1923
Lionel Dauriac
La Dépêche de Brest 30 mai 1923
Nous avons annoncé la mort de M. Lionel Dauriac, décédé après une longue et douloureuse maladie, dans sa soixante-seizième année.
Lionel Dauriac naquit à Brest le 19 novembre 1847, d'une famille de marins ;
son père était contre-amiral.
Il se distingua de très bonne heure par ses aptitudes musicales qui se développèrent, parallèlement à d'excellentes éludes littéraires et scientifiques faites au lycée.
Vers l’âge de dix-sept ans, la philosophie l'attira tout particulièrement et en 1867, il entrait à l'école normale, d'où il sortait quatre ans plus tard agrégé de philosophie.
Reçu en 1878 docteur en Sorbonne avec une thèse de philosophie scientifique (Des notions de matière et de force dans les sciences de la nature), il entrait à la Faculté des Lettres de Lyon, comme maître de conférences :
Il fit paraître à cette époque une étude sur Héraclite d'Éphèse, et fût nommé professeur de philosophie à l'université de Montpellier en 1882.
Il publie plusieurs ouvrages :
Sens commun et raison pratique (1887), Croyance et Réalité (1869), Le Réalisme de Reid (1889), etc.
C'est, alors que ce savant distingué, doublé d'un artiste érudit, songea à apporter à la musique l'application de ses connaissances philosophiques, en inaugurant un cours de psychologie musicale.
Il exerçait cet enseignement alors nouveau dans sa forme, puisque le « tableau noir » était remplacé par un piano, et nouveau dans sa matière puisqu'aucun professeur de Faculté n'avait encore fait à l’art musical l'honneur d'un cours spécial.
Il initia de cette façon le grand public à sa méthode de critique analytique.
Ce fut d'abord, pendant trois ans, à l'Université de Montpellier, puis dans des conférences organisées à Genève, Lausanne, Liège, Aix, Marseille, Toulouse.
Il y étudiait l'évolution de la musique en France toujours avec des exemples sonores.
En 1895, il vint professer à Paris.
Henry Roujon, alors directeur des Beaux-Arts, lui proposa une chaire au Conservatoire, mais il préféra enseigner à la Sorbonne et il y fit un cours hebdomadaire, dont la vogue fut retentissante.
En 1903. Lionel Dauriac fut nommé conservateur à la Bibliothèque Victor Cousin, à la Sorbonne.
Ses nouvelles fonctions ne l'empêchèrent pas de continuer ses conférences musicales.
Il présenta à l'Académie un très intéressant mémoire : De l'oreille musicale, Psychologie des musiciens.
Il publia La psychologie dans l'opéra français (Auber, Rossini, Meyerbeer), 1897 ;
Essai sur l'esprit musical, in-8° (Alcan) ;
Rossini (Collection des musiciens célèbres (Laurens) — qui donna à René Fauchois l'idée de sa pièce :
Le musicien-poète Richard Wagner (Fischbacher) ;
Meyerbeer (Collection des Maîtres de la musique (Alcan).
Ce remarquable philosophe a été l'un des principaux, représentants du néo-kantisme français, collaborateur de François Pilon à L'Année philosophique, il a écrit de nombreux articles dans la Critique philosophique de Renouvier et des études de philosophie générale et de psychologie musicale dans La Revue philosophique.
Titulaire du grand prix Genner de l'Institut, chevalier de la Légion d'honneur, il fut, aussi critique musical du Petit Méridional, du Signal, du Monde musical, etc.
Président de la section française de la Société internationale de musique (aujourd'hui S. M. I.), il était, considéré comme, le père de la critique musicale contemporaine.
Lionel Dauriac était le père de notre collaborateur Armory, à qui nous présentons nos condoléances émues.
Les obsèques auront lieu à Brest dans le courant de la semaine.