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1903

La laïcisation
de l'hôpital maritime de Brest

 

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Source : La Dépêche de Brest 11 novembre 1903

 

Notre correspondant parisien, nous télégraphie :

 

Nous croyons savoir que le décret qui laïcise les hôpitaux de la marine a été signé, aujourd'hui, au conseil des ministres.

 

Le texte de ce décret est très court.

Quelques lignes décrètent simplement que le service des hôpitaux de la marine n'est plus confié aux sœurs de la Sagesse.

 

Le rapport au président de la République, ou contraire, est très long.

II appuie surtout sur les incidents qui se sont récemment produits à Toulon et qui ont motivé de nombreuses observations de la part des contrôleurs de la marine.

*

**

Source : La Dépêche de Brest 12 novembre 1903

 

Nous avons annoncé, hier, qu'un décret avait été signé ordonnant la laïcisation immédiate des hôpitaux de la marine.

Le décret est précédé d'un rapport au président de la République et d'un nouveau règlement d'organisation.

 

Voici le texte officiel de ces divers documents :

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Charles Camille Pelletan

Ministre de la Marine

 

Rapport de M. Pelletan au président de la République française

 

Paris, le 6 novembre 1903.

 

Monsieur le président,

 

Des arrêtés du Directoire en date du 19 pluviôse an VI et du 7 vendémiaire an VIII ont décidé que les hôpitaux de la marine seront « desservis, s'il est possible, par des hospitalières, lesquelles ne pourront jamais en avoir l'entreprise ».

Un règlement impérial du 16 vendémiaire an XII a déterminé les fonctions que les sœurs rempliraient dans ces établissements.

La situation créée de la sorte, il y a un peu plus d'un siècle, dure encore aujourd'hui.

Mais il est douteux qu'elle réponde aux intentions de ses auteurs.

Contrairement à l'idée que le public se fait du rôle des religieuses, elles sont surtout occupées par la direction des ateliers et des magasins, par la gestion du matériel, par les comptabilités que de telles attributions comportent.

Il ne semble pas qu'il y ait lieu de s'en féliciter.

 

À la suite d'un incident récent, qui s'est produit à Toulon, et autour duquel la presse a fait un certain bruit, j'ai dû ordonner un examen minutieux de l'administration de nos hôpitaux en général et du rôle qu'y jouent les religieuses en particulier.

Les recherches auxquelles j'ai fait procéder ont révélé un état de choses tout à fait irrégulier et singulièrement grave.

Au mépris des règlements en vigueur et des principes les plus élémentaires de toute administration bien ordonnée, les sœurs se sont emparées des attributions et des prérogatives les plus inconciliables.

Les clefs des dépôts où le matériel est recueilli sont sorties des mains des fonctionnaires qui devaient les garder pour tomber dans leurs mains.

Elles cumulent la direction des ateliers où le matériel est créé ou réparé avec celle des magasins où il est conservé et avec la distribution aux services où il est employé et consommé.

Ainsi tout contrôle efficace sur les quantités existantes et les mouvements des objets ou des provisions se trouve à peu près impossible ; et la gestion d'un matériel considérable devient en quelque sorte fiduciaire.

 

Je lis dans un rapport du contrôle sur l'hôpital de Cherbourg :

 

« La règle chaque jour enfreinte à l'hôpital, ce n'est pas seulement que tout comptable est seul chez lui dans son magasin, c'est aussi qu'il est chez lui.

Dans la plupart des locaux qui viennent d'être examinés, ce n'est pas, en somme, de n'avoir chacun qu'une des clefs, que les comptables, garde-magasin et gestionnaire seraient fondés à se plaindre ;

c'est de les voir l'un et l'autre aux mains d'un tiers, avec cette aggravation que ce tiers est également l'agent du principal service consommateur : c'est, en effet, la sœur supérieure ou ce sont les sœurs qui détiennent ces clefs, et parfois les détiennent seules.

Ce qui se passe à la buanderie, se passe aussi à la couture, à la menuiserie...

