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1905

Incident à l'école communale
de Kerlouan

 

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Source : La Dépêche de Brest 29 mars 1905

 

Un déplorable incident s'est produit la semaine dernière à Kerlouan, commune de 2.700 habitants du canton de Lesneven, située à quatre kilomètres de Plounéour-Trez, sur la côte dite des naufrageurs.

 

Voici les faits, tels que nous avons pu les contrôler sur les lieux :

Au bourg même de Kerlouan se trouve l'école communale, composée de trois classes et dirigée par M. Nédélec, qui habite, avec sa famille, une partie de la maison.

Le directeur est aidé dans sa tâche par deux instituteurs adjoints, MM. Simon et Le Bousse.

Dans l'après-midi du dimanche 19 courant, les deux adjoints se trouvaient en compagnie d’un clerc de notaire de Lesneven.

Tous trois se dirigèrent vers l'école et entrèrent dans une classe.

Ils crurent devoir décrocher le crucifix appendu au mur, le jetèrent à terre et le piétinèrent, le brisant en plusieurs morceaux, puis ils sortirent tranquillement de l'école.

 

Mme Nédélec, femme du directeur, ayant entendu du bruit dans la salle de classe, prévint son mari, qui alla se rendre compte de ce qui s'était passé.

Le débris du crucifix gisaient, épars, sous les tables de la classe.

Le directeur sortit, rejoignit ses collaborateurs et leur présenta quelques observations.

À peine avait-il ouvert la bouche, que Le Bousse lui donna un vigoureux soufflet.

 

M. Nédélec prévint le garde champêtre et le maire, M. Uguen, des faits qui venaient de se passer.

Le maire demanda aux instituteurs adjoints ce qui les avait déterminés à agir ainsi, mais ces derniers nièrent les faits qui leur étaient reprochés.

 

Le garde champêtre dressa procès-verbal à chacun des trois iconoclastes.

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Ce n'est que le lendemain que les habitants curent connaissance des faits qui s'étaient passés la veille ;

il s'ensuivit une grosse émotion.

Le lundi matin, les élèves se présentèrent à l'école à l'heure habituelle, mais regagnèrent leur domicile quand ils apprirent ce qui s'était passé.

Seuls, les élèves fréquentant la classe du directeur restèrent.

Les élèves des deux adjoints, retournant chez eux, racontèrent les faits à leurs parents.

Ces derniers, en signe de protestation, appliquèrent un christ sur la poitrine de leurs enfants et allèrent avec eux manifester devant le domicile des instituteurs adjoints.

 

Depuis lors, des rassemblements continuels se produisent devant l'habitation des deux adjoints.

 

L'évêque de Quimper a ordonné de procéder à une cérémonie de réparation, qui a eu lieu dimanche dernier.

Plusieurs milliers de personnes s'étaient rendues à Kerlouan pour participer à cette manifestation.

La procession était favorisée par un beau temps.

Les fragments du christ avaient été placés sur un coussin de velours et portés par quatre notables du pays.

Les autorités de Kerlouan et de plusieurs autres communes étaient en tête du cortège.

En face du cimetière, M. Soubigou, conseiller général, a prononcé une allocution en breton.

Il a déclaré que de pareils actes étaient d'autant plus regrettables qu'ils étaient le fait d'hommes chargés de l'instruction et de l'éducation des enfants.

 

Montrant le cimetière, tout proche, le conseiller général du canton de Lesneven s'est écrié « que si les vieux qui dorment là se réveillaient, ils seraient terrifiés de l'acte commis par des hommes appelés à façonner le cerveau des enfants. »

Ce discours a prononcé une profonde impression. (sic)

Bon nombre de femmes et de paysans pleuraient.

Pendant toute la durée de la procession, aucun incident ne s'est produit.

 

Depuis que ces faits se sont passés, les élèves ne vont plus à l'école.

Il en sera ainsi jusqu'à ce qu'il soit pourvu au remplacement des deux instituteurs adjoints.

Ces derniers ne peuvent plus se montrer sans être menacés et insultés.

Il en est de même à Lesneven, où ils venaient fréquemment.

 

La gendarmerie de Lesneven est partie hier sur les lieux pour procéder à une minutieuse enquête.

