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1936

On tournait une scène de
" La porte du large "
à La Ninon

 

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Source : La Dépêche de Brest 21 juillet 1936

 

Trois seconds-maîtres aviateurs étaient arrivés en courant à toutes jambes à la base de La Ninon.

 

— Du haut de Saint-Pierre, nous avons vu les bâtiments embrasés, dirent-ils, alors nous avons cru qu'il se passait quelque chose d’anormal et nous sommes venus. »

 

Il se passait en effet « quelque chose d'anormal », mais la situation ne présentait aucun danger :

Des cinéastes « tournaient » une scène pathétique de La Porte du large.

 

Rien, mieux que cet incident, ne saurait expliquer le réalisme qui anime les prises de vues.

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Cela se passait devant les hangars de l'escadrille 2 S-1.

Dans l'aveuglante clarté des « sunlights », acteurs, metteur en scène, directeurs, régisseurs, électriciens, opérateurs, se préparaient à l'action.

Dans la nuit calme, les navires de l'escadre, illuminés, composaient la plus belle toile de fond qui se pût imaginer.

 

De même que Veille d'armes fut le film de Toulon, La Porte du large sera celui de Brest, puisque aussi bien on y retrouvera ces images et cette vie qui nous sont familières.

 

D'une petite cabine placée au-dessus des hangars, un opérateur émettait des signaux en morse :

 

— Demandez aux projecteurs de l'escadre d'éclairer le terre-plein.

 

Et l'on se trouvait aussitôt dans un bain de lumière froide, laiteuse, aveuglante.

Mains croisés derrière le dos, le capitaine de corvette Comby, commandant la base d'aviation, surveillait les opérations, cependant que le lieutenant de vaisseau Lemée prenait les dernières dispositions avec M. Marcel Lherbier.

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M. Lherbier est aujourd'hui le metteur en scène du cinéma français qui possède le plus d'autorité.

Il sait ce qu'il veut.

Il « voit » la vérité de l'action.

Et il le montre bien, ses ordres, ses conseils sont précis, brefs ; il sait animer sa troupe.

Et d'ailleurs il est aimé de tous ceux qui l'approchent, M. Francen nous le disait hier.

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On imagine assez difficilement combien est compliquée une mise en scène.

Il faut que l'artificiel devienne du réel.

Il faut que la fiction ait la force émouvante d'une réalité et que chacun des acteurs se mette bien « dans la peau de son personnage ».

 

Devant les hangars de l'escadrille, des centaines d'hommes s'affairaient, ombres mouvantes dans la lumière crue.

 

— En scène !

— Les « ventilos » sont-ils prêts à marcher ?

— Paré.

— Sur quel courant ?

— Du 110 !

— Bon, allez-y pour la brume !

 

La brume, on la crée comme le reste, comme la tempête, mais avec tant de vérité que l'on s'y laisse prendre.

 

La brume ?

Un homme qui court sur l'esplanade, tenant à la main une torche fumigène.

Au bord de la mer, les ventilateurs soulèvent des embruns.

Et voici Francen qui s'avance.

Derrière lui, des matelots poussent un hydravion vers la grue qui va le soulever.

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Nous voici en plein brouillard.

Pour respirer à l'aise, il faudrait posséder un masque à gaz.

 

Silence, silence absolu.

Seuls les héros de la scène doivent parler.

 

— Attention on va tourner !

 

Francen, qui personnifie le commandant de l'École navale, casqué, habillé d'une combinaison de cuir, va se porter au secours d'un appareil en perdition, à bord duquel se trouvent deux élèves partis en vol d'essai.

 

— S'il m'arrive quelque chose, dit-il, dites à Pierre que je l'aimais bien !

 

Les sunlights sont braqués sur l'hydravion que la grue enlève.

Sur le rivage, les ventilateurs se mettent en marche.

La brise emporte la fumée jaunâtre.

Tout n'est plus qu'ombre et lumière.

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Les aviateurs de la base contemplent la scène.

Derrière son appareil de prise de vues, Louis l'opérateur, travaille avec un soin méticuleux.

 

— C'est un as, disent les aviateurs, nous l'avons vu en avion faire preuve, hier, d'une belle audace pour tirer un bout de bande.

 

Le spectacle offert à ce moment est réellement beau.

Au loin, on voit la Belle Poule et l'Étoile, dont les coques blanches se détachent sur la mer.

 

Plusieurs fois la scène est répétée.

Les heures passent et bientôt la pointe du jour approche.

 

En une longue file, les voitures quittent enfin La Ninon.

Les feux s'éteignent, la rade s'endort.

Tout n'est plus que silence.

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