En un mot le magasin, d'une façon générale, à quelque comptabilité qu'en ressortisse le matériel et quel que soit le comptable qui en a la charge, est le domaine des sœurs...

Il est incontestable que si les choses s'agencent de la sorte au consentement de tous, c'est parce qu'il s'agit des sœurs et non de telles ou telles autres personnes.

Mais une réglementation peut-elle dépendre dans son principe de ceux qui auront à l'appliquer ? »

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D'un autre côté, je lis dans un autre rapport du contrôle sur l'hôpital de Brest :

 

« Les sœurs tiennent une comptabilité à leur usage pour le matériel du gestionnaire, elles ont les clefs de ses magasins, disposent de ses approvisionnements et savent seules comment il est réparti.

Alors que dans tous les services on sépare soigneusement les magasins, les salles et dépôts, les ateliers, en les confiant respectivement à des personnes différentes, à l'hôpital de Brest, c'est le personnel des sœurs et spécialement la sœur supérieure qui a la haute main sur tous les services du gestionnaire.

Il serait donc facile à celle-ci de masquer des déficits ou des excédents, de se procurer des économies illicites de divers objets, etc., etc. »

 

À Toulon, où l'enquête a été plus longue et plus minutieuse, elle a fait connaître une situation aussi étrange qu'inacceptable.

Là, les sœurs ont à leur disposition des approvisionnements considérables appartenant à la marine, qui ne sont pas pris en charge et dont l'existence n'était constatée jusqu'ici par aucun document officiel.

Il y a dans ce matériel un pêle-mêle qui témoigne d'un désordre singulier, remontant a une longue série d'années.

On y trouve à côté de meubles, d'argenterie de table, d'étoffes, de vêtements, d’ustensiles de toute nature, etc., jusqu'à des pelles de terrassiers, une hache de bûcheron, des tubes de chaudières, des rechanges de machines, etc., etc., comme si les résidus de tous les services de la marine étaient venus s’y échouer.

Mais on y trouve surtout, avec un bizarre approvisionnement de métaux en barres ou en feuilles, d'importantes quantités d’étoffes, de linge, de vaisselle, d'objets de ménage.

Une partie de ce matériel est en surnombre dans les services dirigés par les sœurs ;

une autre s'entasse dans des armoires, dans des combles, dans des caves, dans des débarras de toutes sortes, dont les sœurs ont seules les clefs.

 

Les pratiques les plus déplorables se sont développées à la faveur d'un tel état de choses :

tantôt une sœur prend, pour confectionner des objets d'usage courant, une quantité d’étoffes assez excessive pour que la partie qui n’est pas employée constitue de fortes réserves inconnues des comptes officiels, dont elle dispose à son gré ;

tantôt, au contraire, la sœur fait fondre des ustensiles, dont quelques-uns sont tout neufs, pour les transformer en barres d'étain brut.

Tout cela se fait, bien entendu sans qu'il subsiste nulle part aucune trace des opérations ainsi effectuées.

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« En résumé, dit le rapport du contrôle sur les établissements hospitaliers de Toulon, il a été donné aux sœurs, dans le service des deux hôpitaux, une autorité dont elles ont abusé pour se créer des excédents de matériel au moyen d'expédients que l'on peut qualifier de répréhensibles. »

 

Il est inutile d'insister sur l'énormité d'un tel état de choses.

Dans tous les services publics, un ensemble de prescriptions minutieuses permet aux autorités compétentes de suivre le matériel dans tous ses mouvements, d'en constater les quantités, d'en régler l'usage, de n'en autoriser l'entrée, l'emploi, la transformation ou la destruction qu'après vérification et sous les garanties les plus précises, et de rigoureuses sanctions attendent, en cas de faute, les responsabilités engagées.

Des services où de telles précautions ne seraient pas prises se condamneraient aux gaspillages les plus ruineux.