D'autre part, nous croyons savoir que M. l'inspecteur d'académie s'est également rendu à Kerlouan pour faire une enquête personnelle.

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Source : La Dépêche de Brest 30 mars 1905

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Une autre affaire - Instituteur blessé.jpg

 

Source : La Dépêche de Brest 31 mars 1905

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Nos lecteurs ont vu, d'après les renseignements complémentaires que nous avons publiés hier, que la presque totalité des rectifications de M. Le Berre tombent à néant.

 

D'autre part, le Journal des Débats publie la lettre suivante, que lui a adressée M. le docteur Odeyé :

 

Lesneven, le 23 mars.

Monsieur le directeur,

J'ai recours à la bonne obligeance de votre journal pour donner la plus grande publicité possible au fait odieux qui vient de se passer dans la petite commune de Kerlouan, du canton de Lesneven.

 

Kerlouan possède deux instituteurs adjoints, qui ont la plus grande admiration pour l'ex-prêtre Charbonnel.

En disciples zélés, ils font de l'action directe et tiennent les théories les plus insensées à des bambins de sept à dix ans.

Naturellement, devant les diverses manifestations du culte, ils se montrent d'un cynisme dernier cri.

 

Dans ce pays de gens calmes, craignant les affaires avec l'administration, on les subissait-jusqu'ici sans oser se plaindre, mais leur dernier exploit a fait déborder la coupe.

Le voici, sans fleurs de rhétorique, qui seraient déplacées en un tel sujet :

 

Dimanche 19 mars, en rentrant chez lui, vers six heures du soir, le directeur d'école constatait un grand désordre dans les classes.

Les christs étaient brisés en mille morceaux.

On les avait broyés avec les pieds.

Il savait que les adjoints et quelques amis de même mentalité y avaient été, et, connaissant les sentiments de ces messieurs, il ne pouvait se tromper sur les auteurs d'un pareil scandale.

Rencontrant peu après l'un de ces adjoints, il allait lui poser des questions, quand, sans plus attendre, ce disciple de M. Charbonnel (*) lui appliqua une maîtresse gifle.

(*) Charbonnel sur Wikipedia - Cliquez ici

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Dans ces conditions, le devoir du maître était d'avertir les autorités.

Le maire et le garde champêtre, sitôt prévenus, vinrent constater les dégâts et commencèrent leur enquête.

En interrogeant l'adjoint batailleur, ils constatèrent qu'il était ivre :

Première contravention.

Ils lui en firent une deuxième pour insultes et coups au directeur, et une troisième pour bris de mobilier communal.

L'autre adjoint est aussi inculpé :

Procès-verbal lui a également été dressé pour bris de mobilier.

Et de ces procès-verbaux, après huit jours, on n'en entend plus parler.

Ils dorment, sans doute, dans quelque carton ; peut-être même songe-t-on à les classer.

Ce serait une grosse faute de la part de l'administration, car les protestations seront nombreuses et continueront jusqu'à satisfaction.

 

Les parents ont retiré les enfants qui suivaient la classe des adjoints, et tous les enfants portent, depuis le 19, un petit christ sur leur poitrine.

 

En attendant, une cérémonie expiatoire a eu lieu le 20, à laquelle toute cette population foncièrement chrétienne, a tenu à s'associer.

 

Les débris du christ étaient à la mairie ; on alla les y chercher et le maire les posa sur un coussin violet.

Quatre pères de famille, parmi les plus dignes, le portèrent ainsi à travers tout le bourg.

À toutes les fenêtres était un christ entre deux flambeaux.

En passant devant l'école, on chanta le Parce Domine.

 

Dr ODEYÉ.

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Instituteur attaqué

 

Saint-Égarec, 30 mars.

 

Dans notre numéro d'hier, nous avons raconté sommairement l'attaque dont a été victime M. Gromaire, instituteur à Saint-Égarec.

 

Voici de nouveaux détails sur cette affaire, qui reste, malgré tout, entourée d'un certain mystère.

 

Le 27 courant, vers midi et demi, M. Gromaire quittait son domicile, à Saint-Égarec, pour se rendre à Guissény, où il passa l'après-midi en compagnie de MM. Calvet et Joseph Grignou.

