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Les petites histoires
de
Tonton Louis de Tréouergat

Sortilèges et tours pendables

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Celui qui court deux lièvres à la fois ...

 

Vous savez aussi bien que moi, combien c'est difficile de se défaire de ses vices.

Tout jeune déjà, je commençais à chasser.

Pendant les vacances, je continuais, et même après lorsque je portais la soutane, je ne résistais pas à courir vers les garennes autour du Klik, dès que je trouvais un fusil.

Que voulez-vous ?

Je n'arrivais pas à vaincre mon vice.

Mon frère et ma belle-sœur, que Dieu leur pardonne ! auraient pu vous certifier qu'on avait assez souvent de la chair de lapin, chez le forgeron, du temps où j’étais séminariste.

Je ne puis non plus m'empêcher de vous raconter un autre tour de chasse étonnant.

C'était au milieu du mois d'août, la première année de mon grand séminaire.

Monsieur le Recteur s'était rendu à la retraite prier le Bon Dieu.

Ainsi j'étais parfaitement libre toute la semaine.

J'étais tous ces jours-là de bon matin le fusil entre les mains.

Une matinée donc où j'étais de nouveau dans « mon jeu », en plein dans la chasse, en compagnie de la vieille Labichon d'Enez Rouz et de sa fille de Kampir, mes deux chiennes levèrent deux lièvres à la fois dans les panais du champ de l'Allée de Pont-ar-Bleiz.

Ils déguerpirent, mais pas du tout par le même chemin.

L'un prit sur la droite, tandis que l'autre fila sur la gauche.

Les chiens firent comme eux :

Labichon suivit celui qui fonçait sur Kerioual.

Et l'autre, ailleurs.

Mais moi ? Que devais-je faire ?

Je fus embarrassé « à mort » durant un court instant.

Je savais pertinemment que je ne pouvais pas chercher à suivre les deux lièvres à la fois.

« Celui qui court deux lièvres en même temps, il est sûr de les rater tous les deux ! »

 

Aussi me voilà, au petit trot, montant vers le carrefour de la Croix Neuve.

— C’est à peu près certain, me disais-je que ces deux malins-là s'en iront tôt ou tard prendre ce carrefour là-haut.

Et ma foi, je ne m'étais pas trompé.

Les chiens tenaient de manière surprenante chacun de son côté.

À peine étais-je monté sur le petit talus devant le carrefour que je vis le lièvre de Kerioual déboulant de Kerdefan.

Comme un éclair il me passa sous le nez.

Je ne l’avais pas tiré, il allait bien trop vite !

— Allô ! En voilà un de raté pour le moins !

Je ne le reverrai pas de sitôt !

Mais juste à ce moment, le lièvre qui avait filé d'abord vers le bourg se presse sur le chemin remontant vers la Croix Neuve.

Lui aussi en y mettant tout ce qu'il pouvait.

Jamais vu autant ! Ils allèrent s’emboutir l'un dans l'autre, de toute leur vitesse, à tel point qu'ils en roulèrent tous les deux, sous mes yeux complètement éberlués.

 

Vous pouvez croire que je courus vers eux sans plus attendre, et même avant que n'arrivent mes chiens.

Avec mon fusil bien appuyé à mon épaule, tout prêt à donner du « petit pois » au moins au premier des deux lièvres qui s'aviserait de se lever.

Mais aucun ne bougea : tous les deux étaient raides morts.

Leur cervelle avait même giclé quelque peu.

Et c'est ainsi que j'avais mes deux lièvres : deux à la fois et sans le moindre tir.

Vous auriez vu la fierté dans les yeux du garçon revenant à la maison avec ses lièvres !

Vous ne doutez que je déclarais à tout un chacun que j'avais bel et bien « haché » leurs crânes avec mes coups de fusils.

 

Je ne crois pas qu'ils fassent un grand péché, les chasseurs, quand ils disent des mensonges de ce genre.

Car qui les croit ?

Quant à moi, je vous ai raconté le plus fameux de mes tours de chasse.

N'est-ce pas qu'il est extraordinaire ?

À quels chasseurs d'ici ou d’ailleurs en est-il arrivé autant ?

Je souhaite la même chance à tous les chasseurs de Tréouergat qui me liront un jour.

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