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1940

La gare de Brest
pendant l'Occupation

 

 

Source : La Dépêche de Brest 8 juillet 1940

 

Avenue Amiral Réveillère, trois vénérables dames se reposent sur un banc, à deux pas du trou plein de cailloux et de broussailles qui marque l'ancien emplacement de la Trésorerie.

 

Quelques hommes passent, l'air mi-militaire, mi-civil.

 

Tous portent le pantalon noir, les uns le veston bleu et la casquette de même couleur, les autres, veston et casquette de couleur noire.

Tous ont un brassard jaune d'or.

 

— Ce doivent être des aviateurs, risque l'une des dames, qui tremble encore d'être descendue dans sa cave la fameuse nuit du bombardement.

— Non, ce sont des pompiers, opine la seconde dame.

Ils sont venus à Brest pour éteindre l'incendie des réservoirs à mazout.

 

— Eh bien! moi, dit la troisième.

Je suis sûre que vous vous trompez toutes les deux.

Ce sont les nouveaux ingénieurs qui viennent diriger les travaux du port.

 

Nous sourions de cette conversation entendue au passage.

Nous soupçonnons bien que ces messieurs au costume inconnu appartiennent au nouveau personnel allemand de la gare de Brest.

 

Et, comme celle-ci n'est qu'à quelques pas, dressant dans le ciel sa blanche silhouette qui lui donne un aspect de gigantesque cygne au repos, nous décidons d'aller nous renseigner auprès du personnel de la S.N.C.F.

 

Nous nous présentons à divers guichets.

Personne ne sait rien de précis.

Enfin, l'on nous adresse à M. le chef de gare, avec qui nous avons la bonne fortune de nous entretenir assez longuement.

 

M. le chef de gare est l'amabilité même.

Il nous fait asseoir dans son bureau, et, bien qu'assailli de perpétuels coups de téléphone, s'efforce avec la plus grande obligeance de satisfaire notre curiosité.

 

Il y a en effet un certain nombre d'employés appartenant au personnel des chemins de fer allemands.

Ces employés se contentent d'exercer un contrôle sur ce qui se passe dans les différents services de la gare.

Dans leurs contacts avec le personnel de la S.N.C.F., ils se montrent toujours absolument corrects.

 

Les rapports entre les deux personnels sont d'ailleurs extrêmement réduits, la gare de Brest ne recevant d'ordres ou d'instructions que du district de Rennes et de la Société nationale des chemins de fer, comme en temps de paix.

 

Le trafic demeurant très réduit en raison du petit nombre des trains et du secteur encore limité qui a pu être remis en exploitation, on s'est empressé de renvoyer dans leurs foyers tous les requis affectés à la gare de Brest et aux autres gares du réseau depuis la mobilisation.

Il n'en reste pas moins qu'il y a actuellement relativement peu de travail.

 

Peu à peu le trafic s'améliore

 

— Vos trains vont jusqu'où maintenant. M. le chef de gare ?

— Jusqu'à Paris.

Au sud, nous allons jusqu'à Nantes, La Roche-sur-Yon et Les Sables-d'Olonne.

Il est probable que des relations ferroviaires existent entre Le Mans et Tours, par Château-du-Loir, mais le district ne nous a pas encore fourni de renseignements sur ce parcours qui dépendait de l'ancien réseau du P.O.

Quant aux réfugiés des départements du nord-ouest, nous continuons à les diriger sur Lisieux.

 

— Par la ligne Lamballe-Lison ?

— Non.

Il reste encore des réparations de voies à terminer dans la région d'Avranches.

Les trains de réfugiés sont détournés par Bourg-le-Roi, Caen, Mézidon.

On s'achemine cependant vers la reprise prochaine de toutes les relations, et comme les transports automobiles éprouveront de grandes difficultés à se rétablir dans toute leur ampleur, il faut prévoir une activité considérable pour tous les services de la S.N.C.F. au lendemain de la guerre.

Il y aura beaucoup de matériel à réparer ou à remplacer.

Tant mieux, d'un côté.

Cela donnera du travail aux ouvriers.

 

Les épaves

 

— Avez-vous toujours beaucoup de bagages en souffrance ?

— Pas à proprement parler.

À mesure que les trains arrivent, chacun vient maintenant retirer ce qui lui appartient.

Ce qui reste en gare, et qui risque d'y rester longtemps encore, ce sont les bagages qui ont perdu leur propriétaire, soit que dans l'affolement d'un départ précipité on ait négligé de les garder en main ou de les étiqueter, soit que l'étiquette et l'adresse aient disparu dans la bousculade.

 

Nous prenons congé de M. le chef de gare, en le remerciant de la courtoisie avec laquelle il a bien voulu nous accueillir et des renseignements qu'il a eu l'amabilité de nous donner.

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