À sept heures, il quitta Guissény pour se rendre à Kerlouan, où il arriva une heure plus tard, avec les fils Théréné, qu'il avait rejoints en cours de route.

Ces derniers quittèrent M. Gromaire à environ cent mètres du bourg de Kerlouan.

Dans le parcours qui lui restait à franchir seul, il rencontra deux individus de Guissény qui lui étaient inconnus et qui l'arrêtèrent en le priant de leur indiquer la maison Cavarec.

L'instituteur, accédant à leur demande, leur dit de le suivre, qu'il allait leur indiquer la maison qu'ils cherchaient.

Ils croisèrent un groupe de six hommes qui, d'après la déclaration faite à la gendarmerie par M. Gromaire, parlaient en breton et semblaient le menacer.

 

Quand les deux hommes de Guissény eurent pénétré dans la maison Cavarec, l'instituteur se rendit seul chez M. Le Bousse, instituteur adjoint à Kerlouan, mêlé, comme l'on sait, aux incidents que nous avons relatés.

M. Gromaire demanda à son collègue le résultat de la manifestation qui avait dû avoir contre lui et contre son camarade, puis, après avoir causé un instant, ils allèrent prendre une consommation.

L'instituteur de Saint-Égarec dit à M. Le Bousse qu'il allait regagner son domicile et le pria de l'accompagner quelques instants.

M. Le Bousse refusa, déclarant qu'à la suite des derniers incidents de l'école, il était surveillé ; il craignait, à la faveur de la nuit, d'être attaqué par des paysans.

M. Gromaire sortit seul.

En traversant la place, il s'arrêta un instant chez M. Grignou, aubergiste, pour prendre un verre de cidre.

Cinq minutes après, il se dirigea vers Saint-Égarec.

Il était à ce moment 8 h. 1/2 du soir.

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Arrivé à 1.500 mètres environ du bourg de Kerlouan, au village de Tréas, entre Languerch et Kerbiguet, il croisa deux hommes qui lui dirent en breton :

« Vous êtes bien en retard pour aller à la maison ! »

M. Gromaire répondit :

« Il n'est pas, en effet, trop-tôt ! »

À peine eut-il prononcé ces mots, qu'une détonation retentit.

Atteint, au nez, il tomba la face contre terre.

M. Gromaire se releva et constata que le sang coulait abondamment de sa blessure.

 

Il vit ses deux agresseurs s'enfuir à toutes jambes du côté de Kerlouan ;

mais, la nuit étant obscure, il ne put les reconnaître.

Il remarqua, toutefois, que l'un était grand et l'autre de petite taille.

M. Gromaire continua son chemin et raconta à Mlle Roseau, institutrice, l'attentat dont il venait d'être victime.

Cette dernière s'offrit pour le panser, mais le blessé partit aussitôt, disant que sa femme se chargerait de ce soin.

 

Le docteur Kermarec, de Kerlouan, a été mandé le lendemain près du blessé.

La blessure ne présente aucun caractère de gravité.

M. Gromaire attribue cet attentat à l'état de surexcitation des habitants du pays envers les instituteurs.

 

Nous avons dit plus haut que M. Gromaire avait indiqué à deux hommes qu'il avait rencontrés la maison Cavarec, où ils disaient se rendre, et qu'ils avaient fait route avec lui pendant un moment.

Or, M. Gradel, instituteur à Guissény, a rapporté à l'instituteur de Saint-Égarec que l'un de ces deux hommes lui a rapporté que lorsqu'ils croisèrent le groupe de six individus à l'entrée du bourg de Kerlouan, un des six hommes dit à ses compagnons, en parlant de M. Gromaire :

— Il a de la chance d'être accompagné, sans quoi il aurait été lapidé.

 

Cette déclaration, si elle est reconnue exacte, prend une grosse importance, car elle impliquerait une préméditation.

Les gendarmes ont interrogé plusieurs cultivateurs habitant les environs du lieu de l'agression.

Seul, un cultivateur, Guillaume Abautret, 54 ans, de Kerbiquet, qui, au moment de l'attentat, n'était pas couché, a entendu un coup de feu.

