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Les petites histoires
de
Tonton Louis de Tréouergat

Sortilèges et tours pendables

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Parties de chasse, dimanches de Pardons

 

De bien loin dans les temps anciens, les Tréouergatais furent toujours renommés pour être des chasseurs sans le moindre permis, des braconniers de premier ordre.

Au vrai, étaient bien rares autrefois à Tréouergat les jeunes qui n’avaient pas un « bout » de fusil ou de pistolet.

Ah ! quelle hâte on avait de voir arriver les pardons de Milizac, de Coat-Méal, de Plouguin, Guipronvel et Lanrivoaré !

 

C’est encore bien sûr Jakig an Ti Braz qui nous rapporte cela.

 

— Et pourquoi donc?

— Oh ce n’était pas pour aller payer des bonbons à des têtes légères !

Ces âneries-là n’étaient pas encore inventées, à cette époque.

Mais pour faire une bonne demi-journée de chasse.

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— Mais les autres dimanches, vous pouviez aussi y aller ?

— Ah oui ! Cela aurait été joli pour vous de rater vos vêpres !

Vous ne savez pas quelles mères nous avions jadis !

Demandez à Yvon d'Enez Rouz quelle raclée il avait ramassée une certaine fois parce que nous étions arrivés un peu en retard à vêpres !

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— Mais pour les pardons de Milizac, Coat-Méal, Plouguin la chasse n’est pas encore ouverte.

— Assa ! Bouche de trèfle !

Tu peux croire que pour nous à Tréouergat, elle ne fermait jamais, la chasse !

Fiche la paix à ma tête que je vous raconte mon histoire !

 

Quand donc survenaient ces pardons, dès que s’en était allé de votre gorge le dernier joli morceau de fars noir, l’Angelus ayant été dit à l’église, on s'était jeté sur nos fusils, et au grand galop dans la direction d'Enez Rouz, aussi bien ceux de Penn ar Prad que de Kerveret.

Nounn Enez Rouz était le « capitaine ».

La plupart du temps, on était deux ou trois fusils, trois ou quatre gars avec des bâtons et quatre ou cinq chiens.

C'était presque toujours dans les garennes du Traofi Bouzar que s'ouvrait le « touloumpi » : la pétarade.

Ensuite on visait vers les garennes du Penker, de Kergoff, en passant par Languiouez pour finir dans la montagne de Keruzoc, en haut de Pont-Prenn.

Vous pouvez croire que lorsque se levait une escadrille de perdreaux, nous étions quasiment sur le point de défaillir, avec tout le bruit qu'elles faisaient.

Souvent tout de même, quand on ne les voyait plus, on tirait dans leur direction.

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— Mais vous n’attrapiez sûrement jamais rien !

— Non ! sans doute, baratineur !

Si tu avais vu les feuilles de panais et les bouts d'ajonc vert voler, quand démarrait quelque chose !

Une fois même, je me souviens d'avoir vu le gars du Ti Braz revenir vers ses copains avec un superbe lièvre :

— Regardez donc, les gars, quel magnifique morceau j'ai abattu !

Au premier coup de feu, tout de suite, il a culbuté.

Mais le lièvre, ma foi, avait été surpris par le chien en son gîte, et il était donc bien « culbuté » avant qu’il ne reçût le fameux seul coup de fusil en sa partie postérieure.

Des bouts de lièvres et de demi-lapins étaient attrapés par nos chiens.

On faisait croire évidemment que tous ceux-ci avaient été « tués » avec des cartouches.

 

Voilà comment nous passions notre temps le dimanche.

N'était-ce pas mieux que d'aller aux pardons courir des filles douteuses ?

Encore qu'elles eussent alors leur poitrine plus habillée et leur robe un peu plus longue que maintenant.

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