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Les échos du vallon sourd

Chroniques d'un monde paysan
à jamais disparu


Louis Conq de Tréouergat raconte
 

Temps de Résistance - 1

 

Je savais pertinemment qu'il y avait, parmi nous, des hommes entrés dans la Résistance.

Sans aucun doute, en premier lieu, d’anciens soldats ou d’anciens marins qui savaient manier un fusil.

C'est ainsi que je ne fus pas autrement étonné quand Job Enez Rouz me prit un jour à part pour me confier un secret.

Il était donc de la Résistance, et attendait l’ordre de prendre le maquis.

 

On attendait un important parachutage d’armes, probable­ment à Tréouergat ou dans les environs.

Job me confiait tout cela tout en me demandant de faire office d'agent de liaison, pour éventuelle­ment aider le groupe de Résistance.

Tout spécialement en cas de recherches possibles, ce que les « Boches » ne manqueraient pas de faire après le parachutage, surtout si, d'aventure, il était réalisé avec quelques « bavures ».

Je demandais à être moi-même enrôlé, si du moins on voulait de moi.

 

À peine deux jours après, Job vint me dire :

« Ce soir, après souper, tu ne te couches pas.

Tu vas venir avec nous.

Prends tes souliers les plus solides, une musette, un peu de linge et une couverture pour coucher à la belle étoile.

J’espère que le parachutage est pour cette nuit. »

 

Quand vint le soir, je m’attendais à faire un bon bout de route.

Mais nous allâmes simplement jusqu'au Grand Plateau de Kergoff, là, tout près, à toucher les terres de mon père.

De nombreux hommes se trouvaient déjà là.

Plusieurs d'entre eux étaient armés de mitraillettes.

Et des jeunes gens arrivaient encore et encore.

À la fin, nous étions peut-être une centaine à attendre onze heures du soir.

La nuit était belle.

Mais le brouillard s’installa de plus en plus au-dessus des prés et la lune disparut peu à peu.

Un avion ou deux passèrent assez bas au-dessus de nos têtes.

À chaque fois, trois ou quatre torches électriques, sorties de je ne sais où, essayèrent de lui faire des signaux en morse.

Mais rien à faire !

Rien ne fut parachuté cette nuit-là.

Et la nuit suivante, non plus.

 

Peut-être n'était-ce pas plus mal.

 

Car les jours précédents, deux camions allemands, pleins de mitrailleuses et de soldats munis de fusils, avaient effectué une halte au bourg afin de prendre livraison à la mairie de huit cents livres de beurre et de quatre mille œufs réquisitionnés.

Le deux août, tandis que les Américains de Bradley arrivaient dans les environs de Rennes, des avions nous survolèrent toute la nuit.

Des fusées éclairantes et les tirs nourris de la D.C.A. illuminaient le ciel au-dessus de Brest.

 

À présent, notre Camp F.F.I. entame pour de bon son activité au Camp de Kergoff.

Nous sommes au moins une centaine d'hommes.

Des avions sont pris à nouveau dans les projecteurs, tandis qu'ils tournent à la verticale de notre commune.

S'ils ne parachutent toujours rien, des armes nous parviennent quand même d’un peu partout.

Le largage attendu sera finalement réalisé la nuit suivante, du côté de Loc-Majan, sur les terres de Plouguin.

Les armes tombent du ciel, sans beaucoup de dommage, même la partie des containers récupérés sur la grand-route, à sept ou huit kilomètres de là.

L'auto du garagiste Boursier va et vient, amenant des fusils.

Bientôt, il y a au Camp quatre tonnes d’armes et de munitions.

On peut maintenant équiper les hommes.

 

À suivre …

 

https://www.resistance-brest.net/article3173.html

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