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Les échos du vallon sourd

Chroniques d'un monde paysan
à jamais disparu


Louis Conq de Tréouergat raconte
 

Août 44

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Au camp de Kéroum

Les Américains à Tréouergat

 

Après la mi-août, tout le camp de Kergoff se déplace à Kéroum.

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Les jours suivants voient huit cents Américains sur les terres de Tréouergat, la plupart d’entre eux arrivés durant la nuit à Enez Rouz et dans le Val du Traofi Bouzar.

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Un  matin, comme à son habitude, mon père va chercher une charge de trèfle violet.

Et il n'en revient pas de découvrir un tas d'Américains dans tous les champs où il passe !

Un bon nombre, - sauf votre respect - , occupés à faire leurs besoins, le nez tourné vers le talus !

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- « Ah! par exemple ! » se dit-il, « ceux-ci ne font pas ça à notre mode.

Nous, nous tournons proprement le dos au talus !

Mais comme le dit un de nos dictons :

« Changé le pantalon, changée la façon ».

Et il hausse les épaules, sans plus.

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Après quoi, il rentre triomphalement à la ferme avec des cartouches entières de tabac américain, en plus de sa charretée de trèfle que lui ont chargée ses nouveaux amis, au fur et à mesure qu’il a coupé.

Bientôt, plusieurs d'entre eux s’essayent à baratiner leur « français », avec leur accent de mâcheurs de chewing-gum.

 

L'un d'eux s'appelle Paul Simon et descend d'un aïeul de la Mayenne  « venu » aux Amériques voici deux cents ans.

Évidemment, on sort jusqu'aux dernières bouteilles de la cave.

Nos amis américains versent de la vraie essence dans notre Bernard, puis se mettent à battre les meules de gerbes qui restent encore sur l'aire.

Rien d’autre à faire, à partir de ce moment, qu'à les regarder travailler.

Quelle mémorable journée de battage à Kergonk, car elle tourne, la batteuse !

Et en plus, avec un moteur qui ne glousse plus.

Quel plaisir pour tout le monde !

Dommage qu’aucune photo ne soit prise !

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La cuisine des G.I.'s est installée sur l'élargissement du chemin devant la ferme.

Il faut goûter aux crêpes-au-bacon de leur petit déjeuner, ou à leurs omelettes.

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C'est bien la première fois qu'on écoute la radio à Kergonk.

Une radio qui ne « baratine » pas seulement de l'américain, mais qui diffuse aussi le « communiqué » en français !

 

Après le départ des F.F.I., quantité d’Américains viennent assister aux messes de notre recteur le dimanche.

L'église est archi-comble.

Après la messe, ils achètent tout ce qui leur fait envie chez le forgeron, le bistrotier ou encore chez l’épicier.

Quelques Américains découvrent même la réserve de chapelets et la dévalisent !

Car, après leur passage, il ne reste plus un seul chapelet !

Puis, ils demandent au recteur, ou à l'aumônier des gars de la Résistance, de les bénir.

Il semble qu’il y ait plusieurs catholiques parmi eux, mais le plus grand nombre d’entre eux doit être protestant.

 

Après un court repos dans notre commune, ils s'en vont sur Brest.

Des artilleurs viennent à leur place, et restent là jusqu’à la fin du siège de Brest.

Les bombardiers survolent la ville, complètement en ruines désormais, par douzaines à la fois.

Il n'y a plus le moindre soldat allemand ?

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Un jour, nous, les équipiers de Job, sommes aux alentours de Plougonvelin, dans les faubourgs de plus en plus proches de Brest, attendant que la ville mutilée, détruite et brûlée ne tombe.

L’après-midi, nous nous trouvons, trois de notre groupe, dans les ruines de l'église, brûlée elle aussi comme une bonne partie de la localité, quand du ciel, un chasseur, une « andouille » d'Américain vient nous canarder.

Il nous a sûrement pris pour une poignée d'Allemands qui traînent par là.

Nous sommes trop heureux de ramasser rapidement nos talons dans l'escalier du clocher, tandis que les balles cisaillent les pierres des murs et la cendre sur le pavé.

Ah ! Quel veau !

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Je fais le veau également ce jour-là !

Avec un copain, je suis de garde la première moitié de la nuit.

À deux heures, la garde est confiée à la relève, et on s'en va dormir.

Très vite, nos remplaçants donnent l’alerte.

Tout le groupe est debout.

Je dois répondre « oui » aussi, tandis qu'on me secoue.

Mais je retombe endormi tel un bienheureux, dans mon trou individuel, sur une poignée de fougères.

Les autres, pendant ce temps, récupèrent deux prisonniers.

Ce sont finalement les seuls pris par notre groupe.

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Bataillon FFI de Ploudalmézeau

2ème Compagnie "Compagnie Duval"

3ème section

2ème Groupe

 

Roudaut Louis - Plouguin

Kerdraon Pierre - St Pierre Quilbignon

Coadou Jean - Plouguin

Dubois René - Mamers

Fagon Jean - Plouguin

Milin Jean - Lanrivoaré

Paugam Jean - Plabennec

Vaillant François - Guelin

Le Vourc'h Bernard - Lampaul Plouarzel

Marzin Robert - Lampaul Plouarzel

 

Collection René Mangili

 

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