La conception d'approvisionnements importants appartenant l’État dont une seule personne connaît l'existence, dont elle dispose à son gré, sans autre garantie que la confiance qu'on lui accorde, qu'elle emploie, transforme ou détruit comme il lui convient sans qu'il reste aucune trace de ses opérations, n'éveille pas seulement l'idée d'un désordre sans précédent :

C’est encore un défi au sens commun.

Et il est inouï de penser qu'au mépris de toutes les prescriptions auxquelles ils doivent obéir, non seulement des agents secondaires, mais des autorités de l'ordre le plus élevé de la marine, ont non seulement eu sous les yeux, mais encore organisé ou laissé organiser et couvert un pareil renversement de toutes les règles et de toutes les garanties dont ils avaient la garde.

 

On comprend, en présence d'un tel état de choses si anormal, l'impression produite sur le public, quand la presse lui a appris, à la fin de septembre, que les sœurs venaient d'expédier à une de leurs maisons 24 pesants ballots, chargés de 900 kilos de linge, d'objets de ménage et de matériel du culte.

Tout en possédant une liste sommaire des objets qui composaient cet envoi, nous n'avons plus les moyens d'en établir la nature exacte avec une précision suffisante.

 

Il semble donc impossible de tirer de l'incident une conclusion précise.

Mais les faits que cet incident a fait connaître subsistent et doivent être retenus à deux points de vue.

Tout d'abord — ai-je besoin de le dire ? —il est urgent de mettre un terme à un tel désordre.

Puis, il y a lieu de se demander comment de tels abus ont pu s'établir et éviter jusqu'ici la lumière.

Par quel concours presque universel de consentements ou de soumissions les fonctions et les clefs confiées à certains employés de la marine ont-elles pu passer sans protestation et sans bruit dans les mains des religieuses ?

Comment expliquer que dételles pratiques se soient développées, contre les prescriptions formelles des textes en vigueur, contre les conditions élémentaires de toute administration régulière, sans être arrêtées, ni par les agents dont elles réduisaient le rôle à une simple fiction, ni par la direction placée à la tête de nos hôpitaux, presque sous les yeux des autorités supérieures des ports, et à côté du contrôle si vigilant, chargé de surveiller pour le ministre le fonctionnement de tous les services ?

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Il est impossible de ne pas voir dans quelle large mesure ces résultats si étranges tiennent au caractère propre de l'élément étranger à la marine introduit dans nos hôpitaux.

Ce qu'ont en face d'eux les chefs des établissements desservis par les sœurs, ce n'est point un personnel semblable à ceux qui sont attachés aux autres services publics, ne connaissant d'autre autorité que l'autorité de leurs supérieurs administratifs ou militaires et pleinement responsables devant eux en fait comme en droit ;

ce sont des femmes, pliées il est vrai à une obéissance absolue, et acceptant avec une entière abnégation une discipline rigoureuse :

mais sous les ordres de pouvoirs monastiques complètement indépendants de la marine et de l'État ;

ou plutôt, c'est l'institution religieuse à laquelle les sœurs appartiennent, avec son esprit propre, sa puissante unité d'action et la force que lui donne l'Église dont elle relève.

Peu importe le caractère individuel des sœurs qui se succèdent dans chacun de nos établissements hospitalier.

C'est cette institution elle-même, qui, à travers leurs fonctions passagères, continua son action et poursuit ses empiètements.

C'est elle qui s'efforce de briser une à une les résistances qu'elle rencontre.

Et comment ne devinerait-on pas, alors même que les faits ne les mettraient pas en lumière, les complaisances ou les appuis qu'elle est certaine de ne pas demander en vain, dans les services de la marine, à de profondes convictions religieuses, très respectables assurément, mais auxquelles il est impossible de sacrifier les principes primordiaux de tonte bonne gestion ?

Ces concours, ces complaisances on les retrouve à chaque pas dans la création de l'état de choses que je viens de décrire.

D'ailleurs, avec le régime actuel, au cas de faute ou d'abus grave, où sont les responsabilités ?

On les dégage aisément à l'égard des autres personnels : l'agent négligent ou coupable peut être puni ou brisé sans délai.