Pensant que c'était un braconnier, il ne sortit pas de chez lui et n'apprit l'attaque dont M. Gromaire fut victime que le lendemain.

 

La gendarmerie continue son enquête.

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Source : La Dépêche de Brest 3 avril 1905

 

Nous recevons la lettre suivante :

 

Kerlouan, le 31 mars. Monsieur le rédacteur en chef,

J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien insérer dans votre plus prochain numéro le démenti suivant :

« Jeudi 30 courant, à propos des incidents à l'école communale de Kerlouan, j'ai remarqué que la version de M. Simon, instituteur adjoint au bourg de cette commune, était fausse en tous points, surtout en ce qui me concerne.

 

« Ce citoyen prétend que j'ai déchiré son registre d'appel.

« Là-dessus, je lui répondrai que le lundi 20 mars courant, étant appelé par le garde champêtre à me rendre compte du bris de crucifix, dans la troisième classe, je m'y suis rendu en compagnie d'honnêtes gens, et que je ne me suis jamais permis de me salir les mains à fouiller dans les paperasses du citoyen Simon.

 

« Ce dernier m'accuse également de m'être mêlé aux manifestants pour proférer des menaces de mort et pour lui jeter des pierres et de la boue, ce qui est aussi faux que tout le reste, car je ne me suis arrêté nulle part sur la voie publique que pour l'interroger, et, sur ce point encore, malgré sa grande intelligence d'émancipateur du genre humain, il n'a pas su dissimuler sa culpabilité.

 

« II me répondit :

« Ce n'est pas moi qui ai brisé le crucifix, mais c'est un copain, etc. »

« Cette réponse est assez claire pour faire comprendre à tout le monde qu'il est coupable.

« À mon arrivée à l'école, les deux dernières classes étaient désertes et les enfants se trouvaient sur la route avec leurs livres et cahiers sous le bras.

 

« Lorsque le citoyen Simon dit que les personnes présentes près de l'école étaient au nombre de 200 il ne s’est pas trompé de beaucoup, seulement sur les 200 il y avait 180 élèves de cette école qui étaient prêts à s'en aller ; les vingt attirés étaient des femmes qui le traitaient de « Saïc an Amann », massacreur du Christ.

 

« Si ces femmes avaient été armées de bâtons et de battoirs, comme il le prétend, mon pauvre citoyen Simon ne serait pas resté une demi-heure à se promener sur la route, il aurait déguerpi au plus vite.

 

« Veuillez agréer, etc.

 

« G. Abiven,

« Adjoint au maire de Kerlouan. »

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De leur côté, les deux instituteurs en cause nous adressent la lettre suivante, dont nous leur laissons, bien entendu, toute la responsabilité :

 

Kerlouan, le 1er avril 1905.

Les instituteurs adjoints de Kerlouan, à M. le rédacteur en chef de la Dépêche de Brest,

 

Monsieur le rédacteur en chef,

 

Les diverses versions publiées jusqu'à ce jour par la Dépêche au sujet des incidents regrettables de Kerlouan étant erronées, sauf celle de M. Le Berre, nous vous prions d'insérer cette lettre, qui permettra de faire un peu plus de lumière sur les faits qui nous sont attribués.

Le dimanche 19 mars, nous revenions de Guissény, accompagnés de M. Le B... et de M. P..., instituteur.

M. P... ayant témoigné le désir de visiter nos classes, nous nous y sommes rendus ensemble et y avons séjourné environ dix minutes.

Nous n'avons chanté ni la Carmagnole ni l’Internationale ; par conséquent, nous démontons formellement ces allégations de Mlle Nédélec.

 

Après dîner, nous avons dansé à notre pension, ce qui a eu pour effet de provoquer devant notre maison un attroupement, au milieu duquel l'attitude agressive de M. Nédélec, directeur de l'école, était très remarquée.

 

La danse, en effet, est une distraction formellement interdite par le clergé, maître absolu à Kerlouan.

Ce n'était cependant pas une raison suffisante pour que M. Nédélec vint en ce lieu nous exprimer son mécontentement.

