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Les échos du vallon sourd

Chroniques d'un monde paysan
à jamais disparu


Louis Conq de Tréouergat raconte
 

Temps de Résistance - 2

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Dès la première nuit, des sentinelles furent postées sur tous les sentiers menant à Kergoff.

Quelques jours plus tard, toutes les routes étaient contrôlées, spécialement les carrefours.

 

Les premiers jours, le commandant avait une tête sombre et soucieuse.

Eh oui !

Nous avions retrouvé Grannec, aujourd'hui à la tête du Bataillon F.F.I., cela à la suite de la déportation et de l'exécution de plusieurs responsables plus gradés.

 

Dès le premier matin, je fus étonné de voir au Camp tant de gars de Tréouergat « même ».

Personne n'avait livré son secret, apparemment.

Le troisième jour, quatre de nos hommes furent dépêchés au-devant des Américains pour faire la jonction au plus tôt.

Il partirent dans une mauvaise auto, celle de Boursier, à travers les colonnes allemandes qui se repliaient du Haut Léon sur Brest.

 

Francis et Job en furent, mitraillettes aux quatre coins de la voiture.

Ils rejoignirent l'avant-garde américaine quelque part au-delà de Lesneven.

Ils revinrent après bien des péripéties, avec une poignée d'Américains et deux jeeps.

Dès lors, quelques hommes de nos groupes, qui étaient déjà armés, les suivirent jusqu'à Saint Pabu.

Là-bas se trouvaient encore cinq cents Allemands, prêts à se rendre.

Non pas aux F.F.I., car les allemands nous considéraient comme des terroristes, mais aux Américains.

 

Grâce au parachutage d’armes, plusieurs autres groupes F.F.I. furent largement pourvus en fusils Moser.

Chaque groupe de dix hommes disposait aussi d’un fusil mitrailleur, d'une mitraillette ou deux, et de deux ou trois douzaines de grenades.

A ce moment, nous pouvions être entre vingt et trente groupes F.F.I. au camp de Kergoff.

Il devenait indispensable d'avoir une intendance organisée :

viande, pain, patates furent réquisitionnés, mais dorénavant en faveur des « soldats » du pays.

Après quelques rafles dans les débits de tabac d’alentour, le tabac finit même par venir tout droit de la Manufacture de Morlaix.

 

Les jours suivants, il y eut des affrontements sévères en divers endroits, comme à Tréglonou.

Nos gars traversaient le bourg, souvent dans la soirée, par groupes entiers avec brassards, fusils et mitraillettes, pour aller prendre position.

La nuit venue, toujours des avions et de la D.C.A. en abondance.

 

Le 7 août, des Russes Blancs rejoignirent le camp de Kergoff.

Le bourg fut désormais gardé par quatre Russes et quatre F.F.I.

Les Russes, ralliés avec leur capitaine, ont changé de camp.

Nous avons ainsi été rejoints par près de deux cents hommes, précieux mais problématiques, avec trois canons de 37 mm et quelques mitrailleuses lourdes.

Le jour approcha où nous fûmes douze cents hommes au camp de Tréouergat.

 

Des camions bourrés de F.F.I. armés s’en allaient par le bourg en chantant la Marseillaise.

Tous les jours des Allemands étaient faits prisonniers.

Une poignée de femmes a été amenée à Kergoff, et proprement tondue pour avoir été trop intime avec l’ennemi

quand il était encore le maître dans le pays.

 

Des jeeps américaines étaient à nouveau à Kergoff.

Il se disait que Brest serait rasé si les parachutistes fanatisés de Ramke ne se rendaient pas.

 

Les attaques aériennes sur Brest se faisaient en effet très violentes.

Les vagues de bombardiers se succédaient sans cesse.

Mais nous, les F.F.I., notre travail essentiel étaient de contenir les Allemands dans leurs casemates, en attendant qu'ils se rendent aux Américains.

C'est bien dommage que ceux-ci les avaient laissés s'enfermer dans Brest.

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