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1938

La fièvre aphteuse
par Charles Léger

 

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Source : La Dépêche de l’Ouest 4 janvier 1938

 

À l'entrée de la cour intérieure des abattoirs où se tient la foire de Brest, on a disposé des bacs de lessive de soude et, sur une table, une cuvette emplie du même liquide et une serviette.

Les marchands de bestiaux, venus des régions atteintes par la fièvre aphteuse, doivent y tremper mains et chaussures.

La maladie se transmet avec tant de facilité et de si multiples façons que l'on ne doit pas négliger cette précaution.

Pas plus d'ailleurs que tant d'autres prescrites par des arrêtés successifs.

C'est ainsi que les camions comme les wagons affectés au transport du bétail doivent être obligatoirement désinfectés après chaque voyage.

 

Tout le commerce du bétail est soumis à une réglementation minutieuse et sévère.

Et l'on sait quelles mesures sont immédiatement prises dès qu'est décelé un foyer d'infection :

délimitation d'une zone d'interdiction autour de la ferme contaminée, établissement d'une zone d'observation pour les fermes du voisinage.

 

En dépit de toutes ces précautions, les cultivateurs hésitent à conduire leurs bêtes sur un champ de foire.

Certes, dès les premières apparitions de la maladie, nombre de fermiers ont précipité la vente, mais ils craignent à présent d'être contraints, s'ils ne trouvaient pas preneurs, de ramener à l'étable des animaux mis au contact de tant d'autres venus de diverses régions.

 

C'est ainsi qu'hier matin, la foire de Brest, qui, particulièrement à cette époque, est bien achalandée, ne réunissait pas plus de vingt vaches.

Les marchands étaient plus nombreux que les bêtes ; il en était venu des régions de l'Est et de Normandie.

 

Dans ces conditions, la vente se fit rapidement aux prix pratiqués aux précédentes foires et, vers le milieu de la matinée, les cultivateurs conduisaient déjà leur bétail vers la gare où s'effectuait la livraison.

 

Cependant, désireux de compléter leurs wagons d'expédition, les acquéreurs s'en allaient tenter de faire de nouveaux achats chez les revendeurs ainsi que dans les fermes de la région.

 

Pour les expéditions dans certains départements, comme la Manche par exemple, M. Cornic, directeur des abattoirs, délivrait un certificat indiquant le nombre, la provenance et le signalement des animaux.

Nous avons dit que le Finistère avait échappé à l'épidémie jusqu'au mois dernier, alors que tous les autres départements étaient atteints.

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La première constatation du mal fut faite à Bohars.

On sait quelles vigoureuses dispositions furent immédiatement prises pour en empêcher la propagation.

 

Mais la fièvre aphteuse est subtile.

Passe encore quand il y a transmission directe comme ce fut le cas au cours de la dernière foire de Morlaix qui se tenait la veille de Noël.

Les animaux ne présentaient aucun des symptômes de la fièvre aphteuse, mais certains devaient déjà porter le mal en incubation.

Aussi des bêtes acquises à cette foire se révélèrent bientôt malades et contaminèrent des étables à Ploudiry, Plouvien, Lanneufret.

 

Le cas de Saint-Pierre Quilbignon est mieux fait pour démontrer la diversité des agents de contagion.

Aux abords des réservoirs de la ville, un retraité de la marine occupe une maison qu'il a dotée d'une modeste étable où il élève une vache unique pour subvenir à ses besoins en lait et beurre.

L'immeuble est éloigné de plus de huit kilomètres à vol d'oiseau de toute ferme suspecte.

Ici on ne reçoit évidemment aucune visite des marchands habitués des foires.

De plus, depuis quatre mois, la bête n'avait pas quitté son étable.

Or, malgré ce complet isolement, on découvrait ces jours derniers qu'elle était atteinte par l'épidémie.

 

On chercha à définir les causes et l'on apprit que l'animal avait manifesté les premiers signes d'indisposition après absorption de choux-navets.

Dans ces conditions il fallait admettre que les plantes avaient reçu le contact de pies, corbeaux ou étourneaux, redoutables transmetteurs du germe.

 

Le mal s'est étendu à Guipavas, à Lambézellec, dans deux fermes.

L'une d'elles a été contaminée par une vache venant du Ponthou et acquise à la foire de Morlaix.

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À Gouesnou, un cas suspect a déterminé la mise de la ferme en zone d'interdiction pendant quinze jours.

 

À Bohars quatre fermes sont aujourd'hui atteintes.

Dans celle qui fut atteinte la première, tous les sont aujourd’hui convalescents.

Mais on constate que la production de lait a diminué dans de très fortes proportions.

 

Ici des prélèvements de sang ont été pratiqués afin de permettre d'utiliser la méthode de l'hémoprévention qui doit immuniser les animaux suspects.

 

Certes, l'apposition d'écriteaux révélateurs, comme celui dont nous publions la photo, à l'entrée des chemins menant à la ferme contaminée, peut avoir certain caractère de mise à l'index, rappeler de façon pénible les désignations de lieux où sévissaient la lèpre ou la peste, mais elle est d'une incontestable utilité.

 

Il est d'autres conséquences de l'épidémie qui revêtent un caractère plus regrettable.

M. Trébaol, vétérinaire sanitaire, nous citait le cas d'une ferme de Bohars possédant 22 vaches.

La production quotidienne de lait était d'environ 200 litres par jour.

 

Survint la fièvre aphteuse.

La vente du lait fut interdite.

Le prix de vente étant de 1 fr. 50 le litre, c'est depuis lors une perte journalière de 300 fr.

Il faut joindre à ceci le prix des soins et le considérable amaigrissement du bétail.

 

— Fort heureusement, ajoute le praticien, l'épidémie semble bénigne.

C'est ainsi que l'on n'a encore signalé aucune mortalité.

 

Formons des vœux pour que le mal ne s'aggrave pas et que, grâce aux diligentes et judicieuses mesures prises, on puisse bientôt noter sa régression.

 

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Source : La Dépêche de l’Ouest 13 mars 1938

La fièvre aphteuse a disparu dans le Finistere.jpg
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