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1919 - 1938

Péripéties judiciaires
d'une propriétaire Brestoise

 

 

Source : La Dépêche de Brest 26 avril 1919

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Source : La Dépêche de Brest 3 octobre 1925

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22 novembre 1930 - Affaire de vidanges.jpg

 

Source : La Dépêche de Brest 22 novembre 1930

 

Jeannie Kernéis, 57 ans, domiciliée 2, rue Richelieu, est une singulière propriétaire.

 

Elle fait appel à un jugement du tribunal de simple police qui l'a condamnée, le 1er octobre, à 2 jours de prison et 10 francs d'amende pour défaut de vidanges.

 

Le 24 août dernier, ses locataires venaient se plaindre au commissariat de Saint-Martin des odeurs nauséabondes qui se dégageaient de la fosse d'aisance des immeubles portant les numéros 2 et 26 de la rue Richelieu.

 

La propriétaire de ces habitations exhibe devant le tribunal de nombreux reçus.

 

— Depuis dix-sept ans, dit-elle, les vidanges n'ont pas été faites au n° 2. (Rires).

Cette opération doit s'effectuer du côté de la rue Kerivin, mais le propriétaire de cet immeuble s'y oppose.

 

La vérité semble être tout autre, car Jeannie Kernéis, qui s'est vu déjà dresser maintes contraventions pour ce genre d'affaires, n'a nullement participé dans les dépenses.

Nous apprenons qu'au n° 26 le syndicat des vidanges n'a pas paru depuis 1926, et pour cause :

Jeannie Kernéis s'y oppose.

Cette affaire semble être quelque peu embrouillée.

 

À tout moment, la propriétaire brandit ses pièces à... conviction, rajuste ses lunettes, monte, descend les marches du prétoire.

Toutes ces gesticulations soulèvent de nombreux rires.

Mlle Kernéis, elle, est impassible devant ces hilarités.

 

La prévenue poursuit ses explications.

 

— L'immeuble du n° 2, que j'habite, est en très mauvais état.

On s'entend parler d'une maison à l'autre (sic).

 

M. Le Lièvre, commissaire de police du 3e arrondissement, vient dire au tribunal les nombreuses contraventions qu'il dut infliger à Jeannie Kernéis.

 

Le tribunal supprime la peine de prison et réduit l'amende à 5 francs.

 

Jeannie Kernéis quitte la salle d'audience, très fière du succès qu'elle a remporté.

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31 octobre 1935 - Audacieux escroc.jpg

 

Sources : La Dépêche de Brest 31 octobre 1935

 

Le service de la sûreté vient de mettre la main sur un individu qui ne manquait pas d'audace pour escroquer de l'argent.

C'est un nommé Georges Le Duc, 33 ans, habitant Quimper, 1, rue Aristide Briand.

 

Le Duc, sans emploi, était arrivé dans notre ville vers la mi-octobre.

Un jour qu'il prenait un café dans un grand magasin de la rue de Siam,

il lia conversation avec un voisin de table, M. Guillou, 26, rue Richelieu.

 

— Je suis avocat, lui dit Le Duc, ancien secrétaire de Me de Moro-Giafferri, je viens m’installer à Brest.

J'attends ma secrétaire, qui est demeurée à Paris, ainsi que mon mobilier de bureau.

 

Le soi-disant avocat était à la recherche de clients.

 

M. Guillou lui parla de Mlle Jeannie Kernéis, propriétaire 2, rue Richelieu, qui se trouvait en difficultés avec ses locataires.

 

— Présentez-moi. Son affaire m'intéresse.

 

Rendez-vous fut pris pour le lendemain.

 

Mlle Kernéis montra tous ses papiers et le prétendu avocat lui donna l'assurance qu'elle gagnerait son procès.

Le Duc se mit en relations avec l'agent d'affaires de la propriétaire, où on lui fit également confiance.

 

À quelques jours de là, Le Duc revint chez Mlle Kernéis pour la mettre au courant de ses premières démarches et celle-ci, ayant l'habitude des procès, lui proposa de lui verser une provision.

— Oui, si vous voulez, s'empressa aussitôt de répondre Le Duc, qui savait à qui il avait affaire.

Donnez-moi cinquante francs.

 

Mlle Kernéis lui en remit cent.

Depuis, elle recevait souvent la visite de son prétendu défenseur, qui, chaque fois, sollicitait des avances.

Les sommes ainsi perçues se montent à 900 francs.

 

Entre temps, en parcourant les papiers de Mlle Kernéis, Le Duc avait trouvé le nom d'un M. Calvet, réformé de la guerre, 2, rue Jean Jaurès, qui fut autrefois locataire de sa cliente et qui devait à celle-ci une somme de 23.000 francs.

