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1892

Le capitaine Pouligo

 

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Source : La Dépêche de Brest 18 février 1892

 

Nous annoncions, il y a quelques jours, dans nos télégrammes de chronique maritime, que le capitaine d'infanterie de marine P..., surpris par des pirates, avait été tué dans le poste qu'il occupait dans le 4e territoire militaire, au Tonkin.

Il s'agissait du capitaine Pouligo.

Comme nous avions tout lieu de penser, lorsque nous parvint la triste nouvelle, que la famille du capitaine, qui habite Brest, ignorait encore le décès, nous avions cru devoir ne désigner le capitaine que par l'initiale de son nom.

 

Le capitaine Pouligo était né à Brest le 14 mars 1862.

 

Désigné sur sa demande, à sa sortie de Saint-Cyr, pour servir dans l'infanterie de marine, il avait été nommé sous-lieutenant la 1er octobre 1882 et affecté au 2e régiment de l'arme ;

lieutenant au 1er régiment le 1er mars 1884, il avait été promu capitaine le 12 septembre 1889 et affecté de nouveau au 2e.

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Sa trop courte carrière militaire fut des plus brillantes.

Envoyé au Tonkin, au début de l'expédition, il se signalait à la prise de Sontay, sous les ordres de l'amiral Courbet, et était blessé assez grièvement à l'assaut du fort de Phu-Sa (décembre 1883) ;

deux ans après, il prenait part à l’expédition de Lang Son, sous les ordres du général Brière de l'Isle, et se faisait remarquer par son courage et son sang-froid.

Plus tard, du Tonkin il passait au Cambodge et, à la tête d'un détachement de tirailleurs annamites, remportait en diverses rencontres de brillants succès sur les rebelles, contribuant ainsi, pour sa part, à la pacification du pays.

 

Le 1er novembre dernier, il s'embarquait une seconde fois pour le Tonkin, où, à son arrivée, il était chargé par le colonel Pennequin de rétablir la sécurité dans une région particulièrement troublée ;

c'est là qu'il est mort.

Il avait à peine trente ans.

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Source : La Dépêche de Brest 16 mars 1892

 

Nous avons annoncé, dans les premiers jours de février, la mort du capitaine d'infanterie de marine Pouligo, tué au Tonkin à la suite d'une surprise du poste qu’il commandait.

 

L’Indépendance tonkinoise du 9 février, arrivée en France par le dernier courrier, nous apporte sur cette surprise les détails suivants :

 

« Une affaire regrettable vient de jeter une note triste au milieu des succès qui n'ont cessé depuis plusieurs mois de marquer la marche de nos colonnes militaires.

 

« Le 5 février, vers sept heures trente du soir, le capitaine Pouligo, commandant le poste de Yen-Lang, se mettait à table lorsqu'on vint lui annoncer qu'un groupe de nha-quès demandait à se présenter devant lui.

 

« Malgré les ordres du général commandant en chef, qui a formellement interdit de laisser entrer les indigènes dans l'intérieur des postes, les prétendus nha-quès furent autorisés à pénétrer.

Ils n'étaient autres que des pirates déguisés ;

ils arrivèrent à la salle à manger de l'officier lui offrirent des œufs et des bananes, et amusèrent son attention par les formules de politesse habituelles, tandis que leurs amis, en nombre considérable, profitant du mauvais temps et de l'obscurité de la nuit, se répandaient sans bruit dans le poste et en prenaient possession sans être éventés.

 

« Disons de suite que leur stratagème était aussi favorisé par l'heure choisie ;

les sous-officiers européens étaient à leur pension, prenant le repas du soir, et la majeure partie des tirailleurs s'était rendue au village pour manger ;

il ne restait au poste qu'une vingtaine d'hommes.

 

« Quand ils jugèrent le moment opportun, les pirates sortirent leurs armes qu'ils avaient dissimulées ou tenues cachées sous leurs vêtements ;

et alors en un clin d'œil, des feux de salve éclatèrent sur tous les points du poste.

 

« La pension des sous-officiers est criblée de balles, tirées â cinq ou six mètres.