Mais quelle prise en pareil cas la marine a-t-elle sur les religieuses ?

Tout ce qu'on peut attendre en cas de faute grave, c'est qu'une des sœurs quitte l'hôpital pour rentrer dans une maison de son ordre :

elle sera remplacée par une autre sœur appartenant à la même institution, et obéissant à une direction identique.

Faible ressource pour corriger des pratiques aussi mauvaises !

N'est-ce pas une vérité connue de tous, qu'il n'y a pas de gestion sérieuse de matériel sans responsabilité effective ?

 

Il semble donc que le seul moyen d'éviter le retour des abus qui viennent d'être indiqués est de renoncer à faire desservir les hôpitaux de la marine par un personnel congréganiste.

La marine possède à cet égard toute sa liberté d'action :

elle n'est liée a aucun ordre religieux par aucun contrat dont on ait trouvé trace dans ses archives :

la présence des sœurs n'a d'autre titre que des décisions du pouvoir exécutif sur lequel le pouvoir exécutif peut toujours revenir.

Dans ces conditions, je cherche en vain quelles objections valables on pourrait opposer à la mesure que je propose.

Si une importante portion du public croit très utile à nos établissements hospitaliers les services des femmes, qui, par les vœux qu'elles ont prononcés, ont renoncé pour elles-mêmes à toutes les joies de la vie, c'est en raison de l'esprit de dévouement que réclament les soins a donner aux souffrances et aux infirmités humaines.

Je n'ai pas à discuter si, comme nous le pensons, on peut trouver le même dévouement chez des laïques, puisque j'ai déjà rappelé que les fonctions remplies par les sœurs, dans les salles de nos malades, étaient très restreintes et d'importance très secondaire.

On ne voit pas pour quel motif un personnel religieux conviendrait mieux qu'un autre aux achats, a la gestion et à l'emploi d'un matériel quel qu'il soit.

Dans la plupart de ses attributions, le personnel des sœurs ne fait que superposer son action a des fonctions déjà remplies par le personnel propre à la marine.

La disparition des religieuses n'entraînerait donc ni difficultés de service ni augmentation de dépenses.

C'est ce dont il est aisé de se convaincre en passant rapidement en revue leurs attributions actuelles.

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Dans les salles de malades, les sœurs sont chargées de la distribution du linge, de celle des aliments et de la surveillance de l'administration des médicaments.

Elles font aussi des rondes de nuit.

La marine possède un excellent corps d'infirmiers, au dévouement, à la capacité duquel tout le monde rend hommage.

 

Le service de distribution de linge fonctionnera par leurs soins comme la veille ; quant aux deux autres, les infirmiers-majors s'en acquitteront comme ils le font dans ceux des hôpitaux militaires de la guerre qui ne sont pas desservis par des religieuses.

 

Dans le service de de l’alimentation, les sœurs sont chargées des achats journaliers, de la garde et de la distribution des denrées (service de la dépense) et de la surveillance de la cuisine.

La première de ces fonction revient naturellement au gestionnaire ou à un de ses agents, et la seconde à un de ses sous ordres du grade de commis au moins.

Quant à la surveillance de la cuisine, elle doit réglementairement être faite par le gestionnaire, le sous-directeur ou le médecin résident.

Le premier cuisinier pourra la compléter.

 

Dans le service des ateliers, les sous dirigeants surveillent le travail de la buanderie, de la lingerie et de la matelasserie.

Il est aisé de faire surveiller les buandiers et buandières par un ouvrier chef d'atelier.

Il en sera de même pour la matelasserie et la lingerie : une première ouvrière remplacera la sœur.

 

Dans les magasins, la direction exercée par les sœurs est, comme on l'a vu, contraire aux règlements. Il ne reste qu'à la restituer aux agents auxquels elle appartient.

Les travaux d'écriture, que faisaient les sœurs, seront effectués par des commis.

Il y en a en surnombre dans d'autres spécialités.

Quant ou matériel de culte, dont la garde était confiée aux sœurs, il appartient au service de la flotte et rentrera dans ses magasins.

