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1935

Boulevard Gambetta
Un immeuble menaçant de s'effondrer
doit être évacué


 

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Source : La Dépêche de Brest 18 décembre 1935

 

Un immeuble, récemment construit situé a, l'angle de la rue Villaret-Joyeuse et du boulevard Gambetta, appartenant à MM. Le Calvez et Ploué, a dû être hier, en partie évacué par ses occupants.

 

En effet, la façade de la maison s'était dans la nuit, brutalement lézardée, au point que l'on pouvait redouter une véritable catastrophe.

 

L'immeuble en question se compose de deux pavillons mitoyens.

C'est celui qui est la propriété de M. Le Calvez, qui semblait le plus menacé, l'habitation de M. Ploué paraissant à l'abri de tout danger.

 

Il semble qu'il s'agisse d'un glissement ou d'un affouillement de terrain mais il est, pour l'instant, prématuré de formuler des conclusions définitives.

 

Comment se produisirent les fissures

 

M. Le Calvez, affecté, comme bien on le pense, par l'événement, se trouvait devant son immeuble menacé.

 

— Lundi, nous dit-il, à la fin de l'après-midi, j'ai constaté un affaissement inquiétant rue Villaret-Joyeuse.

Mes soucis à cet égard ne dataient pas d'hier, aussi ai-je demandé à ma femme et à mes enfants de quitter la maison.

 

« Je suis resté sur place et, à 2 heures du matin, un craquement brusque se produisit, désagrégeant les plafonds.

On pouvait alors croire à l'imminence d'un effondrement.

Des fissures, déjà anciennes peut-être, venaient de prendre une inquiétante empleur.

 

« Et voici en quel état se trouve aujourd'hui notre maison.

Voyez par vous-même. »

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En effet, la façade, située boulevard Gambetta, est largement fissurée.

Par mesure de précaution, on a étayé les fenêtres du rez-de-chaussée.

Des fissures se remarquent également sur les murs situés rue Villaret-Joyeuse.

La chaussée et le trottoir sont d'ailleurs, de ce côté, profondément effondrés.

Le sol paraît « travailler » d'une façon qui ne laisse d'être inquiétante.

 

Dans la matinée, M. Lullien, premier adjoint au maire ;

M. Mélineau, architecte de la ville ;

M. Coste, ingénieur de la ville ;

M. Cann, inspecteur de la voirie ;

les représentants du service des eaux etc., se sont rendus sur les lieux.

 

La circulation des véhicules fut interdite sur le boulevard, devant l'immeuble sinistré.

 

L'arrêté municipal

 

Dans l'après-midi, M. Sturtzer, commissaire de police, faisait afficher sur l'immeuble, un arrêté municipal considérant que l'immeuble menace ruine ;

qu'il pourrait, par son effondrement, compromettre la sécurité publique et celle de ses habitants.

 

L'arrêté stipulait que la maison « devra être immédiatement évacuée par ses habitants ».

 

L'article 2 était ainsi conçu :

Il est prescrit à M. Le Calvez d'avoir à prendre d'urgence toutes mesures, soit pour réparer son immeuble, soit pour le démolir.

 

Une foule de curieux stationnait devant l'immeuble sinistré et commentait les causes de cette malheureuse aventure, dont les suites paraissent devoir être assez longues.

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La construction

 

Il y a environ un an, MM. Le Calvez et Ploué s'adressaient à un architecte bien connu dans notre ville — M. Mocaër — auquel ils demandaient d'établir un projet de construction.

L'architecte fit appel à la concurrence et arrêta son choix sur l'entreprise Le Bomin.

 

Toutes les études préliminaires ayant été effectuées, avec un soin d'autant plus particulier qu'il s'agissait de bâtir sur un terrain de remblai, les travaux commencèrent.

 

— La maison, nous dit l'architecte, fut construite dans les meilleures conditions.

D'ailleurs, l'entreprise Louis Le Bomin et Cie, qui construisit l'hôtel des Postes de Brest, le monument américain, etc.. avait déjà largement fait ses preuves.

 

« Rien ne se produisit d'anormal, la maison fut construite dans d'excellentes conditions.