 

« Le sergent-major court prévenir le capitaine à sa salle à manger ;

mais celui-ci, en cherchant à se rendre à la porte sud pour organiser la résistance, tombe mortellement frappé et expire aussitôt.

 

« Le sergent-major, en voulant le mettre à l'abri, reçoit lui-même deux blessures graves ;

le poste de police, aux premiers coups de fusil, saute sur ses armes et essaie de riposter, mais la résistance à un ennemi si nombreux devient impossible ;

les sous-officiers s'efforcent de faire leur devoir, mais ne parviennent pas à opérer le moindre rassemblement, dans ce poste dont tous les recoins sont occupés :

Ils sont réduits à la triste nécessité de se dégager avec les quelques tirailleurs qu'ils ont sous la main et rallient le poste de garde civile de Tuphap, après avoir rejoint en route un escorte de vingt tirailleurs partie du poste le matin même pour Tu-Vu.

 

« Outre la mort du capitaine Pouligo que nous avons à déplorer, nous avons eu un certain nombre de tués et de blessés.

Le gros du poste, soixante-sept hommes, dont six sous-officiers européens, ont déjà rallié le poste de Tuphap. »

 

L’Indépendance tonkinoise ajoute :

 

« Le poste sera réoccupé dès le 10 lévrier et fortement reconstitué.

 

« D'autre part, l'autorité militaire se propose d'infliger une sévère leçon au doc-Nyn, et des ordres, déjà en cours d'exécution, vont diriger contre ses repaires une colonne suffisamment puissante, pour lui enlever toute velléité de reparaître de sitôt dans ces parages. »

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Source : La Dépêche de Brest 27 mars 1892

 

Nous avons donné, il y a quelques jours, d'après l’Indépendance tonkinoise du 9 février, le récit des circonstances au milieu desquelles le capitaine d'infanterie de marine Pouligo a été tué par des pirates, dans le poste de Yen-Lang qu'il commandait.

 

D'après l’Indépendance tonkinoise, notre malheureux compatriote aurait commis, malgré des ordres supérieurs contraires, l'imprudence de laisser entrer dans le poste des pirates qui s'étaient présentés sous un déguisement.

 

Le Tonkin nous apporte de l'événement une version différente.

La surprise du poste serait le résultat d'une trahison.

Voici, d'ailleurs, le récit du Tonkin.

 

« Il était huit heures du soir.

Les tirailleurs dormaient.

Les Européens achevaient de dîner.

La surprise a été complète.

On n'a pas eu le temps de sauter sur les armes.

Le poste a été envahi tout à coup par 250 pirates, les fusils pris, le capitaine tué, avant que personne ait eu le temps de se reconnaître »

 

On n'en regrettera que davantage la mort de ce jeune et vaillant officier, à la famille duquel sont allées spontanément dès l'arrivée de la triste nouvelle, pour adoucir, si c'était possible, sa douleur, toutes les sympathies.

 

 

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Source : La Dépêche de Brest 26 septembre 1892

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Source : La Dépêche de Brest 4 novembre 1892

 

Ce matin, à neuf heures un quart, aura lieu, en l'église Saint-Louis, comme nous l'avons annoncé, un service funèbre en mémoire des officiers et soldats de l'infanterie de marine décédés pendant les années 1891 et 1892 aux colonies.

 

L'église a été hier, dans l'après-midi, spécialement décorée à cet effet par les soins de la direction du port et M. Callot, maître armurier.

Des drapeaux tricolores, des faisceaux d'armes, des arbustes ont servi à cette décoration sobre et sévère.

Sur deux palmiers placés de chaque côté du catafalque, qui porte un cercueil recouvert du drapeau, deux écussons ont été disposés, sur lesquels on a inscrit les noms des officiers morts ces deux années passées :

MM, les capitaines Pouligo, Bellamy, Menou, et les lieutenants Latruffe-Montmeylian, Munier, Mazerand, Dumard, Ciau, Morin, Belin, Biétrix, Huillard, Bosano et Roux.

 

Des invitations ont été adressées par les officiers d'infanterie de marine aux divers services de la garnison et du port.

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