 

S'il y a lieu, pour organiser ainsi les services, d'augmenter de quelques unités le nombre des gradés parmi les infirmiers et celui des ouvrières à la lingerie, le crédit aujourd'hui dépensé pour les sœurs  y suffira largement.

 

Si vous approuvez les considérations que je viens d'exposer, je vous prie de revêtir de votre signature le présent décret.

 

Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'hommage de mon respectueux dévouement.

 

Camille PELLETAN.

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Émile Loubet

Président de la République

 

Le décret

 

Le président de la République française, Vu l'arrêté du Directoire exécutif sur le service de santé de la marine du 7 vendémiaire an VIII ;

Vu le règlement sur l'économie intérieure des hôpitaux de la mariné du 16 vendémiaire an XIII ;

Vu l'ordonnance du 14 juin 1844 concernant le service administratif de la marine ;

Vu les décrets des 29 juin 1876 et 15 septembre 1882 concernant les infirmiers maritimes et les divers agents des hôpitaux de la marine ;

Vu le décret du 31 mars 1880 attribuant aux directeurs du service de santé l'administration et la police des hôpitaux de la marine,

 

Décrète :

Article 1er. — Les hôpitaux de la marine cessent d'être desservis par des sœurs hospitalières.

Art. 2. — Le ministre de la marine est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 10 novembre 1903.

 

Émile LOUBET.

Par le président de la République :

Le ministre de la marine, Camille PELLETAN.

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La nouvelle réglementation

 

Paris, le 10 novembre 1903.

Le ministre de la marine,

Vu le règlement du 16 vendémiaire an XIII sur l'économie intérieure des hôpitaux de la marine ;

Vu l'article 41 du règlement provisoire du 20 décembre 1844 sur le service du commissaire aux hôpitaux ;

Vu l'arrêté du 19 mars 1888 concernant les infirmiers de la marine ;

Vu l'arrêté du 31 mars 1890 sur le fonctionnement du service dans les hôpitaux de lu marine ;

Vu la circulaire du 14 août 1891 prescrivant de ne plus employer les sœurs dans les sections du groupe comptable des hôpitaux ;

Vu la circulaire du 6 novembre 1893 instituant l'agent administratif de la direction du service de santé comptable d'ordre du matériel en service dans l'intérieur des hôpitaux ;

Vu le règlement du 28 décembre 1896 sur le service de l'alimentation dans les hôpitaux maritime instituant l'agent administratif de la direction du service de santé gestionnaire des denrées et objets de consommation ;

Vu la circulaire du 28 décembre r896 portant :

1°- Que le gestionnaire sera comptable responsable du mobilier, des effets des malades, du linge et du matériel d'exploitation et que la sœur supérieure restera détentrice de ce matériel, à charge d'en rendre compte à l'agent administratif ;

2° - Que le gestionnaire exercera à l'égard des ateliers autres que les laboratoires les attributions déterminées par le titre IV de l'instruction du 8 novembre 1889 pour les officiers chargés d'ateliers ;

3° Que le personnel ouvrier relèvera directement du gestionnaire ;

Vu le règlement du 12 novembre 1898 remplaçant celui du 21 décembre 1896 sur le service de l'alimentation dans les hôpitaux, et notamment les dispositions des articles 38-40, ainsi conçues :

 

Article 38. — « Le gestionnaire assure le service de l'alimentation sous l'autorité et la surveillance du sous-directeur ;

il fait effectuer les achats à l'économie, il est comptable des denrées et des matières qu'il reçoit.

