top of page


1895

Drame à bord d'un dundee brestois

 

 

Source : La Dépêche de Brest 5 août 1895

 

Mardi dernier, le dundee Saint-Joseph, du port de Brest, capitaine Leroux, quittait le port de Boulogne avec un chargement de ciment à destination de Nantes et entrait ce soir dans le port de commerce, n'ayant plus de capitaine à bord.

 

On ignore encore ce qui s'est passé exactement.

D'après les hommes de l'équipage, le navire se trouvait le 1er août, vers cinq heures du soir, à plusieurs milles, par le travers de Barfleur.

Le capitaine Leroux qui, depuis le départ de Boulogne, armé d'un revolver, était la terreur du bord, avait fait mettre par le mousse un youyou à la mer et, après avoir pris les papiers du bord et des vivres, aurait profité de la seule présence du mousse sur le pont pour abandonner le navire après avoir tiré un coup de revolver qui a atteint le mousse à la tête.

 

La blessure de ce dernier paraît sans gravité.

Le capitaine Leroux, seul dans son embarcation, a disparu sans que l'équipage, atterré par ses menaces, n'ait entravé sa fuite.

 

On ignore où il a atterri.

 

Dès que ces faits ont été connus par le commissaire de l'inscription maritime, cet officier a immédiatement informé le parquet, qui s'est rendu à bord pour procéder à une enquête et contrôler l'exactitude des dires de l'équipage.

 

Source : La Dépêche de Brest 8 août 1895

 

Le capitaine Leroux, commandant le dundee Saint-Joseph, du port de Brest, à bord duquel un drame s'est déroulé en mer, du 30 juillet au 1er août, est arrivé ce matin à Cherbourg, par le Laura, bateau de Southampton.

 

Le capitaine Leroux est un vieux loup de mer, doublé d'un Breton.

Il est âgé de quarante-huit ans et porte toute sa barbe.

Le navire qu'il commande lui appartient.

Voici les déclarations qu'il a faites en arrivant :

 

« D'abord, je ne suis pas fou, a-t-il dit.

Mes hommes et moi, nous n'avions jamais rien eu ensemble.

Ce sont les nommés Joseph Nicol, quarante-neuf ans, matelot ;

Bienaimé Dubost , quarante-trois ans, matelot ;

Guyomard, dix-huit ans, novice, et Cazeneuve , dix-sept ans , mousse. »

 

Dès le départ, une dissension a éclaté entre le capitaine et Nicol au sujet du mousse, que le matelot voulait faire débarquer sous prétexte qu'il était rempli de vermine, ou plutôt qu'il lui déplaisait.

Le capitaine refusa d'accéder au désir de Nicol et cette question devint le sujet d'une discussion continuelle.

 

Après avoir quitté Boulogne, Leroux fut réveillé, au milieu de la nuit, par une forte secousse, venant du pont.

Nicol, par un coup de barre maladroit ou intentionnel, avait fait passer le gui d'un bord à l'autre, au risque de casser un mât.

Le capitaine, en voulant amener le gui, fut renversé.

Ce n'est qu'à force d'appels que l'un des hommes vint le dégager de sa position critique.

 

Vingt-quatre heures se passèrent ensuite avec une tranquillité relative, bien que la capitaine crut entendre des propos dangereux pour sa sécurité.

Quelque temps après, Leroux, qui paraît très méfiant, profita du repos des hommes dans leur poste et tira un coup de revolver sur l'échelle du panneau.

La balle, ricochant, atteignit la mousse à la tête, lui faisant une blessure légère.

 

À la suite de cet acte de violence, l'équipage menaça Leroux de lui faire un mauvais parti.

Craignant pour sa vie, il s'enferma dans sa chambre, menaçant ses hommes de son revolver.

 

Dans la soirée, vers cinq heures, le Saint-Joseph passait devant Barfleur.

Le capitaine, s'adressant au novice, seul sur la pont, lui donna l'ordre de placer des provisions dans le you-you et de le mettre à la mer.

Il s'embarqua aussitôt et prit la large.

L'équipage, sans plus s'occuper de lui, fit alors route sur Cherbourg.

 

Ce n'est que le lendemain, vers trois heures de l'après-midi, que le capitaine fut rencontré dans sa petite embarcation par un trois-mâts anglais et recueilli à bord.

Le bâtiment allait à Rochester et la capitaine Pasquier, qui le commandait, déposa Leroux dans ce dernier port.

 

Leroux se rendit alors chez l'agent consulaire, qui le fit rapatrier par le premier paquebot.

En rentrant à Cherbourg, il a remis entre les mains de l'autorité un rapport circonstancié des péripéties de la traversée.

Selon lui, Nicol serait l'instigateur de la révolte dont il dit avoir failli être victime.

 

L'instruction se poursuit et, sans doute, elle fera le jour sur cette singulière affaire.

*

**

Source : La Dépêche de Brest 11 août 1895

 

Source : La Dépêche de Brest 12 août 1895

 

L'affaire du capitaine Leroux, commandant le Saint-Joseph, a pris une nouvelle tournure.

Les hommes ont été relâchés et le capitaine les a payés.

À l'inscription maritime, le commissaire leur a délivré un permis d'embarquement.

 

Cette affaire est donc terminée par un renvoi dos à dos, mais le capitaine n'est pas quitte avec l'autorité maritime, les règlements défendant, en effet, à un capitaine d'abandonner son navire dans n'importe quelle circonstance.

Le capitaine du Saint-Joseph sera traduit devant un tribunal commercial.

bottom of page