 

À peine étions-nous sortis pour reconduire nos amis, qui se disposaient à nous quitter, que Le Bousse fut pris au collet par le directeur de l'école, qui lui adressa certains reproches bien déplacés en ce moment.

Bientôt entouré de gens dont l'attitude hostile à notre égard ne faisait pas de doute, il fut contraint, pour se dégager et échapper ainsi aux violences qui n'auraient pas manqué d'être exercées sur lui, de bousculer ceux qui voulaient l'empêcher de circuler.

 

Il put ainsi regagner son domicile.

 

Le lendemain matin, en entrant en classe, vers 7 h. 45, Simon remarqua quelques fragments de plâtre, débris du christ, qui gisaient encore à terre.

Il devait en informer le directeur, mais celui-ci ne fit que paraître à huit heures, pour donner le signal de la rentrée, et disparut aussitôt.

 

À 9 h. 30, heure de la récréation, eut lieu la manifestation que l'on sait, et au cours de laquelle des pierres et de la boue nous furent lancées.

Sur ces entrefaites arriva l'adjoint au maire, M. Abiven, le garde champêtre et le secrétaire de la mairie.

Ces messieurs, accompagnés de M. Nédélec, pénétrèrent dans les classes, et c'est à ce moment que nos registres furent déchirés.

À leur sortie, au lieu d'apaiser la foule qui menaçait de nous l'aire un mauvais parti, ils semblaient prendre plaisir, au contraire, à l'exciter contra nous.

Simon, interpellé alors par le secrétaire de mairie (?) prononça, pour calmer la fureur des gens qui nous entouraient, les propos rapportés par M. Abiven et que vous avez déjà mentionnés, propos qu'il savait évidemment faux.

 

Mais aujourd'hui que nous avons notre liberté d'allure, nous affirmons sur l'honneur que nous sommes, ainsi que nos amis, absolument étrangers à cet acte que, d'ailleurs, nous réprouvons.

 

Dès le lendemain, onze de nos élèves nous revenaient, et les autres auraient sans doute suivi leur exemple si quelqu'un —que nous ne voulons pas nommer ici — ne les eût engagés à reprendre le chemin de la maison, en leur disant qu'il n'y avait pas de classe pour eux.

 

Pour vous montrer la valeur des procès-verbaux et la mauvaise foi de ceux qui ont verbalisé contre nous, nous no vous en citerons qu'un qui a été dressé à Kerlouan, à quatre heures de l'après-midi, alors qu'à ce moment nous nous trouvions à Guissény, en compagnie de nombreux collègues.

 

On chuchote tout bas qu'un de nos vicaires serait allé il y a quelque temps trouver quatre ou cinq personnes pour leur proposer d'écharper les instituteurs-adjoints quand ils passeraient, le soir, sur les routes.

Ces propos sont-ils exacts ?

Est-ce encore vrai que ces hommes auraient refusé et que l'un d'eux soit allé faire du bruit au presbytère à ce sujet ?

 

Ne serait-ce pas là la véritable genèse de la machination abominable montée contre nous ?

 

Les instituteurs-adjoints,

LE BOUSSE, SIMON.

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Source : La Dépêche de Brest 14 avril 1905

 

Nous avons raconté, en temps et lieu, les incidents qui se sont produits dans la commune de Kerlouan.

Le crucifix d'une des classes de l'école de Kerlouan, dirigée par M. Nédélec, avait été décroché, jeté à terre et piétiné.

Une cérémonie de réparation avait eu lieu à la suite de ces faits.

 

L'enquête ouverte par la gendarmerie n'a pu faire découvrir le ou les auteurs du bris du crucifix.

 

On sait que les habitants de cette commune ont fait de bruyantes manifestations contre les deux instituteurs adjoints de l'école qui, d'après eux, seraient les coupables.

Quelques jours après ces événements, le 27 mars, M. Gromaire, instituteur à Saint-Égarec, regagnait son domicile, vers huit heures du soir, revenant de Kerlouan, lorsqu'il essuya un coup de feu et fut atteint au nez.

Le blessé continua sa route et rentra chez Mlle Louise Roseau, institutrice à Saint-Égarec, lui racontant l'agression dont il venait d'être victime.

