1937
On attaque la chambre du Trésor
à Brest
Source : La Dépêche de Brest 29 avril 1937
La chambre du trésor !
Cela ne vous impressionne pas ?
Une chambre auprès de laquelle la grotte d'Ali-Baba n'apparaîtrait que comme une cousine pauvre et celle du paquebot « Egypt », cependant bien garnie, que comme une médiocre petite chose !
Il en est passé là-dedans des millions, des milliards et par dizaines même.
Et pourtant cela n'est plus qu'une sorte de mauvais champignon au sommet d'une butte.
Elle avait été construite durant la guerre par les Américains, tout près de l'avenue Amiral Réveillère que bordait un robuste bâtiment en bois, récemment disparu.
C'était au cœur de l'édifice une simple chambre, mais bétonnée à décourager les plus obstinés perceurs de plafonds.
On n'y pouvait accéder que par une porte blindée d'une quinzaine de centimètres d'épaisseur derrière laquelle on se heurtait encore à une grille faite de barreaux épais comme le poignet.
L'armée américaine comme la marine, dont on connaissait l'importance dans notre ville, y déposaient leurs fonds.
Pour pallier à toute tentative d'attaque possible, on la ceinturait d'un corps de garde dont les sentinelles avaient les plus sévères consignes.
Et puis, nos amis Américains étant partis, le bâtiment passa à la Trésorerie générale qui se trouvait bien trop à l'étroit dans l'immeuble qu'elle occupait alors sur la place voisine.
Pendant quinze ans, elle fit sienne la chambre du trésor.
Mais cette administration ne dispose pas de sentinelles et, malgré la solidité de la chambre, elle préférait sagement transporter chaque soir ses fonds à la Banque de France.
Aujourd'hui elle occupe enfin un immeuble digne de l'importance de ses services.
Et l'on a démoli le baraquement américain.
Cependant la chambre du trésor subsistait encore.
On était bien parvenu à démonter la porte et à enlever la grille, mais le cube de béton qui formait les parois manifestait une résistance décourageante.
Enfin on a résolu de le supprimer.
Depuis trois jours des ouvriers s'y emploient, ils utilisent un compresseur d'air alimentant un brise-béton et cependant la tâche est rude.
Nos alliés n'avaient pas ménagé les matériaux.
Ils devaient croire Brest infesté de gangsters !