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1940

Un immeuble de trois étages
détruit par un Incendie
rue Louis Pasteur

 

 

Source : La Dépêche de Brest 4 juillet 1940

 

L'avant-dernière nuit, les rues, presque désertes, n'étaient parcourues que par de rares rondes, quand à 2 h. 45, des cris : « Au feu ! » partirent d’une fenêtre d'une maison de la rue Guyot.

 

De l'immeuble portant le numéro 53 rue Louis Pasteur, et faisant l'angle de la rue Guyot, des hommes, des femmes, des enfants, à demi-vêtus s’échappaient, apeurés, et frappaient aux portes des maisons voisines, pour y chercher refuge.

 

Une personne domiciliée 2, rue Guyot donna la première l'alarme.

 

— À 2 h. 45, nous a-t-elle dit, je fus réveillée par un crépitement bizarre semblant provenir des volets de ma chambre.

 

« Inquiète, j'ouvris ma fenêtre et vis, de l'autre côté de la cour, des flammes sortant du premier étage de l'immeuble voisin.

De toutes mes forces, je criai :

« Au feu ! », puis après avoir prévenu les locataires de la maison, on alerta les pompiers. »

 

Premiers secours

 

Peu après, sous le commandement de l'adjudant Gautron, les pompiers de la ville arrivèrent avec l'auto-pompe de premier secours.

 

— À mon arrivée, dit l'adjudant Gautron, pendant que les sapeurs mettaient la pompe en batterie, j'effectuai une reconnaissance.

 

« Le feu avait pris au 1er étage de l'appentis, sis dans la cour.

Le plancher était en feu, les flammes léchaient les poutres supportant le plafond du rez-de-chaussée. Une épaisse fumée emplissait l'escalier.

 

« Pendant qu'une lance déversait les 600 litres d'eau contenus dans le réservoir de premier secours, le sergent-chef Méar faisait brancher un tuyau sur la bouche d'incendie de la place Marcelin Berthelot.

 

« Je m'assurai rapidement que les nombreux locataires de la maison avaient pu se sauver.

On m'affirma d'ailleurs qu'il ne restait personne dans les multiples logements de l'immeuble.

 

« Malgré la rapidité des secours, le feu allait plus vite que nous.

Dans cet appentis, d'une construction légère en torchis, les flammes gagnaient les étages supérieurs.

 

« J'alertai le 2e dépôt et le Central-marine, tout en continuant à combattre l'incendie, dont les proportions grandissaient malgré tous nos efforts... »

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Au dehors, une foule de curieux envahissaient la rue.

Se tenant par la main, deux haies de soldats allemands se formèrent, et, marchant à reculons, repoussèrent la foule à une distance assez grande pour permettre aux pompiers de travailler sans être gênés.

 

D'ailleurs, des gardiens de la paix, des gardes mobiles, des gendarmes maritimes, sous la direction du lieutenant Mesmacre et de M. Ménez, commissaire de police, arrivaient rapidement et prenaient la direction du service d'ordre.

 

Les pompiers de la ville et de la marine unissent leurs efforts pour limiter les dégâts

 

Le capitaine Chanquelin et le lieutenant Carquin étaient arrivés pendant ce temps avec tout leur matériel, bientôt suivis par les marins-pompiers, sous le commandement de l'officier principal des équipages Toul, avec l'auto-pompe et la grande échelle de trente mètres.

 

De l'appentis en torchis, le feu avait gagné la maison principale, dont la façade sur la rue Louis Pasteur comprend au rez-de-chaussée :

un magasin de tailleur, le restaurant des Amis, la cordonnerie Hervoualch et à l’angle de la rue Guyot, un débit à l’enseigne : « Aux enfants de Bretagne ».

 

— Le feu, nous dit le capitaine Chanquelin, trouvant dans l'appentis en torchis un aliment facile, avait gagné la toiture de l'immeuble principal, la charpente commençait à brûler.

 

« À l'intérieur, la plupart des cloisons étant en bois, flambaient.

La grande cage d'escalier, aux marches de pierre, et à la rampe à balustres en bois, faisait un terrible appel d'air.

Tout le vieil immeuble était en feu.

Il fallait, tout en combattant ce grand incendie, faire la part du feu et préserver les maisons voisines :

À droite, le 2 de la rue Guyot, léché par les flammes ; à gauche, l'établissement de la marine connu sous le nom : « la solde ».

 

*

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Les flammes s'élevant à une grande hauteur — une cinquantaine de mètres, disent des témoins — jetaient dans la nuit très noire des lueurs sinistres, qu'obscurcissait par instants des tourbillons de fumée épaisse et âcre.

 

Quatre grosses lances branchées rues Kéravel et Louis Pasteur, rue de Siam, près de la préfecture maritime, et place Marcelin Berthelot arrosèrent pendant deux heures l'incendie.

