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Les petites histoires
de
Tonton Louis de Tréouergat

Sortilèges et tours pendables

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Pandores et tours pendables

 

Les gendarmes, il leur est arrivé, même à eux !, de se voir roulés, joués, dès qu'on trouvait le moyen d'un bon tour.

 

Les gendarmes sont des gens très bien, appelés par certains les « enfants de Jésus », et sans nul doute pour une bonne raison.

 

Chacun a toujours « trouvé mieux » de les voir de loin seulement.

C'est drôle, mais c'est encore comme ça.

Oh ! il n'était pas tellement compliqué de s'en écarter, surtout à l'époque où ils n'avaient encore ni auto, ni moto, mais comme tout le monde un simple vélo.

Pour les jeunes, c'était donc une occasion de plaisir « monstre » que de les amener à pédaler, en tirant la langue, le képi de travers, dans une course poursuite à perdre le souffle.

 

Venaient de la Foire du Nouvel An à Saint Renan quatre ou cinq garçons de Tréouergat.

Du haut du « Camp », à Lanrivoaré, à presque mi-chemin de chez eux, — endroit rendu célèbre par Napoléon qui voulait, de là, envahir l'Angleterre — nos jeunes aperçoivent les képis de deux pandores qui les suivent sur leurs vélos, à cinq cents mètres.

Aussitôt, il y eut un conciliabule entre eux :

— T’as pas vu qui nous suit ?

Bon ! Nous avons nos plaques et nos lumières !

Allons-y ! Traçons ! Comme si nous avions la frousse, aussi vite que nous pourrons.

Voyons s’ils viennent à nos trousses.

 

Nos gars se mettent donc à pédaler, encore plus « terribles » que Robic dans le Tour de France.

Ils traversèrent le Bourg de Lanrivoaré comme des « feux-filants », toujours suivis par les deux « képis » qui sifflaient de tous leurs poumons pour les arrêter.

Mais nos jeunes avaient décidé d’aller jusqu'au Carrefour de Penn-an-Dreff.

Là, ils s’arrêtèrent, tout tranquillement, comme pour bavarder entre eux et reprendre leur souffle.

 

Les « enfants » arrivèrent à leur tour, « l’eau » leur dégoulinant du front, la « crête » rouge de fureur, la parole sévère, pensant bien distribuer des amendes « comme il faut » à ces malandrins.

Mais ils eurent beau leur chercher des « poux », aucun des jeunes ne fut pris en défaut.

Ils avaient leurs plaques et leurs vélos étaient en règle.

Il fallut donc s'en revenir bredouille, mais bien plus doucement quand même !

​

 

Un dimanche soir, tous les hommes du quartier du Gwizou sont là, au bord du chemin de Coatauroc'h, à jouer aux quilles, comme c'est la bonne habitude des dimanches d'été.

Les chevaux de plusieurs de nos hommes n’avaient pas été conduits dans les pâtures, mais laissés à se promener selon leur fantaisie sur les bords des chemins.

Risquait-on quelque chose ?

Il n'y avait pas d'autos pour ainsi dire, ni davantage de gendarme, du moins sur les chemins du Gwizou.

 

Mais ce dimanche-là, les voilà !

 

Tout à coup, on entend des chevaux galoper et venir de la direction de Kervran.

​

— Qu'est-ce qu'il y a de nouveau ? Se demanda Fañch  ar Gwizou Névez, en levant le nez par-dessus le talus.

— Oh gast ! Les gendarmes sont en train de « pousser » nos chevaux, Job ! Les tiens et les miens !

Des amendes, on en aura ! C'est sûr !

Il n'y a qu'une chose à faire : leur dire que nous ne savons pas à qui sont ces chevaux.

— Oui! Mais ils iront tout droit dans ta cour de ferme tout à l'heure !

À quoi te servira de nier ?

Ferme la barrière de ta cour au moins, ils devront bien continuer leur route.

 

La barrière fut prestement fermée par quelqu'un avant l’arrivée du peloton des chevaux.

Ceux-ci durent donc s’en aller au-delà, dipa dapa toujours, dépassant leur chez eux.

Et vas-y, dans le vieux chemin Gwizou Nevez.

 

— À qui sont ces chevaux ? demandèrent les gendarmes à nos hommes, devenus tout à coup les plus sérieux du monde.

​

Personne n'en savait rien.

Nul ne reconnaissait aucun des chevaux.

En tout cas, ils n'étaient pas du quartier.

Aussi, les gendarmes les suivirent-ils dans le vieux chemin, plein de boue et de flaques d'eau sale, quoique passablement desséché ces jours-là, mais qui les ramenait à Kervran.

Et de nouveau au Gwizou, une fois, deux fois, trois fois.

Comment finirait la comédie ?

Les hommes ne jouaient plus du tout qu'avec leur « bonnet » !

Et les gendarmes trouvaient de plus en plus étonnants ces tours de manège nouvelle manière.

Ils étaient joliment « en pétard », vous pouvez le croire.

 

À la fin, Fañch  prit l’initiative d'aller ouvrir la barrière de son « prad » pour ramasser les chevaux avant que ne débouchent leurs poursuivants.

Mais il ne put le faire assez vite.

Il fut aperçu par les « enfants ».

Et payer, il dut, Fañch !

Pour quatre juments à la fois !

Car il ne vendit pas son voisin.

Ainsi il y eut tout de même moins de frais, partagés ensuite équitablement, comme de juste.

 

— Eh ! Regarde ! fit Fañch.

Avant de retourner aux quilles, allons prendre un coup !

Tout ça m'a donné soif !

Mais c'est à ton tour de payer maintenant, voisin !

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Et Fañch  « s'emballa » d'un rire sonore, suivi tout aussi bruyamment par tous les autres, en pensant au « Yann-Gendarme » qu'ils n’avaient pas réussi, même ensemble, à rouler.

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