 

Le Duc se rendit chez lui, lui fit de sérieuses remontrances, affirmant qu'il était possesseur d'un mandat d'arrêt du juge d'instruction le concernant et qu'il allait le faire arrêter immédiatement s'il ne se décidait pas à l'accompagner sur-le-champ chez Mlle Kernéis.

Là, toujours sous le coup de la menace, et comme M. Calvet déclarait ne pouvoir payer la somme dont il était redevable, il lui fit signer un papier reconnaissant qu'il devait à son ex-propriétaire non plus 23.000, mais 35.000 fr., soit une majoration de 12.000 francs.

Il lui fit également signer un autre papier disant qu'il avait, précédemment, fait un faux.

 

Le Duc comptait sans doute s'octroyer une partie de cette somme.

Malgré les pressions faites sur le réformé de la guerre et même une confrontation générale de tous les intéressés du différend Kernéis-Calvet, dans le cabinet de l'agent d'affaires de sa cliente, il dut y renoncer.

 

C'est alors que le faux avocat s'en fut trouver M. Tanguy, débitant, 2, rue Jean Jaurès, logeur de M. Calvet, à qui il venait d'apprendre que ce dernier devait une somme de 900 francs.

 

« Je me charge de vous faire rembourser immédiatement. »

Et il lui demanda une somme de 100 francs, indispensable, prétendit-il, pour faire les démarches nécessaires.

Mais le commerçant ne se laissa pas faire :

— Si vous réussissez à me faire payer, je vous autorise à prélever vos honoraires sur la somme que vous obtiendrez.

 

Le Duc n'insista pas.

Mise au courant de tous ces faits, la police ouvrit une enquête.

Le sous-brigadier Seité et l'agent Guyomard, du service de la sûreté, furent chargés de retrouver Le Duc qu'ils arrêtaient hier.

Interrogé par M. Mérot, commissaire de police du 1er arrondissement, il a fait des aveux, déclarant que, démuni de ressources, il s'était vu dans l'obligation de recourir à ces moyens peu scrupuleux pour vivre.

 

Georges Le Duc a été mis, dans la fin de l'après-midi, à la disposition du parquet et, après un premier interrogatoire de M. Bouriel, procureur de la République, M. de Lapeyre a été chargé d'instruire cette affaire qui fera peut-être découvrir de nouvelles dupes faites par le trop éloquent faux avocat, écroué au Bouguen.

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7 décembre 1935 - Tribunal.jpg

 

Source : La Dépêche de Brest 7 décembre 1935

 

Nous avons relaté l'arrestation de Georges Le Duc, 33 ans, originaire de Quimper, arrivé à Brest dans le courant du mois d'octobre et qui, dans notre ville, réussit à commettre de nombreuses dupes, en se faisant passer pour l'ancien secrétaire de l'un ses avocats les plus éminents du barreau de Paris, Me de Moro-Giafferri.

 

C'est sous ce titre que Le Duc, alors qu'il prenait une consommation dans un café de la rue de Siam, se présenta à M. Guillou, 26, rue Richelieu.

Le faux avocat de lui déclarer que venant s'installer à Brest, il était à la recherche de clients.

M. Guillou, tout simplement, lui désigna Mlle Jeannie Kernéis, propriétaire, 2, rue Richelieu, en difficulté avec ses locataires.

 

Le lendemain, Le Duc entrait en relations avec la propriétaire et se montrait très satisfait à la lecture des papiers qu'on lui présentait.

 

— Vous gagnerez votre procès, j'en suis persuadé, assura le trop habile escroc.

Ce dernier inspira également confiance à l'agent d'affaires de Mlle Kernéis.

 

Quelques jours plus tard, Le Duc venait mettre sa cliente au courant de la bonne marche de son affaire.

Il reçut pour la première fois un escompte de 100 francs.

Les visites du faux avocat se multipliaient et chaque fois, Mlle Kernéis lui versait de l'argent.

Les avances faites se montèrent à 900 francs.

 

Dans l'intervalle, Le Duc, en consultant les papiers de Mlle Kernéis, apprenait qu'un de ses anciens locataires, M. Calvet, réformé de guerre, lui devait une somme de 23.000 francs.

 

Sous la menace d'un mandat d'arrêt qu'il possédait, l'escroc amena M. Calvet chez sa première cliente en présence de laquelle, le réformé de guerre dut signer un papier où il déclarait reconnaître devoir à Mlle Kernéis, non plus 23.000, mais 35.000 francs.

Mais cette affaire n'alla pas plus loin.

Le Duc ne put rien retirer de ce différend.

 

Le faux avocat n'en continua pas moins, bien au contraire, de poursuivre ses investigations.

C'est ainsi qu'il se rendit chez M. Tanguy, débitant, 2, rue Jean Jaurès, où M. Calvet logeait.

Celui-ci était redevable au commerçant d'une somme de 900 francs.

Le Duc se fit fort, moyennant 100 francs, de faire rembourser à M. Tanguy ce qui lui était dû.

