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1937

Une découverte à Lanhouarneau
par Charles Léger

 

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Source : La Dépêche de Brest 8 septembre 1937

 

Sait-on jamais sur quoi le soc d'une charrue passe en traçant son sillon !

Un jour, en labourant, M. Paul Porhel vit s'effondrer quelques mètres carrés de son champ de Parc-ar-Rheun, en Lanhouarneau.

Une cavité profonde de plus d'un mètre était apparue sous le sol éboulé.

Elle était creusée en voûte dans une sorte de sable de mine et semblait se prolonger assez loin.

On n'osa guère s'y engager.

 

La nouvelle se répandit rapidement.

On venait, disait-on, de mettre à jour un souterrain.

 

Les découvertes de ce genre ne sont pas rares dans le pays.

Déjà, dans le même champ, où l'on exploitait pour les besoins vicinaux de la commune une carrière de silex, on avait éventré quatre chambres souterraines contenant des poteries et des cendres.

 

Des poteries et des cendres, cela demeurait sans valeur pour tout le voisinage et l'on n'en fit malheureusement pas état.

On songeait à des choses qui paraissaient plus dignes d'intérêt et facilement monnayables.

 

Le souvenir de certaines fouilles pratiquées fiévreusement, il y a plusieurs siècles, s'était transmis avec les convoitises qui s'y attachaient.

Dans leur notice sur la paroisse, MM. les chanoines Peyron et Abgrall en font état.

 

En 1673, disent-ils, une affaire curieuse de sorcellerie se tramait à Lanhouarneau.

Claude Gaonnach, sieur de Kesengar, demeurant au Vouen, en Plounévez-Lochrist, déclarait devant la justice de Lesneven, « qu'il y avait environ quatre ans, une quantité de croix furent abattues dans la paroisse de Lanhouarneau et les paroisses voisines, et que le bruit était qu'il y avait quelques personnes qui se mêlant de magie, abattaient les croix en fouillant dessous pour y chercher des trésors ».

 

Il ajoutait que, vers ce temps, l'on devait opérer des fouilles au village de Kersengar, en Lanhouarneau, et qu'à la tête de l'expédition se trouvait Robert Godefroy, père du recteur, avec un homme dont on ignore le nom, mais qui était un sorcier. »

 

Claude Gaonnach avait vu, vers onze heures du soir, une cinquantaine de personnes réunies sur l'aire de Godefroy « où on avait foui et percé sous terre, pour entrer dans le parc voisin, de la profondeur de plus de vingt coudées ».

Muni d'une chandelle il entra dans la galerie et constata qu'elle donnait sur l'embouchure d'un ancien puits.

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Un autre témoin, François Vallet, déclarait qu'il avait été mis en présence, chez Godefroy, d'un magicien qui conduisit une cinquantaine de personnes à Kesengar.

Là, cet homme fit allumer une chandelle, « tira un grand livre dessous son justaucorps, puis, ayant fait un grand cercle à l'endroit où il voulait percer et trois à l'entour, au côté gauche, il commença à appeler les diables en termes bretons ».

Il dit hautement que la cache et le trésor étaient découverts, qu'on y aurait trouvé deux barriques d'argent et un baril d'or, ce qui fit qu'on commença encore à fouir.

 

Enfin le sorcier finit par déclarer les recherches inutiles car elles s'effectuaient sur un fonds de terre que Godefroy avait donné à son fils pour son ordination.

 

Espérant que son fils allait céder ses droits sur la ferme, Godefroy ordonna à son fils, le recteur, de venir sur les lieux.

Il y vint avec surplis, étole, bonnet carré, livre d'une main et bénitier de l'autre et commença les exorcismes près du puits.

De l'autre côté, le sorcier tenait aussi son livre et prononçait ses formules magiques.

Mais bientôt, celui-ci finit par dire que le trésor avait été emporté et ne reviendrait plus que dans sept ans, d'autant qu'il y avait quelqu'un dans le trou qui avait parlé de Dieu. »

 

L'affaire fut abandonnée.

Comme bien l'on pense on n'en continua pas moins d'en parler pendant longtemps.

 

À Pare-ar-Rheun, M. Porhel voyant chaque jour venir de trop nombreuses personnes au milieu de son champ pour contempler l'entrée du « souterrain », combla le tout.

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M. Yves Bohic, marchand de cycles à Lanhouarneau, s'était intéressé à la découverte qu'avait faite M. Porhel.

Ce n'était pas chose nouvelle pour lui qui avait déjà pratiqué des fouilles dans un champ de Guimiliau, à Goas Ven, chez, les consorts Quéau.

Il avait là mis à jour deux chambres souterraines contenant des cendres.

 

Il regrettait qu'on n'eut pas, chez M. Porhel, mieux exploré la cavité découverte il y a sept ans.

La moisson étant faite, il engagea le propriétaire et ses amis à entreprendre des recherches au même lieu.

 

Les travaux commençaient tout récemment.

Ils ne furent pas de longue durée.

Sous une couche de terre d'une cinquantaine de centimètres d'épaisseur, la cavité reparut.

Voûtée, profonde, elle se poursuivait en galerie circulaire.

 

On n'osa guère s'y engager.

L'examen des déblais révéla la présence de fragments de poterie que la pioche des chercheurs n'avait malheureusement pas respectée ainsi qu'une assez grande quantité de cendres et des pierres qui paraissaient avoir éprouvé l'action du feu.

 

Dans le pays les histoires de trésor reprirent cours.

On parla d'un souterrain partant de ce plateau pour gagner l’église située à quelques centaines de mètres.

 

Mais nul ne songeait à explorer une pareille voie.

Ne dit-on pas que dans la commune, au manoir de Coatmerret, qui fut jadis une importante seigneurie avec haute justice, existe un souterrain sous voûte de pierres qu'on ne peut suivre sans danger.

On en a bien tenté l'exploration mais les lumières s'y éteignent tant l'air y est vicié.

 

En cette région, les tumulus sont choses assez communes et on y a trouvé de très belles pièces, telles des flèches de silex taillé, actuellement exposées au musée de Penmarc'h.

 

— Mais pour entendre parler de toutes ces choses, nous dit-on, voyez notre doyen, malgré son grand âge, il a conservé une parfaite lucidité d'esprit.

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