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1907

Brest a soif !

 

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Source : La Dépêche de Brest 31 mars 1907

 

On nous écrit :

 

« Je suis socialiste sincère et convaincu, et pourtant il m'arrive parfois de regretter le temps où Brest était dirigé par une municipalité bourgeoise, lorsque je constate les actes odieux que commet — je ne sais au nom de quels principes — la horde braillarde qui détient momentanément l'assiette au beurre de notre bonne ville de Brest.

 

« Et si je m'adresse à la Dépêche pour jeter à l'édilité brestoise un cri d'alarme au nom de la santé publique, c'est parce que j'estime qu'au-dessus des querelles de politique de clocher toutes les volontés doivent s'unir lorsqu'il s'agit d'améliorer un état de choses préjudiciable à l'intérêt vital d'un pays.

 

« C'est au nom du droit fondamental qu'a la société de vivre que je tiens à demander à la municipalité pourquoi, depuis huit jours, on manque presque tout le temps d'eau à Brest et surtout dans le quartier populeux de l'Annexion ?

 

« Cela est tellement antisocial, antihygiénique, qu'on reste rêveur devant l'incurie ou l'insouciance de ces gens qui rêvent le bonheur du peuple !

 

« Il serait préférable, à mon avis, de réduire un peu les inutiles dépenses théâtrales, de payer moins de stériles voyages aux créatures de la municipalité, et, quant à moi, si j'étais maire de Brest, je renoncerais volontiers à mon lucratif fromage pour, avec mes économies réalisées sur le budget communal, acheter des sources, arroser et balayer les rues, faire d'utiles travaux.

Je m'efforcerais de donner ainsi à ceux qui m'ont élu le bien-être intime, avant-goût du bonheur que réserve la société socialiste future, et les attacherais ainsi à l'Idée.

 

« Avez-vous songé, édiles insouciants, aux terribles conséquences de votre impéritie à l'égard de l'eau !

N'est-il donc personne, parmi vous, pour vous dire que vous transformez une ville de 85.000 âmes en un immense foyer d'infection, où les microbes de toutes espèces évoluent librement !

Avez-vous songé à ce que serait une épidémie dans le manque d'eau où vous nous laissez ?

 

« Si encore, agissant ainsi, ô suaves détenteurs du Pactole Municipal, vous faisiez mourir de soif ou de crasse les seuls bourgeois ou les galonnards objets de votre haine, à la rigueur vous pourriez vous en féliciter et vous dire que vous détruisez ainsi l'hydre de la bourgeoisie, le sabre ou le goupillon !...

 

« Mais pas du tout ! Ce n'est pas le bourgeois que vous lésez, car il est riche et, s'il a soif, à Brest, il va ailleurs où il sait trouver de l'eau.

Vos victimes, ce sont les pauvres, les travailleurs — dont je suis —, nos femmes, nos enfants.

C'est nous que vous torturez, nous qui avons encore le préjugé de nous débarbouiller tous les jours et de mêler d'eau notre boisson.

 

« Avez-vous aussi songé à l'incendie possible à l'heure où il n'y a pas d'eau ?

 

« Tuez les pompiers si vous voulez, mais laissez-nous tout de même un peu d'eau !

 

« Car, prenez garde, messieurs de l'hôtel de ville, vous semblez avoir à cœur de nous prouver — à nous vos électeurs — que vous n'êtes que des arrivistes, et nous des imbéciles.

Et cela pourrait vous nuire lorsque nous retournerons aux urnes.

 

« Je ne puis m'empêcher de comparer le conseil municipal brestois au concile de Byzance, philosophant à l'heure où l'ennemi était aux portes de la ville.

 

« Édiles brestois ! Le feu est à vos portes...

 

« Monsieur le maire, j'ai soif ! Un peu d'eau, s. v, p.

 

« TANTALE. »

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