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1939

Une visionnaire et les bombardements
par Charles Léger

 

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Source : La Dépêche de Brest 3 mai 1939

 

— Oui, monsieur, j'ai découvert le point lumineux par le rayon.

— Ça, alors...

— C'est pourtant la vérité.

Tenez, voyez les points lumineux qui s'accrochent aux objets.

Sur cette cheminée, il y en a un sur ce globe de verre, trois sur le flanc de ce vase.

Mais ceux-là sont trop minuscules et trop diffus pour que l'on puisse y distinguer quelque chose.

 

Mme Person nous a désigné les objets en tendant une main que les rhumatismes ont déformée.

Ces rhumatismes la contraignent à demeurer couchée le plus souvent dans cette chambre du rez-de-chaussée du 23, rue Émile Souvestre.

 

À rester ainsi, on observe avec infiniment plus d'attention tout ce qui se passe autour de soi.

 

— C'est précisément à force d'observation que je finis par connaître le mystère de la lumière.

 

Mme Person parle avec aisance et volubilité.

Elle en a tant à dire sur ses expériences qu'elle formule précipitamment ses idées comme si elle craignait de ne pouvoir tout exposer.

Dans son visage d'une belle régularité, sous sa chevelure blanche taillée à la Jeanne d'Arc, deux grands yeux noirs brillent d'un surprenant éclat.

Près d'elle, un poste de T. S. P. chante à notes voilées.

 

— Comment j'en vins à cette étude du point lumineux ?

De la façon la plus simple.

En 1933, souffrant d'un genou, j'entrepris d'y faire converger les rayons du soleil en plaçant sur la partie la plus sensible la demi-sphère de verre que vous voyez-là.

C'est alors que l'image solaire m'apparut avec ses trous d'ombre et le capricieux dessin de sa surface.

J'en fus éblouie.

 

« Désormais, j'allais me consacrer à l'étude des points lumineux.

Au sommet de mes volets on a pratiqué un petit trou pour permettre le passage de mon antenne de T. S. F.

Quand tout est clos, un rayon lumineux s'y fait également place.

Je l'intercepte à l'aide de ma coupole de verre où je distingue bientôt la marche des étoiles.

 

« Le soir, parfois, dans la cour, j'examine ainsi le reflet des rayons lunaires.

 

« J'ai voulu procéder de façon indirecte, en plaçant une petite lampe entre deux glaces, ce qui développe considérablement son rayonnement, et j'examine la flamme à l'aide de jumelles de théâtre assez fortes.

Et chaque fois j'aperçois nettement les images astrales.

 

« Je dois vous avouer que j'ai toujours aimé l'astronomie ;

mais j'ai maintenant acquis la conviction que les astronomes sont dans l'erreur.

La pluralité des mondes habités n'existe pas !

L'univers est un Tout parfaitement homogène.

 

— Évidemment, ceci est bien curieux, mais n'avez-vous jamais eu d'autres révélations ?

— Pardon, et ceci est bien autrement captivant.

Voyez ce globe de verre ;

il m'est à présent plus précieux que la vie.

Je passe le plus clair de mes nuits à l'observer sous le rayon lumineux.

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« Le 6 juin 1937, j'y vis se former, au milieu de couleurs d'une splendeur céleste, le visage d'un homme d'une magnifique beauté, tout comme celui du Christ.

Très brun, il m'apparut sous une coiffure indéfinissable, grave mais non point triste.

Longuement, il me regarde et demeure impassible.

Quant à moi, je demeure confondue d'être l'objet d'une semblable révélation.

 

« L'apparition se renouvelle presque chaque nuit, à n'importe quelle heure, et depuis vingt-deux mois, je ne vis plus que dans l'espoir de la revoir.

 

« J'ai bientôt remarqué qu'au-dessus se dessine un autre visage, à demi-voilé par une sorte d'écharpe de brume, beau comme celui de Sainte-Thérèse.

Mais ce visage-là s'offre en double et se déplace.

 

— Ces apparitions, bien entendu, vous sont personnelles ?

— Pas du tout ;

plusieurs personnes ont bien voulu demeurer à mes côtés jusqu'à ce qu'elles se produisent et ont également pu les contempler tout à loisir.

D'ailleurs l'une d'elles a fixé au crayon les détails de cette vision.

Voyez le dessin.

 

Et Mme Person nous présente une image de la boule de verre piquetée d'étoiles, zébrée de rayons et figurant dans le haut les trois visages superposés.

 

— N'avez-vous jamais songé à interroger l'apparition ?

— Si, une fois, lorsque l'on parla de la nécessité d'évacuer la ville en cas de bombardement.

Pour une impotente de mon genre, la chose ne peut être aisée.

Aussi, une nuit, je priai l'apparition de se retirer trois fois si nous ne courions aucun danger.

Et j’ai eu la joie de la voir se retirer trois fois.

 

Ainsi, nous sommes complètement rassurés.

Mme Person l’est complètement.

Comment ne le serait-elle pas, puisque dit-elle :

« C'est la télévision du ciel que je reçois ! »

 

Aussi s'est-elle empressée d'écrire aux présidents Roosevelt et Lebrun !

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