Michèle Ménes (épouse Goazou) nous raconte ses joies
et ses peines d'enfant et de jeune fille dans cette dramatique période de la seconde guerre mondiale
et dans la reconstruction d’un « Brest détruit ».
Je m’appelle Michèle et j’ai vu le jour à la Clinique du Docteur Delalande, 53 rue Victor Hugo à Brest, un 28 juin 1939.
Mon Père, engagé dans la Marine Nationale, n'était pas présent.
C'était l'Armistice depuis le 22 juin.
Il était affecté sur « L'Armorique », le bateau qui mouillait dans les méandres de l'Aulne.
Pour ma naissance, il a pu malgré tout obtenir une petite permission et se rendre à notre domicile.
À l'époque, nous habitions au 70 de la rue Jean Jaurès à Brest.
Début avril 1940 à Brest, seule dans ma poussette
Début avril 1940.
En uniforme, mon Père avec moi.
J’avais déjà 9 mois.
Le 5 juin 1940, naissaient encore à la même Clinique du Docteur Delalande mes deux sœurs jumelles prématurées, Nicole et Danielle.
Ma Maman Charlotte Ménes née Macé, avec ses 3 petites filles réunies :
Les 2 jumelles, Nicole et Danielle, dans ses bras et moi à côté.
Je ne suis pas du tout contente de les voir pleurer.
Ma Maman et moi le même jour.
Il ne faut pas oublier que les jumelles sont nées le 5 juin, c'est-à-dire 14 jours avant que les Allemands n’entrent dans Brest le 19 juin 1940.
Maman m'a raconté qu'elle les avait vus descendre la rue Jean Jaurès en chantant et en faisant claquer leurs bottes.
C'était terrifiant !
Alors qu'ils arrivaient au niveau de l'immeuble où nous habitions, l’un des leurs est sorti du rang...
puis s'est engouffré dans notre immeuble et est monté par l’escalier.
Elle entendait ses pas, complètement terrorisée.
Fort heureusement, il s'est arrêté au premier étage alors que nous étions au second.
Peut-être s'était-elle un peu penchée à la fenêtre pour regarder ce défilé si inquiétant ?
Alors, l'aurait-il aperçue ?
Imaginez-vous l’état d’anxiété dans lequel elle se trouvait ?
Seule, avec ses trois enfants en bas âge, et mon père qui était absent…
Brest en 1940 après la naissance de mes deux sœurs jumelles.
Ma grand-Mère maternelle les promène en landau.
Je crois que c’est du côté du Moulin Blanc.
Brest occupée, envahie, il devenait urgent de quitter les lieux.
Maman a donc pris le train quelques jours après avec ses trois petites filles.
Direction, Saint-Maixent l'École.
Je me demande toujours comment elle a pu supporter ce voyage, sans confort.
J'imagine, que rien n’était adapté pour recevoir des bébés.
Mais, une Maman est capable de déplacer des montagnes pour mettre à l’abri ses petits.
Nous nous sommes réfugiées dans les Deux-Sèvres, à Saint-Maixent l'École, où de la famille nous attendait.
Ce séjour s'est terminé de façon dramatique.
Mon Père est décédé dans un train mitraillé le 5 juillet 1944.
Mort pour la France à l'âge de 30 ans !
Saint-Maixent L'École
Mes deux sœurs et moi en 1940.
Le photographe était un original.