1910
Protégeons l'enfance
Source : La Dépêche de Brest 23 juillet 1910
Jean C…, aujourd'hui âgé de 18 ans, ne fut pas entouré de bons conseils pendant sa jeunesse ; ses parents ne veillèrent pas sur lui avec une tendre sollicitude et le gamin, suivant de mauvais camarades, commit plusieurs peccadilles qui l'amenèrent devant le tribunal correctionnel.
Les juges, estimant qu'il était dangereux de rendre cet enfant à des parents qui ne s'en occupaient point, le firent enfermer dans une maison de correction, où les jeunes détenus tatouèrent sur son front un as de pique, signe distinctif porté par de nombreux apaches.
C..., en butte aux mauvais traitements de ses codétenus, s'évada de la colonie pénitentiaire de Belle-Île et revint à Brest, où il fut mêlé dans une affaire d'agression.
Le tribunal le condamna cette fois, par défaut, à un an et un jour de prison.
C..., qui affirme avec énergie qu'il est innocent, est opposant à ce jugement.
Me Kernëis, défenseur de ce jeune homme, prononce une plaidoirie des plus émouvantes, au cours, de laquelle il retrace l'enfance de son jeune client qui, mal guidé, a commis des petits délits, qu'il regrette certainement sincèrement aujourd'hui.
Il n'en veut pour preuve que la vie régulière et besogneuse qu'il a menée depuis son évasion de Belle-Île.
Toutes les personnes qui l'ont employé se montrent enchantées de son assiduité au travail, de sa conduite, de sa docilité et sollicitent, dans des lettres touchantes, l'indulgence des juges.
« La marque de honte qu'il portait au front, s'écrie Me Kernëis en soulevant les longs cheveux blonds de son client, on ne l'aperçoit presque plus.
C'est que ce jeune homme, messieurs qui veut à tout prix devenir un brave et honnête citoyen, a eu le courage de la faire disparaître à l'aide d'un fer rougi au feu. »
Les paroles éloquentes de Me Kernéis portent leurs fruits.
Les juges se laissent convaincre, ils confirment la peine précédemment prononcée contre C…, mais lui accordent la loi de pardon, sollicitée par son défenseur.