de prison ferme.

C'était après avoir purgé sa peine que Joséphine était venue à Brest et s'était mise en ménage avec le docker Kéruzoret.

 

L'interrogatoire reprit :

— Pourquoi m'avez-vous dit que vous n'aviez jamais été condamnée ?

— Jamais à Brest, monsieur le commissaire.

— Mais à Paris ?

— Vous n'aviez pas précisé. J'ai cru qu'il ne s'agissait que de Brest.

— Allons, avouez, c'est vous qui avez volé les 500 francs aux halles Saint-Louis ?

— Je vous affirme que non.

— C'est bien, la nuit porte conseil. Réfléchissez. Demain vous nous direz peut-être la vérité.

 

Joséphine passa la nuit au violon.

Dans la soirée, son « mari » fut interrogé.

Il déclara qu'il ignorait tout des agissements de son amie.

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LES AVEUX

 

Toute la matinée, Joséphine fut « cuisinée ».

Elle ne pleurait plus et se défendait avec acharnement.

Enfin, à 14 h. 30, elle entra dans la voie des aveux.

 

— Oui, dit-elle, c'est moi qui ai pris, hier matin, aux halles, à une marchande de légumes, un porte-monnaie contenant 550 francs.

Je me croyais en veine ; j'ai voulu continuer à « travailler » l'après-midi ; j'ai eu j tort, je suis « faite ».

 

Alors M. Guillet lui donna lecture de la liste des vols à la tire commis.

Sur 24, elle reconnut les 18 suivants :

Le 15 août 1936, aux halles de Recouvrance : 100 francs au préjudice de Mme Coat, de Saint-Renan.

Le 19 août, place de la Liberté : 90 francs à Mme Le Hir, 62, rue Louis Pasteur.

Le 4 septembre, à Monoprix : 6.000 francs, à M. Mérour, d'Argol.

Le 11 septembre, place Anatole France : 400 francs à Mme Guéguen, 20, rue Danton.

Le 12 septembre, devant Monoprix : deux francs à Mme Le Bras, 2, rue de la Porte.

Le 27 octobre, aux halles Saint-Louis : 90 francs à Mme Gracieux, 55. rue du Château.

Le 7 novembre, à 15 heures, devant Monoprix : 750 francs à Mme Corre, 16, rue Tourot.

Le 12 novembre, devant Monoprix : 75 francs à Mme Bouvenet, 163, rue de la Vierge.

Le 19 février 1937, place Ferrer à 9 heures : 110 francs à Mme Coulm, 16 rue d'Algésiras.

Le 3 avril, aux halles de Recouvrance h 10 h. 30 : 200 francs à Mme L'Hôpital de Plouzané.

Le 10 avril, aux halles Saint-Louis : 40 francs à Mme Le Meur, 4 bis, rue Neptune.

Le 13 avril, à 16 heures, à Monoprix : 50 francs à Mme Allanic, au Pont-Neuf, à Guipavas.

Le 16 avril, aux halles Saint-Louis : 500 francs, à Mme Poullquen, du Relecq-Kerhuon.

Le 22 mai, aux halles de Recouvrance, à 10 heures : 60 francs à Mme Le Stang, 98, rue Jaurès, à Saint-Pierre-Quilbignon.

Le 24 mai, à Priminime, à 17 heures : 130 francs à Mme Postic, 7, allée du Cimetière.

Le 30 mai, aux halles de Recouvrance : 450 francs à Mme Rioual. de Plouzané.

Le 7 juin, à Priminime, à 17 heures : 350 francs à Mme Bergot, de Plouguerneau.

 

En comptant le vol de 550 francs du 18 juin, aux halles Saint-Louis, on arrive au total respectable de 10.212 fr. !

 

Joséphine ne se rappelle pas avoir commis les autres vols portés sur la liste

— J’ai une bonne mémoire, a-t-elle dit, mais, vous savez. Je puis en oublier un ou deux.

 

Cependant, pour le vol de 1.200 fr. commis le 6 avril dernier, aux halles Saint-Louis, à 10 heures, au préjudice de M. Cariou, 85, rue de Siam, elle a été plus affirmative :

— Non, ce n'est pas moi ce jour-là !

Pour d'autres, elle a affirmé :

— Je n'ai jamais « travaillé » là !