Mais le débitant n'approuva nullement la combinaison du visiteur.

Il ne l'autorisait à prélever ses honoraires qu'après avoir obtenu satisfaction.

Le Duc crut plus prudent de ne pas insister.

 

Comme bien l'on pense, les agissements de Le Duc n'avaient pas tardé à venir jusqu'aux oreilles de la police.

 

Après une rapide et discrète enquête, le sous-brigadier Séité et l'agent Guyomard, du service de la sûreté, mettaient la main sur l'audacieux escroc, qui dans l'après-midi du 30 octobre, prenait la direction de la prison du Bouguen, où Le Duc eut devant lui tout le temps pour méditer sur ses actes délictueux.

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LES DÉBATS

 

Le Duc se présente devant le tribunal vêtu d'un imperméable gris clair, une paire de lunettes d'écaille sur le nez.

 

L'interrogatoire que lui fera subir le président Halléguen sera de courte durée car Le Duc a reconnu, dès le premier jour, les faits qui lui étaient reprochés.

Issu d'une excellente famille, le jeune homme n'a fait qu'occasionner des déboires à ses parents.

 

Le premier témoin qui est appelé est M. Guillou, celui-là même que Le Duc rencontra dans un établissement de la rue de Siam, mais ce témoin a fait défaut.

 

Voici M. Tanguy, débitant, 2, rue Jean Jaurès.

Sa déposition ne sera pas de grand intérêt.

Il rappelle seulement que Le Duc se présenta à lui sous le titre d'avocat.

 

M. André Calvet, 51 ans, sans profession, apparaît ensuite.

C'est un fort gaillard, qui a également subi l'influence du pseudo avocat.

Il reconnaît devoir, en réalité, à son ex-propriétaire, Mlle Jeannie Kernéis, 15.000 francs.

 

— Pourquoi avez-vous signé une reconnaissance de dettes de 35.000 francs ?

Me Bodet, avocat de la défense. — Vous avez cru vraiment que c'était un avocat ?

Calvet. — Oui.

 

L'agent d'affaires auquel Mlle Kernéis est redevable d'une somme de 2.000 et quelques francs, dépose à son tour.

Le témoin. — M. Le Duc s'est présenté à moi comme étant Me Georges Le Duc, avocat.

Beau parleur, s'exprimant avec facilité, Le Duc ne tarda pas à capter la confiance de l'homme d'affaires et la conversation visa aussitôt, le différend Calvet-Kernéis.

 

Le témoin. — Avec de grands airs, Le Duc me dit :

« Il faut remuer le barreau de Brest, car je sais que les affaires y sont très lentes (sic). »

La réconciliation entre les parties eut lieu chez Jeannie Kernéis.

— Asseyez-vous là nous a dit Le Duc et expliquez-vous.

 

L'agent d'affaire ajoute que Me Le Duc (sic) était venu à Brest pour remplacer un avocat de ce barreau qui allait quitter la ville.

 

Le dernier témoin est Jeannie Kernéis, vieille procédurière, très connue du tribunal et dont les singulières déclarations provoquent toujours l'hilarité des juges et de l'auditoire.

 

— Quand Le Duc est venu chez moi, pour mes papiers, je les lui ai donnés, sans ne rien demander.

 

Le témoin présente au tribunal des papiers où il est question de la somme dont Calvet lui est redevable.

 

Jeannie Kernéis. — Voici les preuves; je savais que vous me les auriez demandées (rires).

Le président. — Vous êtes tombés d'accord.

Jeannie Kernéis. — Oui, sur une somme que vous devez avoir là dans vos « papelards ».

La, propriétaire a reconnu être satisfaite des services de Le Duc, car il a fait signer à Calvet une reconnaissance de 35.000 francs.

— Vous me rafraîchissez la mémoire, dit-elle à M. Donnard, substitut du procureur de la République.

 

Le ministère public soutient l'accusation en déclarant les délits d'escroqueries et de tentatives d'escroqueries, nettement caractérisés.

 

M. Donnard rappelle la vie aisée qui pouvait s'ouvrir devant Le Duc, mais il n'a pas su profiter de la situation.

 

« Pour les délits graves d'escroqueries commis par l'inculpé, je demande, termine M. Donnard, qu'on se montre particulièrement ferme. »

 

Me Bodet, défenseur de Le Duc, estime que les faits incriminés sont la banalité même et qu'il y a eu dans cette affaire de l'exagération.

— C'est un malheureux, dit-il, pour lequel je demande un peu de pitié et de la bienveillance.

 

Le tribunal, après en avoir délibéré, condamne Georges Le Duc à six mois de prison.

 

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Source : La Dépêche de Brest 14 janvier 1937

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Source : La Dépêche de Brest 21 avril 1937

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Source : La Dépêche de Brest 22 janvier 1938

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Source : La Dépêche de Brest 22 octobre 1938

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