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Les échos du vallon sourd

Chroniques d'un monde paysan
à jamais disparu


Louis Conq de Tréouergat raconte
 

Août 44

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Combats au phare de Trézien

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De là, notre groupe s'en va prendre position au phare de Trézien.

On y est tout à fait tranquille.

Pas un Allemand à moins d'une demi-lieue.

De là-haut, on domine tout le pays.

Deux d'entre nous font le guet, tout en haut du phare.

Les autres s’imaginent presque à la maison, tuant le temps de leur mieux.

Mais les hommes de Keringar nous épient à la jumelle.

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Tout d’un coup, ils nous expédient un obus tandis que nous discutons, assis sur un talus.

Ouille ! ouille ! ouille !

Heureux, ô combien, que l’obus ait été tiré quatre ou cinq mètres trop long.

Il nous aurait tous mis en miettes, tout comme l'ajonc sur vingt mètres derrière notre dos.

«  Brr ! », firent les gars, « on finira par nous apprendre à faire la guerre ! »

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Un groupe de Russes vient prendre la relève.

Les Allemands leur envoient aussi un obus, mais il n'éclate pas.

Quelle chance!

Il a pourtant été pointé à la perfection :

il a traversé de part en part le phare, en son milieu, y faisant deux énormes trous, et est allé se planter en plein sur la maison du gardien, à travers le toit.

Mais, au final, pas un Russe n’est blessé !

Cet obus est toujours là-bas, ornant le portail d'entrée.

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Quant aux deux Russes qui sont en haut, ils ne pas descendent pas sur leur fond de culotte, malgré leur peur.

Non !

Ils descendent acrobatiquement à l'aide de cordes puisqu’il n’y a plus d'escalier tournant sur quatre ou cinq mètres.

 

Avec tout ça, les hommes de Keringar commencent à exagérer.

Il faut les modérer !

Les Américains leur envoient des bombardiers leur piquer dessus par douzaines.

Rien à faire!

Leurs baraques sont complètement disloquées, et la terre autour de la batterie enterrée dans du béton forme des amoncellements monstrueux.

Les canons tirent encore, du moins deux d'entre eux.

On le voit bien le jour suivant.

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À ce moment, le cuirassé anglais "Warspide" survient, d'abord invisible.

C'est le bruit de la première canonnade qu’il a envoyé sur Keringar qui nous a alerté tout d’abord.

Bien camouflé, il s’est approché sous un épais manteau de fumigène.

Puis il a réalisé une nouvelle manœuvre, accompagnée aussitôt d'une autre bordée de coups de canons.

Mainte­nant il est à découvert, mais de nouveau il recommence un autre demi-tour dans la fumée.

Puis il se couche sur le côté en se délestant de dix à douze autres obus à chaque bordée.

Grimpés sur le toit d’une soue à porcs, regardant de tous nos yeux, nous comptons les points.

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Les Allemands aussi cravachent dur pour leur en mettre une.

Mais, à chaque coup, un rideau de fumée ou une embardée formidable protège le bateau.

Au bout d'un certain temps, bien qu'il n'y ait qu'un seul canon à tirer à Keringar, le vaisseau de guerre s'écarte.

Touché ?

Sans doute que non.

Les Allemands de Keringar finisse par se rendre les jours suivants.

Un de leurs 380 a été fendu par une bombe ou un obus, resté là tel quel dans sa gueule.

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Phare de Trezien.jpg
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