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1908

Le réveil de Brest
par Louis Coudurier

 

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Source : La Dépêche de Brest 20 septembre 1908

 

Les fêtes qui se déroulent depuis quelques jours dans notre cité et qui se termineront bientôt, marquent un réveil heureux de la vie brestoise.

Durant les quatre années de misères, de ruines, de débâcles de toutes sortes, que Brest vient de traverser en faisant, pour son compte, la dure expérience du régime socialiste, collectiviste, révolutionnaire et anarchique, les réjouissances publiques furent impossibles.

Même les réjouissances officielles, telles celles du 14 Juillet, instituées pour célébrer l'anniversaire du premier fait d'armes notable de la Révolution naissante, revêtaient un caractère macabre, une allure d'obsèques ;

on avait plutôt envie de pleurer que de rire.

La retraite aux flambeaux elle-même, manifestation musicale dont le peuple est pourtant très amateur, avait dû être supprimée, interdite par arrêté préfectoral, crainte de mauvais coups dans le tumulte nocturne, qui accompagne toujours ce genre de promenade au tambour.

Peut-être l'administration préfectorale redoutait-elle de voir les pièces d'artifices accrochées aux chars se transmuer en bombes homicides et bourgeoisicides.

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Nous ne lui fîmes point un crime de cette prudence, au contraire ;

bien plus, toute « la population sage » approuva ces mesures préventives, qui la mettaient à l'abri des surprises désagréables.

Ce temps est déjà loin.

Dieu merci !

L'anarchie brestoise a été écrasée sous le pied solide du vaillant Delobeau, et, comme par enchantement, aussitôt l'ordre rétabli, la confiance renaît, les affaires reprennent :

L'essor nouveau est tel, dès le premier été, celui qui se termine en ces radieuses journées de septembre, que jamais l'affluence des étrangers, la multitude sans cesse renouvelée des touristes venus de partout, ne furent aussi considérables, aussi empressées.

Il ne s'agit point là d'un pur hasard, croyez-le bien.

Pendant quatre ans — de 1904 à 1908 — la ville de Brest avait été, pour ainsi dire, mise à l'index par le tourisme ;

les étrangers ne se souciaient nullement de prendre le contact avec des manifestants, des « militants », dont la distraction principale consistait à conspuer tout individu proprement habillé, à hurler des chants infects, à envahir les rues, à assiéger les hôtels et à lapider les devantures des cafés.

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Le jour où la nouvelle fut connue de la fin de cette honteuse et barbare agitation, la ville de Brest cessa d'être déclarée contaminée du choléra révolutionnaire ;

on décida, partout, de revenir chez nous.

Cet afflux des étrangers eut comme corollaire immédiat le réveil de l'activité locale.

Alors que dans toutes les contrées fréquentées par les touristes existent des syndicats d'initiative très actifs, très attentifs aux besoins des visiteurs, empressés à leur procurer tout le confortable possible et à rendre, par tous les moyens, leur séjour agréable, qu'avions-nous, à Brest ?

Rien.

Personne n'avait encore sérieusement songé à « faire quelque chose ».

C'est alors que l'idée vint à un petit groupe de nos concitoyens de former la Société d'initiative des fêtes brestoises.

La société trouva, dès le début, de nombreuses adhésions.

Il lui fallait un président actif, débrouillard.

Le sympathique M. Amiet était tout indiqué pour remplir utilement, brillamment ce rôle, qui exige non seulement une très grande activité, mais encore beaucoup de doigté, car il est nécessaire, ici, de compter avec les petites rivalités locales, les inimitiés personnelles ;

il importe, même lorsqu'on travaille pour l'intérêt d'une collectivité, pour le bien de tous, de prendre, néanmoins, toutes les précautions les plus délicates, si l'on veut éviter que les intéressés eux-mêmes ne se chamaillent entre eux, au risque de compromettre l'œuvre commune.

M. Amiet était the right man in the right place.

Il est juste qu'aujourd'hui, où les efforts de la société qu'il a fondée et qu'il préside avec tant de verdeur juvénile, sont couronnés d'un plein succès, des félicitations publiques lui soient adressées, dut sa modestie, bien connue, en souffrir cruellement !

Il est juste aussi de féliciter ses collaborateurs immédiats et, notamment, notre aimable confrère Delourmel, secrétaire de la société, qui n'a marchandé ni son temps, ni sa peine pour assurer le triomphe final auquel nous assistons aujourd'hui.

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Final n'est pas le mot que je devrais employer ici, car ces fêtes actuelles ne sont évidemment qu'un début ;

elles sont le commencement d'une série.

Le champ est vaste et sa terre est encore presque vierge ;

la semence que les pionniers de la première heure jettent en elle doit préparer, pour l'avenir, de nouvelles et abondantes moissons.

La variété est infinie, en ce pays si pittoresque et si peu connu encore, des programmes que l'on peut imaginer, afin d'attirer vers cette contrée la masse curieuse des touristes.

Nous avons la mer avec toutes ses séductions ;

nous avons des sites admirables, des campagnes qui ne ressemblant point à celles des autres régions.

Dans ces cadres si divers, si variés, que de tableaux séduisants peut mettre une main habile et chercheuse !

Quelques, jours ont suffi, cette fois, à la Société d'initiative des fêtes brestoises pour préparer presque

une « Grande semaine ».

La course des chevaux attelés, réelle innovation dans notre Bretagne, a mis en mouvement de nombreuses localités voisines, et qui, elles aussi, tireront un profit certain de l'entreprise brestoise.

L'attrait de la Fête celtique a eu son écho de l'autre côté de la Manche ;

nos amis les Anglais sont venus nombreux, leurs Compagnies de chemins de fer ont dû organiser des trains spéciaux pour assurer leur voyage.

Enfin, la Mutualité, par sa manifestation grandiose d'aujourd'hui, est venue compléter un ensemble de fêtes vraiment très réussi.

 

Pour son coup d'essai, la Société d'initiative débute par un coup de maîtrise.

Nous ne pouvons, en lui adressant les plus affectueuses félicitations, que l'engager à poursuivre vigoureusement son œuvre si bienfaisante et si méritoire.

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