« L'action des sœurs dans les services spéciaux (dépense, cuisine, etc., s'exerce sous la direction du gestionnaire, envers qui elles sont responsables, savoir :

« La sœur chargée de la dépense, de la garde, de la conservation et de la délivrance des denrées ;

la sœur chargée de la cuisine, de la justification de leur emploi pour la préparation des aliments. »

 

Article 40. — « Le sous-directeur (ou le médecin en chef résident) s'assure chaque jour, par des inspections à la dépense, de la bonne qualité des denrées à mettre en consommation ;

il déguste, à la cuisine, le bouillon, la viande et les diverses préparations. »

 

Vu la circulaire du 3 décembre 1898, notifiant un nouvel article du médecin, ainsi que des dispositions sur la comptabilité du matériel à bord des bâtiments et dans les hôpitaux, notamment :

 

1° - Le paragraphe 49 portant que pour le matériel ressortissant ou groupe comptable, les remises sont faites à l'atelier des hôpitaux, à la tête duquel est placé un contremaître ou un chef ouvrier.

2° Le paragraphe relatif à la garde, par un agent autre que le comptable d'approvisionnement, du matériel appartenant aux bâtiments en réserve.

 

Vu la circulaire du 10 mai 1899 sur l'organisation du service de santé au point de vue du matériel pour la défense de la place, portant que le matériel ne ressortissant pas à la pharmacie centrale sera rattaché à l'inventaire du matériel en service.

 

Vu la circulaire du 26 février 1901 relative à la confection des effets de malades par des veuves et orphelines travaillant à domicile et payées par le gestionnaire.

 

Vu le décret du 10 novembre 1903 portant que les hôpitaux maritimes ne seront plus desservis par des sœurs.

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ARRÊTE :

 

Le service dans les hôpitaux fonctionnera comme suit :

 

Service des salles de malades.

La surveillance des infirmiers affectés au service des salles pour les soins à donner aux malades et la distribution des médicaments et des aliments est exercée par les infirmiers majors.

Les infirmiers majors des salles exigent que les infirmiers sous leurs ordres remplissent exactement leurs devoirs ;

ils veillent au bon ordre des salles, assurent leur propreté, y font maintenir la température déterminée par le médecin traitant et tiennent la main à ce qu'elles soient convenablement aérées ;

ils doivent être présents à la visite, ils assistent aux distributions, ils font de fréquentes tournées dans les salles, afin de pourvoir sur-le-champ aux besoins des malades et de faire connaître au médecin traitant le résultat de leurs observations. .

Chaque infirmier major fait, tous les matins, au médecin traitant, un rapport particulier.

Les infirmiers majors sont spécialement chargés de distribuer aux infirmiers sous leurs ordres le linge de corps ou de lit destiné a renouveler celui des malades et de veiller à la remise exacte du linge sale.

 

Service de l’alimentation.

Les achats à l'économie, limités strictement aux denrées qui ne peuvent être comprises dans les marchés, sont effectués, sous la surveillance du gestionnaire, par un des agents du personnel administratif placés sons ses ordres, ou, à défaut par un second maître infirmier.

La préparation des aliments est assurée par les cuisiniers et les aide-cuisiniers ;

le premier cuisinier surveillera la bonne exécution de ce service.

La garde et la distribution des denrées sont opérées par les ouvriers de la dépense, sous la surveillance de l'agent du personnel administratif spécialement affecté au service de l'alimentation.

 

Service des ateliers.

Le service des ateliers fonctionne sous la direction du gestionnaire.

Une première ouvrière est placée à la tête de l'atelier de couture.

Un chef ouvrier ou un ouvrier permanent est placé à la tête de chacun des ateliers de réparation (matelasserie, etc.).

Lorsque ces ateliers sont desservis par des femmes, le chef ouvrier est remplacé par une première ouvrière.

Un chef ouvrier dirige le service de la buanderie lorsque celle-ci est installée dans les locaux ou annexes de l'hôpital.

La buanderie de l'anse Saupin continue à être dirigée par l'agent du personnel administratif faisant fonctions d'administrateur.

 

Service des magasins.

La garde et la manipulation du matériel à la charge du garde-magasin de l'hôpital sont assurées par le personnel des comptables des matières, assisté d'ouvriers.