Tous ceux qui participèrent à l'ouvrage, avaient rempli scrupuleusement leurs engagements. »

 

Cependant, deux jours après la réception provisoire des travaux, M. Le Calvez signala qu'une légère fissure, traversant en quelque sorte la maison, s'était produite.

 

Par la suite elle s'augmenta et des « témoins » furent posés.

C'est alors que MM. Mocaër et Le Bomin, d'accord avec M. Le Calvez, décidèrent de consulter un ingénieur éminent, demeurant à Brest.

Celui-ci se livra à une expertise.

Il conclut qu'il existait un travail du sous-sol et qu'il semblait qu'un « point mou » existait.

 

Par la suite un différend surgit et, finalement, en référé, trois experts furent désignés pour étudier la question :

MM. Le Fort et Auffret, de Guingamp et M. Freycinet, de Brest.

 

Voici un mois et demi environ, les experts examinèrent l'immeuble, posèrent des « témoins » nouveaux et envisagèrent les mesures à prendre.

 

On sait ce qui survint par la suite.

Dans la matinée, l'affaissement du trottoir de la rue Villaret-Joyeuse s'accentua de deux centimètres.

 

Le mur de la maison située sur la gauche en montant la rue est également lézardé, ainsi que la terre-battue du trottoir.

 

Signalons encore que le mur qui borde le boulevard Gambetta est, face à la rue Villaret-Joyeuse, fissuré du haut en bas.

 

Il y a là une situation de fait, qui permet à certains de penser qu'un glissement de terrain, dû à une infiltration d'eau, se produit en ce moment.

 

Il est cependant certain que de nombreuses expertises devront être entreprises pour déterminer les causes de cet incident.

 

Au début de l'après-midi, on creusa dans le bas de la rue Villaret-Joyeuse une tranchée de 60 centimètres de profondeur, qui fut rapidement envahie par l'eau, ce qui laissait supposer qu'il existait quelque part, au-dessus, une fuite, soit dans une canalisation d'eau, soit dans un égout.

 

Un entrepreneur nous affirma que, depuis environ deux semaines, une fuite existait à hauteur des carrefours des rues Choquet de Lindu et Villaret-Joyeuse.

 

— Le feu, dit-il, on l'arrête, mais il est bien plus difficile de lutter avec l'eau.

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Vieux souvenirs

 

Un vieil habitant du quartier nous confie ses souvenirs :

— C'est vers 1885, nous dit-il, que l'on commença dans ce secteur les travaux de remblai.

Cela s'appelait autrefois la vallée du Moulin Giffard.

Là, un peu en arrière, il y avait un creux, au fond duquel s'élevait une maison de deux étages.

« Tout autour, ce n'était que des champs.

Le boulevard Gambetta n'existait pas.

Plus loin, il existait deux fermes, séparées par les bâtiments réservés aux fourrages destinés à l'armée.

Les terres qui servirent à faire le remblai sont venues en majeure partie de Saint-Martin.

Elles mesurent par endroits 25 mètres d'épaisseur. »

 

Ce que dit le représentant de l'entreprise

 

Dans la journée d'hier, deux constats furent faits, l'un par Me Trémel, l'autre par Me Auffret, huissiers.

 

Dans l'après-midi, M. Benquet, représentant l'entreprise Louis Le Bomin et compagnie, nous déclarait ceci :

— Les fondations de cet immeuble ont été faites pour une résistance du sol que l'on ne trouve que dans des terrains exceptionnellement mous.

C'est assez dire qu'après de tels essais de résistance, rien de fâcheux ne pouvait être redouté.

 

« En profondeur, le remblai est de 18 mètres.

Il était impossible d'utiliser les pieux.

On a eu recours à la répartition des charges sur une surface importante.

Les plus mauvais terrains peuvent « travailler » avec une marge de sécurité à 1 kilo.

Notre calcul nous amenait à 3 kilos par centimètre carré.

Or, nous avons pris 500 grammes comme base.

La différence constituait notre marge de sécurité. »

 

Dans la soirée d'hier, M. Le Calvez faisait procéder au déménagement de ses meubles et toutes les mesures nécessaires étaient prises pour la sécurité publique.

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