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Les petites histoires
de
Tonton Louis de Tréouergat

Sortilèges et tours pendables

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Les Gars à Jakez 

 

Vous n'avez jamais été victimes de « jeteurs de sort » ?

Ou d'autres mauvais plaisants?

Par exemple, à chaque fois que votre lèvre se met à cloquer ou à enfler.

Généralement, cela vous est arrivé la veille tard le soir, après la cloche de I'Angélus, du moins si vous êtes sorti un petit bout de temps dans la nuit.

Qui vous a fait cela?

Mais les « Gars du Sabbat », bien sûr, à moins que ce ne soit les « Gars à Jakez » :

de toute façon, tous des « individus » de la nuit !

Tout spécialement si vous avez vu, non pas un OVNI, comme on dit aujourd'hui, mais un vrai « feu filant » ou autre lutin traversant plateaux de bruyères et prés infestés de roseaux !

En allant chercher une cruche d'eau à la fontaine, ce n’est pas un mauvais moyen d'ailleurs que d'emporter un tison enflammé et de le plonger dans l'eau.

Cela peut les écarter, vous pensez !

 

Ne les avez-vous jamais entendus chantonner dans le vent de la nuit, lorsque tombent les feuilles en automne, oui, ces nains bossus que sont les « Gars de la Nuit » ?

Chanter, ils le font parfois assez clairement :

« Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi, Vendredi, Nord-Est ou Est ! »

Oh ! alors, bien sûr, pour la fin de la semaine, il n'était pas rare autrefois, dans le vieux temps, d'entendre dire que le chariot de l'Ankou, la Mort, était de nouveau passé.

Si ce n’était pas d'un « côté », c'était sûrement de l'autre !

Et n’allez surtout pas penser qu'il est toujours accompagné de grincements sinistres, de bruits de cahots ou de craquements à rendre l'âme, comme le disent certains.

 

Il n'y a pas encore tellement longtemps, c’était avant la première guerre quand même, à quatre heures du matin, Pont-Prennig-le-Vieux est réveillé par le claquement bruyant des clous de sabots de quelqu'un montant dans la cour du moulin.

De la fenêtre il aperçut Yvon Kabalan.

Fort intrigué, il ouvrit pour lui dire :

« Mais où donc vas-tu comme ça à cette heure-ci, voisin ? »

Celui-ci s'arrêta, complètement ahuri.

N'obtenant pas de réponse, le meunier lui répéta sa demande.

Et l'autre, cette fois-ci :

« Moi ? Je ne sais pas ! », fit-il.

« Non ! Je ne sais pas ».

​

 

Notre homme n'avait-il pas été le jouet des « Gars à Jakez » ?

Sans nul doute !

Yvon revenait d’une veillée mortuaire aux alentours de Kampir.

À trois heures et demie du matin, il songea à rentrer chez lui pour faire ne serait-ce qu’une « goutte » de sommeil.

Mais tout en marchant, le voilà qui s'endort profondément, et qui dépasse allègrement sa demeure sans s'arrêter.

Il serait sûrement allé bien au-delà de Pont-Prenn, si le meunier ne l'avait réveillé.

 

Je ne sais plus qui parmi les anciens de la paroisse fut encore coincé par ces « citoyens-là » !

Après avoir passé toute la soirée à bavarder dans quelque ferme des environs, il revenait chez lui assez tard.

Pour faire plus vite, il prend un raccourci à travers les garennes.

Mais voilà qu'il ne retrouve plus son chemin.

Il fait le tour du champ une fois, puis deux, trois, rien à faire pour retrouver ni l'entrée ni le moindre passage, ni la moindre brèche.

Énervé, il cherche à passer à travers les branches du talus, et tombe la tête la première dans un chemin creux.

C'est là qu'il fut trouvé le lendemain matin, grièvement blessé à la tête.

 

À « Gastou », mon grand-père de Penn-ar-Prad, il arriva à peu près la même mésaventure.

C'est quand même troublant !

C'était encore en revenant dans la nuit noire de Kerarbeleg ou de Kerviziou.

Méfiant, le gars se montra plus malin pour se défaire de ce sacré sort.

Après trois ou quatre tours du champ, raconta-t-il lors d’une veillée d'hiver, il s'arrêta et changea.

Oui, il changea de « côté » à son bonnet.

Il se le mit de nouveau sur la tête, mais à l’envers !

Et presque aussitôt, garantissait-il, il retrouva le chemin du retour.

C'était bon à savoir, mais qui aurait pu penser à cela, à part lui, bien sûr ?

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