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Les échos du vallon sourd

Chroniques d'un monde paysan
à jamais disparu


Louis Conq de Tréouergat raconte
 

Août 44

La libération à Tréouergat

Les FFI au combat

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Le 12 août, cloches déchaînées, trois tanks américains et quatre ou cinq jeeps sont en plein bourg de Tréouergat.

Le maire et toute la population les accompagnent.

On célèbre la libération de notre commune !

 

Pour cela, on trouve encore du vin dans les caves et des fleurs pour les "Boys".

Le lendemain, le 13 août, c'est le jour du Pardon de Saint-Ergat.

Les cloches carillonnent gaiement.

Depuis plusieurs jours un immense drapeau tricolore flotte au clocher.

 

Trois messes ce jour-là, dont une, tôt le matin, spécialement pour les F.F.I..

Beaucoup d'entre eux doivent rester hors de l'église, bien que l'on a enlevé toutes les chaises.

À la procession des vêpres, les jeunes de la paroisse, qui sont invités à porter les bannières, viennent en brassards.

 

Le soir, deux camions d'hommes en armes vont assurer la relève à Lampaul-Plouarzel et à Trézien, où plusieurs groupes ont eu un accrochage terrible avec l'ennemi.

Michel Conq tombe sur sa mitrail­leuse et se blesse grièvement.

Il est fait prisonnier avec quelques autres.

Ils ne sont pas fusillés immédiatement.

C’est un miracle !

 

Un Russe est tué aussi, là, près de son canon.

Nos Résistants raflent deux camions à l’ennemi et les amènent au camp.

D'autres hommes, des Brestois surtout, rallient encore le camp, tandis que les réfugiés engorgent les granges des fermes, et dorment sur la paille dans les greniers.

 

Toutes les nuits, le ciel est d’un rouge terrible au-dessus de Brest.

Des incendies ravageurs illuminent la ville un peu partout.

Ramke dispose de quarante mille hommes, toujours aussi fanatisés : six mille d'entre eux seront blessés ou tués.

 

Des hommes arrivent toujours à Kergoff.

Il devient indispensable de les aiguiller maintenant sur Keroum, où tout le camp finit pas se déplacer.

En effet, il y a là davantage de place et de meilleures facilités d’accès.

 

Je suis dans le groupe de Job.

Nous sommes envoyés un jour à Corsen, près de Trézien, à proximité des casemates tenues par les Allemands en bord de mer.

Nous devons les cerner du côté des terres.

Trois d'entre nous sommes mis en position avec leur fusil mitrailleur, derrière l'ajonc court d’un talus, devant un carrefour de chemin vert.

Nous avons l’ordre de décrocher assez vite s’il y a trop de risques.

Les autres membres du groupe sont déployés nettement en arrière, pour bloquer la route à l’ennemi s’il s'avise de sortir.

 

L'après-midi va sur son déclin, et toujours rien à signaler.

Tout à coup, José, notre Républicain espagnol, fait signe qu'il entend du bruit et se rapproche de Manu et moi-même.

Manu est chargé du fusil mitrailleur, tandis que je suis muni du sac des chargeurs et que j’ai mon Mauser à proximité de la main.

Nous apercevons alors un casque qui dépasse au-dessus d'un bouquet d’ajonc, à quatre ou cinq mètres.

Il se trouve dans un fossé.

À quatre ou cinq mètres de distance de lui, nous distinguons un autre soldat allemand dans le fossé voisin.

Soudain, Manu s'énerve car il ne voit rien.

Alors il se lève carrément, debout sur le talus.

Et c'est de là qu'il décharge le premier chargeur de son fusil mitrailleur, inauguré là pour la première fois, en étalant son tir sur toute la largeur du chemin creux.

Tout vidé !

- " Vite! Un autre chargeur!", fait-il, en ôtant le vide.

Énervé moi aussi, j'ai beaucoup de peine à placer correctement un deuxième chargeur, là, au creux du talus.

Avec mon Mauser, j'ai tout juste le temps de tirer une seule balle.

José, par contre, qui n’en est pas à son baptême du feu depuis la guerre d’Espagne, tiraille à plusieurs reprises.

Les Allemands sont couchés sur le ventre dans les fossés du chemin.

Ils lancent une fusée de couleur, puis une autre.

Naturelle­ment, ils tirent sur tout ce qui bouge.

L'ajonc perd maintenant des brindilles au-dessus de nos têtes.

 

Brusquement, la batterie de Keringar nous tire dessus, sur nous trois et le reste du groupe.

Trois canons de 380 de la marine française, s'il vous plaît !

"Tirons-nous !", fait José.

Manu met son arme sur son épaule, et moi derrière, je ferme la marche en traînant le sac de munitions.

C’est alors que Job surgit au-devant de nous, et nous fait signe de rester sur place.

Nous plaquer au sol, au ras du talus.

Nous échappons ainsi aux obus énormes des Allemands, les 380 faisant des entonnoirs épouvantables en bas du champ où nous nous trouvons.

 

Nous restons silencieux dix bonnes minutes au moins, trop près des Allemands pour nous montrer et être fauchés comme des lapins.

Car ce sont eux qui sont en position à leur tour, et ils tirent par-dessus nos têtes sur quiconque ne fait pas le mort de l'autre côté du vallon.

Il n'y a qu'Alexis de blessé, malgré tout le bruit des canons.

Nos adversaires finissent pas rentrer dans leurs casemates, et ne mettront plus le nez dehors, si ce n'est pour se rendre aux Américains.

 

Batterie d’artillerie de marine Graff Spee – Batterie de Keringar

À lire sur le site - Musée Mémoire 39-45

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