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1958
Dirinon
L'adduction d'eau de Kerlaouénan
par Gilbert Gruda

 

L’exploitation d’une ferme était synonyme de grande activité et de travaux durs, très durs pour répondre au quotidien : entretien des étables, porcheries, écuries, nourriture et fourrage des animaux, travail aux champs, traite bi–quotidienne des vaches, entretien

du matériel agricole.

Avant l’arrivée de l’eau courante, ma famille exploitait, en commun avec ses voisins fermiers également, un puits et abreuvoir.

Le puits était profond, d’une vingtaine de mètres :

un seau était attaché à une corde qui, elle-même, à un treuil manuel.

Nous laissions le seau rapidement jusqu’au contact de l’eau et il fallait de puissants bras pour tourner la manivelle du treuil avec le seau rempli d’eau fraîche et ceci au minimum 10 fois de suite pour remplir l’abreuvoir lorsque les vaches rentraient au bercail !

Vint donc, l’époque de l’adduction d’eau au robinet.

 

Comme je l’ai écrit au début de ce chapitre, les travaux fermiers étaient rudes, sans oublier les grandes tâches saisonnières dont les plus connues et les dures :

fenaison, moisson et battage.

Mais l’installation de l’eau courante nécessita pour les agriculteurs de Kerlaouénan, en plus de leur quotidien, des travaux titanesques !

En effet, pour des raisons, peut-être d’économie ou de participation, ils eurent à creuser eux-mêmes les canalisations depuis la source où l’eau devait être captée.

Cette dernière se situait au maximum à 1500 mètres de la dernière habitation devant recevoir l’eau courante !

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Les hommes du village : Joseph COSTIOU, Jean–Pi GUYADER, François et Jopic SALAÜN et quelques-uns de leurs amis ou connaissances, s’attelèrent avec courage à ce travail pharaonique.

Les travaux, dits techniques, c'est-à-dire Château d’eau, mécanisme de pompage, bélier, pose des tuyauteries, des robinets, éviers, évacuation, etc… étaient effectués par l’entreprise Le Normand de Callac –Côtes du Nord – appellation à cette époque : nous dirions maintenant – Côtes d’Armor.

 

Les techniciens logeaient chez l’habitant, dans une ambiance conviviale et à la bonne franquette. Certains parlaient le breton des Côtes du Nord, quelque peu différent de celui du Finistère pour certains mots :

pomme de terre en finistérien se dit phonétiquement – aldoueret en breton –Côtes du Nord- se dit -pato- ainsi me l’avait expliqué un technicien nommé Hyppolite.

Les travaux d’adduction durèrent 2 bons mois avec la pose du bélier PILTER :

pompe mécanique qui collectait l’eau à sa source, mise en place du château d’eau les tuyauteries, les raccordements jusqu’aux bâtiments des 4 fermes :

cuisines, lavabos, étable, abreuvoirs, etc...

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Le principe du bélier PILTER reposait sommairement sur l’ « équation » suivante :

9 pompages pour une mesure d’eau collectée propulsée vers le château d’eau :

cette information demande quand même à être confirmée auprès d’un technicien beaucoup plus qualifié que moi.

Cette tâche étant achevée, vint le jour de l’inauguration et Yves–Marie LE NORMAND était dans tous ses états, stressé, pris par le temps, réglant lui-même les problèmes anodins, voulant que tout soit parfait dans le moindre détail pour l’arrivée de la presse !

Hé oui, la presse, Ouest–France, bureau de Brest, était conviée, au rendez–vous pour les photos et la plume du journaliste Xavier ALIX.

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Outre le directeur de l’entreprise Le Normand, le personnage officiel présent ce jour mémorable fut Monsieur Le Maire de Dirinon, Ollivier KERDRAON, premier magistrat de la commune. Xavier ALIX prit plusieurs photos devant la pompe bélier où posaient Yves Marie LE NORMAND, Ollivier KERDRAON et moi, fièrement, au milieu d’eux.

Mais ces photos ne parurent pas dans le tirage de Ouest-France relatant ce grand évènement un mois plus tard.

Uniquement 2 photos apparurent dans ce tirage historique :

une du château d’eau et celle du premier seau d’eau « officiel » tiré, photo prise à la ferme de Jopic SALAÜN, suivi d’un article de Xavier ALIX.

Eut lieu ensuite ce même jour chez Jopic SALAÜN, le vin d’honneur servi par Ollivier KERDRAON, grand homme sympathique, maire de tous les dirinonnais.

Je le revois encore, en costume bleu anthracite, chapeau mou sur sa tête, servant lui-même le pernod pour les grands et la limonade pour les moins grands dont je faisais partie.

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L’accès à l’eau courante fut un progrès énorme, un pas de géant qui facilita un peu la vie de ces paysans durs à la tâche, amoureux de leur terroir.

Ce fut, en quelque sorte, une révolution mais qui ne bouleversa ni les âmes ni les traditions.

Je le dis pour les générations montantes que l’adduction de l’eau courante à Kerlaouénan a été liée uniquement à la volonté et au courage de ses habitants, qui n’ont pas hésité à manier la pioche et les pelles en heures supplémentaires impossibles à chiffrer.

 

Merci Messieurs Joseph COSTIOU, Jopic, François SALAÜN, Jean–Pi GUYADER et les amis venus aider.

Merci également à leurs épouses, mères, sœurs, toutes aussi courageuses et volontaires qui ont dû subir le contrecoup relatif à ce bouleversement.

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