1939
Les œuvres sociales municipales
La Goutte de lait
Source : La Dépêche de Brest 18 mai 1939
Deux femmes attendaient hier, sous un porche, à l'angle des rues de la République et Ernest Renan, l'ouverture de la « Goutte de lait municipale ».
« Si on ne me donnait chaque Jour gratuitement de quoi nourrir mon bébé, puisque Je ne puis malheureusement le faire moi-même, dit l'une, je me demande comment il m'eût été possible d'ajouter à mon budget une pareille dépense. »
« — Il est certain, dit l'autre, que le lait est plus cher à Brest que partout ailleurs.
C’est même inconcevable. »
À 7 heures 30, les portes de l'établissement s'ouvraient.
Sous la direction de Mme Ségalen, la directrice, cinq femmes de service, vêtues de blouses blanches, avaient reçu, quelques instants plus tôt, les 150 litres de lait nécessaires à la consommation journalière, et la distribution allait commencer.
Ce lait passe dans un double filtre aux mailles très fines et dans deux toiles qui retiennent toutes les impuretés.
Le liquide descend ensuite par un gros tube de caoutchouc à la tireuse.
1,250 biberons s'égouttaient depuis la veille sur des hérissons métalliques, après avoir été soigneusement lavés à l'eau chaude.
Les employés les avaient placés successivement sous les quatre tétines de la tireuse qui les remplissait automatiquement de la quantité déterminée :
50 grammes pour les nouveau-nés ;
75 pour les bébés de plus de 30 jours ;
100 pour les moins de 60 ;
120 pour ceux âgés de quatre mois ;
150 au-dessus.
Mis dans des paniers métalliques rectangulaires, les biberons sont ensuite rangés dans un vaste réservoir en tôle empli d'eau froide, pouvant en contenir 1,250 à la fois.
Après avoir hermétiquement fermé ces réservoirs, les rampes de gaz sont allumées et portent à 80° la température de l'eau.
Après dix minutes de stérilisation, les paniers passent dans une cuve où l'eau froide est changée trois fois.
Prix de revient et prix de vente
Le matériel nécessaire à toutes ces opérations, le personnel chargé de ces minutieuses manipulations de pasteurisation font que le prix de revient d'un litre de lait s'élève à 3 fr. 666, bien qu'il ne soit vendu par les adjudicataires depuis le 1 janvier 1938, que 1 fr. 58 le litre.
Le prix de vente aux particuliers est fixé en séance du conseil municipal, d'après le revenu journalier par personne dans une même famille, c'est-à-dire qu'à une famille de six membres, par exemple, le père, la mère et quatre enfants disposant, après déduction d'une somme de 50 francs pour le loyer, de moins de 3 franc par jour par personne, soit 17 francs, le lait est distribué gratuitement.
De 3 à 4 francs, elle le paiera 0 fr. 50 le litre ;
de 4 à 5 francs, 0 fr. 70 ;
de 5 à 6 francs, 1 franc ;
de 6 à 8 francs, 1 fr. 30 ;
et ainsi de suite pour atteindre, pour une famille disposant de 16 francs par jour et par personne, 2 fr. 80 le litre.
En 1938, 16,739 litres ont été distribués gratuitement ;
2,447 ont été cédés à 0 fr. 50 le litre ;
un millier à 0 fr. 70 ;
1,570 à 1 fr. 30, etc..
3,625 litres ont été vendus 2 fr. 80, ce qui semble indiquer que la qualité du lait distribué est reconnue supérieure à celui vendu ailleurs.
Malgré les recettes opérées dans ces conditions, l'œuvre de la Goutte de lait coûte à la ville près d'une centaine de mille francs par an ;
l'an dernier il est resté à sa charge 92.894 fr. ;
105.682 fr. en 1937.
La distribution des biberons a lieu chaque matin, au siège de la rue de la République, pour le quartier Sanquer ;
pour le quartier Saint-Martin, à la pouponnière, rue Duret ;
pour Brest, à la mairie, et pour Recouvrance, à la pouponnière, rue Armorique.
Le lait est payé deux fois par mois par les clients.
Une facture détaillée est établie au nom de chacun.
Comme on peut le voir par ce succinct exposé, si l'œuvre de la Goutte de lait permet de distribuer gratuitement les biberons aux enfants nécessiteux, elle procure aussi aux mamans un lait pasteurisé dans les meilleures conditions d'hygiène et le but poursuivi se trouve ainsi pleinement atteint.