 

Juchés sur les fenêtres ou les toits des maisons voisines, grimpés au haut de la grande échelle, pompiers de la ville et de la marine unirent leurs efforts pour se rendre maîtres du feu.

 

Les torrents d'eau déversés en vinrent à bout après environ trois heures de travail, pendant lesquels on admira le dévouement des soldats et marins du feu.

 

Ce ne fut qu'à 8 heures que les pompiers purent se retirer, laissant une garde qui dut, à plusieurs reprises, éteindre les petits foyers qui se rallumaient.

 

Les causes du sinistre

 

Mme Boezennec, ancienne marchande de poissons, 47 ans, et sa fille Louise, âgée de 16 ans, habitent le logement sis au 1er étage de l'appentis en torchis où le feu s'est déclaré.

 

Interrogées par M, Ménez, elles ont déclaré que n'ayant ni le gaz, ni l'électricité, elles s'éclairaient à l'aide de bougies.

 

Peut-être la flamme d'une bougie a-t-elle mis le feu à du linge étendu pour sécher et, pendant leur absence, le feu, qui a pu couver pendant quelque temps, a-t-il soudainement éclaté, provoquant le désastre.

 

M. Ménez poursuit son enquête,

 

Les voisins

 

Mme Hervoualch, dont le mari tient la cordonnerie du rez-de-chaussée, habite au 1er étage, un logement contigu à celui de Mme Boezennec.

 

— J'ai entendu des craquements, ai senti une odeur de bois brûlé et ai vu de la fumée sortir par la fenêtre de ma voisine, dit-elle.

Déjà ma fenêtre était chaude.

Nous nous sommes sauvés mon mari, mon fils et moi, sans avoir le temps d'emporter quoi que ce soit.

 

Quand nous sommes arrivés dans la rue, les flammes dépassaient déjà la maison.

La cordonnerie n'a heureusement pas été atteinte par le feu, mais la quantité d'eau qui s'infiltre à travers les plafonds, a, je le crains, gravement endommagé les machines.

 

Nous avons sauvé notre peau, c'est l'essentiel.

 

*

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Mme Bibouleau qui habite au 3e étage un logement, avec son mari et trois enfants âgés de 3, 4 et 5 ans, fut réveillée par les cris « Au feu ! » poussés de la maison d'en face.

 

Elle frappa à la porte de ses parents qui habitent sur le même palier et à celle d'une voisine Mme Hamon, en criant :

« Le feu dans la maison ! »

 

— J'enveloppai ma fille dans une couverture et pris quelques vêtements pour mes deux enfants.

Puis, en criant pour réveiller les autres locataires, nous descendîmes en courant les escaliers déjà emplis de fumée.

 

Nous nous réfugiâmes au bureau de tabac d'en face.

Je pus vêtir mes enfants qui étaient en chemise et pieds-nus.

 

Nous n'étions pas rassurés et ne savions où aller coucher.

Je crois que l'on va nous procurer un asile provisoire au patronage laïque de Recouvrance.

 

*

**

 

Mme Léon, dont le mari est prisonnier de guerre, était seule au 3e étage,

avec ses trois enfants âgés de 3, 2 ans et 4 mois.

 

Tous dormaient profondément quand M. Guyot, 59 ans, frappa à la porte et cria :

« Vite, levez-vous, il y a le feu au-dessous ! ».

 

Mme Léon se sauva avec ses enfants, les déposa dans une maison voisine et voulut avec M. Guyot, tenter de remonter chez elle pour sauver quelques objets, mais la fumée était si intense dans l'escalier qu'il leur fallut reculer et rester impuissants, à regarder disparaître tout ce qui leur appartenait et leur avait coûté tant d'efforts.

 

Les dégâts

 

Bien que n'ayant qu'une seule entrée, 53, rue Louis Pasteur, l'immeuble appartenait à deux propriétaires :

M. Wirix possédait la partie gauche, côté de la « Solde », Mme Le Saout, la partie droite, formant l'angle de la rue Guyot.

 

Seuls les murs restent debout et à part le rez-de-chaussée et l'escalier, plafonds, planchers, cloisons, charpente, n'ayant pas été détériorés par le feu, semblent l'avoir été par l'eau.

 

Plusieurs locataires n'étaient pas assurés.

Les uns ont pu se réfugier chez des parents.

La mairie a procuré aux autres des abris provisoires.

 

Dès les premiers instants, MM. Servain , sous-préfet ;

Lullien 1er adjoint ;

Causeur, adjoint au maire, Limpalaner et plusieurs conseillers municipaux, se rendirent sur les lieux.

 

Il faut féliciter les pompiers de la ville et de la marine, ainsi que leurs chefs pour la promptitude qu'ils mirent à se rendre sur les lieux du sinistre et pour les courageux efforts qu'ils firent pour combattre et circonscrire l'incendie.

 

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Source : La Dépêche de Brest 6 juillet 1940

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