Afin de permettre au gestionnaire de se consacrer davantage à la direction du service intérieur, un agent comptable des matières, assisté de commis appartenant au même personnel et d'ouvriers, sera chargé provisoirement d'assurer la garde du matériel hors coffre appartenant aux bâtiments en réserve, du matériel de mobilisation de la place et du dépôt du matériel en service.

La comptabilité de ce matériel continuera a être indépendante de celle des matières en approvisionnement.

Le matériel du culte de bord ressortissant au garde-magasin de la flotte cessera d'être gardé à l'hôpital et sera placé dans les magasins du service de la flotte.

 

Signé : C. PELLETAN.

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Les préfets maritimes informés

 

Voici en quels termes M. le ministre de la marine a informé les préfets maritimes de la laïcisation des hôpitaux :

 

Le ministre de la marine à l'amiral commandant en chef préfet maritime.

 

Par décret en date d'aujourd'hui, les hôpitaux de la marine cessent d'être desservis par des sœurs hospitalières.

Vous trouverez ci-joint un arrêté rendu en exécution de ce décret, indiquant dans quelles conditions le service sera assuré à compter du 12 novembre courant.

 

Vous aurez à remettre à la disposition de leur communauté les sœurs employées à la direction du service de santé de votre port, en leur allouant des frais de route et en leur payant le mois courant.

Les sœurs de Toulon devront quitter les établissements de la marine à la date du 15 novembre courant.

Il est accordé un délai de huit jours aux sœurs de Cherbourg, de Brest et de Lorient, et un délai de quinze jours à celles de Rochefort.

 

Dans chaque hôpital, la sœur supérieure aura à justifier de la propriété des objets dont elle réclamera la sortie, devant une commission composée :

du sous-directeur du service de santé, du médecin de 1re classe résident, du gestionnaire et du garde-magasin, en présence du chef du contrôle résident.

 

Les bâtiments servant actuellement de couvent seront affectés au service général de l'hôpital, ce qui permettra de remédier aux insuffisances des locaux signalées dans les différents ports et de loger le gestionnaire.

 

Camille PELLETAN.

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L'opinion de la presse

 

Comme il faut s'y attendre, le décret de laïcisation donnera lieu à des discussions passionnées.

L'Officiel ne l'ayant publié que mercredi matin, c'est à peine si quelques journaux en ont fait mention.

 

Voici les seules appréciations laconiques que nous relevons.

 

De la Lanterne, socialiste :

 

M. Camille Pelletan vient d'accomplir un acte qui lui vaudra l'approbation de tous les républicains.

Il ne reste plus qu'à souhaiter que l'exemple de M. Camille Pelletan soit suivi par ses autres collègues et, en particulier, par le ministre républicain de la guerre.

 

Du Matin, socialiste :

 

Nous avons demandé à un haut fonctionnaire du ministère de la marine de vouloir bien nous donner quelques explications à ce sujet, et voici ce qu'il nous a dit :

 

— Cette mesure, qui aura des conséquences très grandes pour la propagation des idées républicaines dans le corps de santé de la flotte, était devenue indispensable.

Grâce, en effet, au concours que leur prêtaient les autorités maritimes et notamment les médecins chefs, les sœurs étaient omnipotentes dans les hôpitaux de la marine ; tout le personnel était à leur dévotion.

Elles ne s'intéressaient qu'aux malades qui, à leur instigation, faisaient montre de pratiques religieuses ;

elles leur réservaient les mets les plus délicats et les autres, nonobstant les prescriptions médicales, étaient réduits à la portion congrue.

« Quant aux soins à donner aux malades, ce service est, depuis de longues années, assuré par les infirmiers maritimes, véritable corps d'élite ;

les familles des marins peuvent donc avoir la certitude la plus absolue que ceux de leurs membres qui servent le pays seront tout aussi bien soignés et avec autant de dévouement que par le passé.

« En réalité, les sœurs ne s'occupaient presque uniquement que de la gestion du personnel quoiqu'il y eût dans chaque hôpital un garde-magasin et un gestionnaire.

Leur ingérence dans cette partie du service a été loin de profiter aux contribuables, car il y a eu des abus commis.

