1927
École pratique de Jeunes filles
à Brest
Sources : La Dépêche de Brest 13 mars 1927
Catalogue du Salon des Arts Ménagers de 1927
Nous l'avons annoncé vendredi, au concours de la semaine d'enseignement ménager et culinaire organisée à Paris, au Grand-Palais, à l'occasion du Salon des arts ménagers ouvert entre les élèves de troisième année des écoles pratiques de filles de la France entière, la première place revint à Mlle Simone Labaden, élève de l'école de Brest.
Ce succès magnifique ne saurait s’enregistrer ici sans que nous rendions hommage aux mérites, des maitresses dévouées qui le préparèrent.
Hier, nous avons fait visite à Mlle Taracole, directrice de l’École pratique d’industrie et d’enseignement ménager, et nous pouvons aujourd’hui renseigner nos lecteurs sur le mode d’enseignement qui vient de triompher à Paris.
La « petite maison »
Appelée de par ses fonctions à organiser, entre autres choses, la section d'enseignement ménager, la directrice de notre école pratique de filles, fit bien les choses.
Dût sa modestie en souffrir, nous dirons que Mlle Taracole sut prévoir non seulement l'instruction ménagère de ses élèves, mais encore leur éducation ménagère, utilisant pour réaliser son programme la modalité dite de la « petite maison ».
À l'École pratique de Brest, la « petite maison » est établie depuis le 1er octobre 1921.
C'est un bel appartement de trois pièces contiguës situées au deuxième étage de l'école.
Il comprend une salle à manger-cuisine, une chambre à coucher, un office avec lavabos, douches, etc..
L'installation et l'ameublement représentent une bonne moyenne de confort et d'hygiène modernes dans un logement aux pièces largement aérées, ensoleillées, avec eau, gaz, électricité et chauffage central.
La « petite maison » reçoit un groupe de huit ou dix élèves qui va, pendant une quinzaine, vivre la vie de famille sous la direction éclairée d'un professeur spécial d'enseignement ménager, le rôle est rempli par Mlle Offrédou, qui y déploie les plus grandes qualités.
Emploi du temps
Les élèves font à la « petite maison » deux stages de quinze jours chacun.
Étant donné le nombre des élèves de l'école, ces deux stages sont assez distants l'un de l'autre et les occupations des futures ménagères diffèrent donc chaque fois, suivant la saison.
Au stage d'hiver, on se préoccupe plutôt de l'entretien des appareils de chauffage et d'éclairage, des nettoyages intérieurs de l'appartement, de la préservation des vêtements et chaussures de toile, des chapeaux de paille.
Au stage d’été, sont réservés la confection des confitures et conserves ménagères, les soins à donner aux lainages, fourrures, tapis, etc..
La base de l'emploi du temps est la semaine scolaire de cinq jours — de 8 heures à 10 h. 30, avec petite récréation de 13 heures à 13 h. 30.
Les élèves de troisième année mettent en pratique les enseignements reçus pendant leurs deux années scolaires précédentes, en même temps qu'elles s'initient peu à peu à l'organisation des travaux domestiques dans leur succession ou leur simultanéité et dans un cadre approprié à la vie familiale.
En plus, le jeudi matin, sous la direction d'une maîtresse de couture, elles procèdent à la réparation ou à la transformation des vêtements de la famille.
Les ressources de la « petite maison » consistent en une subvention municipale de 2.100 franc à laquelle viennent s'ajouter les cotisations des élèves, 1 fr. 75 par jour (c'est-à-dire par repas.)
Ces ressources suffisent à peu près au fonctionnement de la « petite maison » :
achat de denrées, entretien et renouvellement du matériel, du linge, de l'ameublement.
De plus, chaque année, lors de l'exposition annuelle, les élèves constituent un comptoir de vente de tous les produits fabriqués par elles :
Gâteaux, bonbons, conserves, confitures, etc..
Cette vente rapporta, l'an passé, un bénéfice de 900 francs, qui vint augmenter le revenu de la « petite maison ».