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COMMENT ELLE OPÉRAIT

 

C'était bien simple, a-t-elle dit. Je repérais d'abord une « cliente ».

Je la suivais et je lui enlevais doucement de la poche de son manteau, de son tablier ou de son sac à provisions son porte-monnaie.

 

Ensuite, j'allais m'isoler soit dans des « water », soit dans une entrée ;

je vidais le porte-monnaie, gardais le contenu et jetais, le contenant.

Parfois je m'en suis débarrassée dans les douves.

 

Sous son chapeau vert, Joséphine a des cheveux châtain.

Sa permanente vient sans doute d'être refaite, car elle est impeccable.

 

Mais elle a de grosses mains aux doigts boudinés.

En les regardant on s'explique mal que de telles mains puissent être aussi adroites pour pratiquer le vol à la tire qui demande de la dextérité.

 

— Qu'avez-vous fait de tout cet argent ? lui demande-t-on.

— Je m'en servais pour les besoins et l'entretien du ménage.

J'ai acheté des meubles, du linge, un poste de T.S.F.

J'ai été passer dix jours à Paris à la fin de l'année dernière, après le vol qui m'avait rapporté 6.000 francs.

Pendant, ce voyage, j'ai dépensé 3.000 francs.

 

Mais votre « mari » ne s'étonnait pas de vous voir dépenser tout cet argent ?

 

— Non, il ne s'occupait pas des dépenses du ménage.

Toutes les semaines il me remettait sa paye et croyait que je pouvais arriver avec cet argent à satisfaire tous mes besoins.

Il ignorait complètement le genre de travail auquel je me livrais.

 

La tâche de M. Guillet était terminée.

À la fin de l'après-midi, Joséphine Le Coz fut conduite au parquet.

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M. Crenn, juge d'instruction, se contenta de lui faire subir un premier interrogatoire.

Elle renouvela ses aveux et fut écrouée au Bouguen.

 

Le service de la sûreté tout entier et M. Guillet, son chef, sont à féliciter pour la façon dont cette affaire a été menée.

Après avoir débarrassé la ville des voleurs d'autos, procédé à l'arrestation de Loisy, — l'auteur de nombreux cambriolages et de celui du bureau du comité des fêtes — grâce à ses efforts, à une enquête menée rapidement, à un interrogatoire serré, M. Guillet a permis de découvrir le principal auteur des vols à la tire.

C'est du bon travail, auquel vient s'ajouter l'arrestation rapide des cambrioleurs du port de commerce par les agents Guivarch et Déniel.

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Source : La Dépêche de Brest 10 juillet 1937

 

Depuis environ un an, de nombreux vols à la tire étaient commis à Brest. Malgré les longues et minutieuses enquêtes entreprises par les services de la police, l'auteur de ces méfaits ne put être découvert.

 

Or le 18 juin dernier, on amenait devant M. Guillet, chef de la sûreté, la femme Kéruzoret, née Joséphine Le Coz, âgée de 36 ans, qui venait d'être prise en flagrant délit du vol d'une somme de 30 francs devant les magasins Monoprix.

 

Faisant un rapprochement avec ce vol et ceux commis antérieurement, le commissaire de police interrogea la femme Kéruzoret qui avoua être l'auteur des principaux vols dont se plaignaient depuis plusieurs mois les ménagères de Brest.

 

On releva à l'actif de cette spécialiste de vols à la tire dix-neuf vols, représentant au total une somme de 12.000 fr.

 

Joséphine Le Coz s'approchait des personnes qui effectuaient des achats, soit dans les grands magasins de la ville, soit aux halles et réussissait à leur, subtiliser leur porte-monnaie.

Un jour, son coup de main lui rapporta 6.000 fr. qui se trouvaient dans la poche d'une cliente de Monoprix.

 

La femme Kéruzoret n'a pas reconnu trois vols sur l'ensemble de ceux dont elle s'est rendue coupable.

On lui en fait grâce.

 

Elle a déjà subi deux importantes peines pour des délits analogues commis à Paris.

 

Me Le Goc demande l'indulgence du tribunal pour Joséphine Le Coz, mère de deux jeunes garçons.

 

Une condamnation à 18 mois de prison sanctionne les fautes commises par l'inculpée.

 

Au prononcé du jugement, la femme Kéruzoret est brusquement prise d'une crise de nerfs et on doit l'évacuer de la salle d'audience.

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