 

Là encore, la gendarmerie, malgré une enquête très sérieuse, ne put découvrir l'auteur de cette attaque nocturne.

Depuis cette attaque, M. l'inspecteur d'académie s'est rendu à Kerlouan et a entendu les instituteurs de Kerlouan, ainsi que le directeur de l'école.

M. Gromaire, l'instituteur blessé, et Mlle Roseau, venus à Brest hier, ont été entendus par M. Fenoux, juge d'instruction, assisté de M. Laurent, greffier.

M. Gromaire et Mlle Roseau ont confirmé devant ce magistrat les déclarations faites à la gendarmerie et ont donné de nouveaux détails.

La blessure de M. Gromaire a été visitée, en présence de M. Fenoux, par M. le docteur Rousseau, médecin légiste adjoint.

 

L'instituteur a bien été atteint par une balle de revolver.

 

M. Gromaire attribue l'attaque dont il fut l'objet aux relations qu'il entretenait avec les instituteurs de Kerlouan, qui, au moment de l'agression, étaient très mal vus de la population, à cause du bris du crucifix.

 

On affirme que l'on est sur la trace du ou des coupables.

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Nous recevons la lettre suivante, que notre impartialité nous fait un devoir d'insérer :

 

Kerlouan, 11 avril 1905.

Monsieur le rédacteur en chef,

Usant de mon droit de réponse, je vous prie d'insérer la lettre suivante dans votre plus prochain numéro.

Veuillez agréer, etc.

 

M. le docteur Odeyé, dans le but, sans doute, de se faire connaître et d'agrandir ainsi sa clientèle, adresse aux lecteurs de la Dépêche une lettre me concernant.

C'est vraiment dommage qu’il n'ait pas cru devoir parsemer sa nouvelle épure des « fleurs de rhétorique » dont il nous donnait précédemment un avant-goût, sinon elle eut été parfaite.

Mais il préfère « aller droit aux faits ».

Imitons-le.

 

M. Odeyé a fait rectifier quelques petites erreurs de sa lettre aux Débats, mais ses principales accusations demeurent, et il omet ou de les démentir ou d'apporter des preuves à l’appui de ses allégations.

 

Il affirme l'existence de procès-verbaux que je n'ai jamais songé à nier, mais il se garde bien ne nous donner l'opinion qu'il a de leur valeur.

Que dirait M. le docteur Odeyé si le garde champêtre s'avisait de verbaliser contre lui à Lesneven, alors qu'il se promène... au Folgoët, par exemple ?

C'est, cependant, ce qui s’est produit pour moi, et il le sait bien.

 

Vous dites, monsieur, que vos relations ne viennent pas jusqu'à moi !

Il n'y a aucun danger, en effet, cher docteur, que la moindre relation existe jamais entre nous, car si le hasard voulait que je rencontre quelque jour sur mon chemin, un ... (ici nous supprimons quelques mots qui nous paraissent injurieux), je lui tournerais tout simplement le dos, fût-il maire de la ville de Lesneven.

 

Je n'ai jamais affirmé que les vicaires de Kerlouan avaient armé la main des assassins de M. Gromaire.

Mais ils se sont bien gardés de réprouver et de blâmer en chaire cet acte au plus haut point blâmable et répréhensible, cependant.

Bah ! C'est un instituteur laïque, et pour ceux-ci la charité chrétienne ne saurait s'émouvoir.

Vous-même qui en causez, monsieur le docteur, vous le représentant de la conscience cléricale, avez-vous eu un mot de réprobation pour cette tentative d'assassinat ?

 

Vous n'avez pas, dites-vous, à recevoir mes leçons ?

Je n'ai jamais songé à vous on donner.

Permettez-moi pourtant, aujourd'hui, un petit conseil :

Cessez au plus tôt, monsieur, ce rôle d'accusateur qui vous sied si mal, car vous êtes moins qualifié que tout autre pour vous ériger en « vengeur de la conscience publique » ;

occupez-vous plutôt de vos malades :

Pour les guérir point ne sera besoin de « fleurs de rhétorique », dont votre style ne saurait s'accommoder.

 

LE BOUSSE.

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Source : La Dépêche de Brest 22 avril 1905

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