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1938

Théodore Halbert
passeur du Cap-Horn

 

Théodore Halbert 00.jpg

 

Source : La Dépêche de Brest 23 juillet 1938

 

Depuis 11 années qu'il exerce la, profession de passeur, Théodore Halbert est bien connu au « Cap Horn » et à Locmaria, où l'homme et le bateau sont devenus un rouage indispensable à la vie quotidienne des habitants.

 

Godillant d'un geste invariable à l'arrière de son canot de 5 mètres, Théodore laboure inlassablement l'Odet, accostant tantôt sur la rive gauche, tantôt sur la droite, attentif à l'appel des ménagères et des livreurs.

Les affaires sont cependant devenues plus dures pour ce bac en miniature, concession de l'administration des Ponts et Chaussées ; et ceci pour deux raisons, nous explique le passeur :

— Il y a beaucoup de chômeurs parmi ma clientèle, et puis j'ai dû augmenter mon tarif du double :

4 sous pour le piéton, au lieu de 2 l'an dernier.

 

Né à l'Ile Tudy, il y a 64 ans, Théodore Halbert tire pourtant le maximum de ses journées.

Il « ouvre » à 7 heures du matin, et cesse la besogne à 9 heures et 9 heures et demie, le soir, en été.

 

— Oh ! Ce n'est pas toujours gai le métier, nous confie-t-il.

Passe encore la chaleur, mais le froid et la tempête sont autrement pénibles et parfois l'hiver le mauvais temps et le manque de passagers m'obligent à rester longuement à l'abri dans ma cabane.

 

Et puis, croyant bien faire, je gronde parfois des enfants qui s'approchent imprudemment de la rivière ;

en guise de récompense, les mamans me demandent de m’occuper de ce qui me regarde.

Pourtant, je connais les dangers de l'eau, puisque je suis intervenu 23 fois auprès de personnes en danger.

La ville de Quimper m'a remis un diplôme et 100 francs.

 

Le plus pénible sauvetage a été celui d'un employé qui tomba à l'eau, il y a 3 ou 4 ans, avec sa bicyclette.

Après 7 minutes de sondages, à l'aide de la gaffe que vous voyez là-bas sur le garde-corps, je parvins à le retirer.

Il fallut un bon moment pour le ranimer.

J'ai aussi sorti trois cadavres de l'eau.

 

Un cycliste s'impatientant, fait résonner son timbre sur l'autre rive.

Théodore Halbert s'en va, penché vers l'avant.

L'aviron faisant appui sur la cale, il décolle son bateau et vire doucement :

Théodore n'est pas un improvisateur :

les mêmes manœuvres, répétées des milliers de fois, depuis 11 années, entraînent les mêmes mouvements.

 

— Combien faites-vous de traversées journellement, lui demandons-nous, avant de le quitter ?

— Je n'en sais rien, nous répond-il en s'éloignant.

 

Et il hausse les épaules, ayant l'air de dire :

« C'est bien là le dernier de mes soucis ».

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