Un programme complet
Le programme des études ménagères porte sur l'alimentation, l'économie domestique, la puériculture, l'hygiène personnelle, les soins aux malades et le parachèvement intellectuel et moral des élèves.
Le développement et la mise en pratique s'opèrent selon un rythme familial, sous la direction du Chef de famille :
le professeur.
Celui-ci considère ses élèves comme ses aides, d'abord inexpérimentées, puis, au bout de quelques jours, comme de petites maîtresses de maison entre lesquelles il répartit le travail de chaque jour.
Les élèves sont astreintes à un règlement ferme et doux, tel qu'il doit exister dans toute famille nombreuse et disciplinée.
Il indique quelle tenue doit régner à la « petite maison » :
Vêtement, coiffure, maintien dans la rue, les magasins, de quel matériel il faut se munir, etc...
Le professeur tient un registre de ses appréciations sur le caractère, les aptitudes dominantes et les progrès réalisés par chaque élève à chaque stage.
Pour ce qui est de l'alimentation, les élèves n'ont pas seulement à faire la cuisine selon les recettes qu'on leur Indique :
Elles dressent elles-mêmes les menus et procèdent, en groupe, aux achats.
Leur professeur leur indique, chaque jour, la valeur nutritive des plats préparés.
Les élèves calculent aussi le prix de revient de chaque repas.
Elles voient ainsi qu'il est possible de faire « bonne chère » avec peu d'argent, pourvu que l'on sache s'organiser.
Est-il besoin d'ajouter que le professeur apprend aussi à son jeune entourage la manière de dresser un couvert et de rendre appétissants les mets par une présentation soignée.
Parallèlement aux divers travaux de nettoyage de la maison, des ustensiles de cuisine du linge et des vêtements, le professeur fait un cours d’économie domestique.
Chaque mercredi à la crèche municipale, à deux pas de l’école, les élèves de la « petite maison » prennent une part effective à la consultation des nourrissons et bénéficient des conseils du docteur en matière d’hygiène infantile.
L’hygiène personnelle fait aussi l’objet des préoccupations du dévoué professeur de la « petite maison ».
Les élèves apprennent aussi à soulager et guérir les brûlures, écorchures et petits maux de ce genre, les enfants malades dans l’établissement venant se faire soigner à la « petite maison ».
Tout en guidant les élèves dans leurs occupations ménagères le professeur ne perd pas de vue leur développement intellectuel.
À table, il s'efforce de faire parler les élèves de façon intéressante.
Diverses revues lues et commentées complètent l'effet de ces causeries
Un cahier de roulement :
« Le journal de la petite maison », constitue un document sur sa vie, l'importance qu'elle revêt aux yeux des élèves et l'influence quelle peut exercer sur la formation des jeunes filles.
Nous avons eu hier un fascicule de ce journal entre les mains.
Chaque page y enregistre une juste observation ou une jolie pensée reconnaissante à l'adresse de celles dont le dévouement créa et entretient sans cesse la « petite maison » et ses attraits.
Des résultats heureux
Nous avons visité, hier après-midi, la « petite maison », surprenant un groupe de Jeunes élèves à la fin de leur stage.
Chaque meuble, chaque ustensile étant à sa place, elles allaient, après un dernier goûter en commun, quitter l'école.
Et lundi, dans ce même appartement reluisant comme un sou neuf, d'autres petites filles viendraient apprendre leur rôle de ménagères, sentiraient se confirmer en elles cette vocation de maîtresse de maison qui est en toute femme suivraient avec tout leur cœur, toute leur intelligence l'enseignement qu'on leur réserve avec tant d'à-propos.
Avec d'autant plus d'enthousiasme et de zèle que le succès récent de leur aînée vient de consacrer la valeur de cet enseignement que sut concevoir Mlle Taracole, que sait diffuser si heureusement Mlle Offrédou.
Mais nos félicitations s'adresseront à toutes les maîtresses de l'École pratique sans distinction.
Qu'elles soient chargées de l'enseignement général, de la couture, du dessin, du raccommodage, du blanchissage, du repassage ou de tout autre chose, n’ont-elles- pas toutes contribué en partie au succès de Mlle Simone Labaden ?