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1933

Ciels Bretons


 

 

Source : La Dépêche de Brest 8 février 1933

 

M. Gaston Rageot s'en tient, pour la Bretagne, à la lumière des Côtes-du-Nord, qui n'est « renanienne »  qu'en pays trégorrois.

Il est surprenant parce qu'il connait notre province pour l'avoir assez souvent parcourue, et pour avoir vu, en particulier, Dupouy à Penmarc'h, qu'il ne parle point des ciels finistériens les plus beaux, les plus variés, les plus lumineux qui soient en Armorique.

 

Nulle part, en Bretagne, les transitons, d'un ciel à l'autre, ne sont plus marquées.

L'on se sent assez nettement passer de l'une à l'autre zone de lumière.

 

Cela tient à ce que, du Nord au Sud, bien plus qu'en tout autre département breton, l'on s'éloigne de plus en plus en suivant le littoral, du courant chaud du Gulf Stream, générateur d'humidité, de nuages et de brumes marines.

 

Toute la presqu’île du Léon, sujette à ces brumes, ne se départit point, même aux plus chauds passages de l'été, de cette nébulosité qui noie les lointains, confondant dans une même tonalité d'un gris bleu les pointes et les îles.

Tel est le vaste ciel de l'Aberwrac'h et de Guissény.

 

Cette grisaille s'atténue comme on descend vers le Sud.

Au point de vue de la lumière, comme au point de vue de l'esprit et des mœurs, le pays de Daoulas et du Faou est une terre intermédiaire :

 

En tré ar Faou ag Landerné

Na né na Léon na Kerné...

 

La clarté, douce, grave, toute en nuances, mystique entre Rumengol et Landévennec, baignant d'argent gris les estuaires et les derniers replis de l'arrière-rade, rappelle à certains égards celle du Trégor.

 

Où l'on découvre une nouvelle région de lumière, c'est après avoir franchi, au village de Ty-Jacob, près de Quimerc'h, le dernier chaînon des monts d'Arrée.

Plus on va vers Châteaulin et, passé Châteaulin, vers Quimper, plus on baigne dans une lumière végétale, sans ardeur, qui donne un reflet d'ombre aux rivières.

C'est la lumière de Quéménéven, des vire-courts de l'Odet, des pinèdes de Ménez-Bily, des boucles du Stéir, de tout ce canton où il fait bon-vivre et qui est, au dire d'André Suarès, la terre de l'émeraude.

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Gaston Rageot

 

Et Quimper, battu par la double marée verte de sa rivière et des bois, a, lui aussi, son ciel particulier, d'un gris bleuté, teinté d'argent, surtout au matin, coloré qu'il est par le granit de ses maisons, de sa cathédrale et par les ardoises de ses vieux toits.

 

Que vous montiez par la grande côte qui mène vers Pont-l'Abbé ou que vous gagniez Landudec, en passant par la campagne de Pluguffan, et c'est une nouvelle circonscription céleste qui s'ouvrira à votre regard :

Le ciel bigouden, immense, instable et dramatique, comme la race et comme la mer de Plozévet ou de Penmarc'h.

 

Pont-Aven, qui abrita toute une école de peintres, et Quimperlé, dans son creux de verdure, prolongent, vers le sud cornouaillais, en l'alanguissant, la tendresse du ciel de Quimper.

Mais de l'autre côté de la Laïta, dans le vieil évêché vannetais, la lumière morbihannaise, aux ardeurs voilées, d’Auray, de Vannes, de Locmariaquer, se fait plus contenue, plus mystique, plus austère.

 

Le ciel de Rhuys, à l'été, a des tonalités méridionales et, passé la Vilaine et Herbignac, c'est, tout de bon, le Midi qui commence.

Bourg-de-Batz, au bord des marais a presque la couleur et la lumière de la côte landaise.

 

Les rades et les baies échelonnées de la pointe Saint-Mathieu à la pointe du Croisic, sont plus propres que les paysages uniquement terriens à nous révéler les variétés infimes du ciel de Bretagne.

 

La rade de Brest a la tonalité du ciel de Léon, presque constamment baignée, dans ses replis, d'une brume fluide qui noie, presque en toute saison, la triple arche du pont de Plougastel et les fonds de Quélern.

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La baie de Douarnenez, plus lumineuse, est d'un bleu plus mobile qui, lorsqu'on le découvre, par temps clair, des falaises de Morgat ou de l'Aber, a le même caractère irradiant que les fonds du golfe de Gascogne.

Mais il est rare qu'elle se dépouille absolument de ses nuées flottantes, qui font à la baie un fond de mystère et qui, s'accrochant à la cime du Ménez-Hom, font courir, vers Sainte-Anne de la Palue et Trezmalaouën, de grandes ombres sur les dunes.

 

La baie d'Audierne, si on la voit du Loc'h ou de Larvily, a des tons déjà chauds, sous une lumière plus intense, qui dorme à Audierne des allures de port méridional, sensible à la poésie des coques bariolées et des maisons peintes au blanc de chaux.

La baie des Trépassés qui, par-delà l'éperon du Raz, la relie à la baie de Douarnenez, a elle-même, par les beaux jours qui n'y sont pas rares, moins l'air d'une anse bretonne que d'une calanque de Provence, sous l'éblouissement de la lumière.

 

Quant à la baie de Concarneau, elle a toute la couleur d'un golfe méditerranéen.

Un certain ton des roches rousses qui la bordent au sud et des pins, le rayonnement des sables du Cap-Coz et de Beg-Meil y rappellent, aux jours d'été, des retraits de la côte toulonnaise qui, surtout quand le soleil tombe et que vient le soir, la couleur des arbres et des eaux est exactement la même. Concarneau donne ainsi l'impression d'être, entre Beg-Meil et le Cabellou, une porte des mers du Sud, qui sont le royaume de l'azur.

 

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Source : La Dépêche de Brest 8 février 1933

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