Je ne crois pas devoir insister sur ce point.

Il suffît de lire à cet égard les considérations exposées dans le rapport de M. Camille Pelletan à l'appui de la mesure radicale qu'il a fait approuver par le président de la République. »

 

Du Gaulois, conservateur, sous la signature L. Desmoulins :

 

J'apprends à la dernière heure qu'un décret du président de la République, rendu sur la proposition de M. Pelletan, laïcise les hôpitaux de la marine en en chassant les sœurs hospitalières.

Ce décret sera accueilli avec la plus grande faveur par les Italiens et par les Allemands, dans l'espoir que la Propagande se verra obligée d'appuyer son premier avertissement par une mesure plus importante.

 

Ces notes, émanant d'organes aux idées opposées, donnent une déjà suffisante idée de la bataille qui va se livrer autour du fameux décret.

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Exécutions à Toulon

 

Le décret de M. Pelletan vient d'avoir un premier contrecoup, ainsi qu'on le verra par la dépêche suivante, que nous envoie notre correspondant de Toulon :

 

« À la suite du décret laïcisant les hôpitaux de la marine, M. Pelletan a relevé de leurs fonctions, à Toulon, le directeur du service de santé Rouvier et le gestionnaire Esquier.

« Les disgraciés ont été invités à se démettre de leurs fonctions.

Ils sont accusés de négligence dans leur service.

 

« Les sœurs de la Sagesse vont quitter l'hôpital sous peu et regagner leur maison-mère. »

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Source : La Dépêche de Brest 12 novembre 1903

 

Par suite du décret laïcisant les hôpitaux de la marine, les religieuses de la Sagesse vont quitter l'hôpital maritime de Brest, où leur ordre était depuis 1777.

 

Nous croyons devoir donner quelques renseignements sur leur long séjour à Brest.

 

À Brest, on avait traité pendant longtemps les malades de la marine à l'hôpital civil.

En 1666, cet établissement ayant été incendié par la maladresse de quelques soldats de l'escadre du duc de Beaufort qu'on y avait admis, on sentit la nécessité de se pourvoir d'un hôpital spécial.

Malgré l'insistance de Duquesne pour obtenir les ordres du roi, malgré les représentations sans cesse renouvelées de l'intendant Dussuire, on fut réduit, pendant près de vingt ans, à placer les malades et les blessés du port de Brest soit dans les corps de garde inoccupés, soit sous des tentes, où ils étaient dans des conditions peu favorables au rétablissement de leur santé.

Ce ne fut qu'en 1684 qu'on éleva, sur le terrain de l'hôpital actuel, un petit hôpital qui, primitivement, ne devait contenir que 300 lits, auquel on refusa d'abord des salles de bains avec étuves et dont on reconnut bientôt l'insuffisance, puisque, en 1639, on jugeait nécessaire d'ouvrir de nouvelles salles, d'établir des appentis le long des murs et de recourir aux abbayes de Saint-Mathieu, de Daoulas et de Landévennec et à un établissement à Trébéron pour satisfaire aux besoins extraordinaires.

 

Les sœurs de l'Hôtel Dieu, de Vannes, furent d'abord appelées à desservir l'hôpital de Brest, mais des difficultés, soulevées par l'évêque de Léon, que la marine ne put lever, les firent remplacer, quelque temps après, par des sœurs grises ; celles-ci, à leur tour, ayant demandé à se retirer, on les remplaça définitivement par les frères de la Charité de Saint-Jean de Dieu, avec lesquels un traité fut passé en 1691.

 

En avril 1777, les sœurs de la Sagesse réintégrèrent de nouveau l'hôpital maritime, où elles restèrent jusqu'à ce moment et même pendant la Terreur.

 

Voici ce que dit, à ce sujet, dans son histoire du service de santé de la marine, M. Lefèvre, directeur du service de santé de la marine en retraite, en 1867 :

 

« À Brest, la première réunion du comité de salubrité publique eut lieu le 8 octobre 1793, sous la présidence du citoyen Coulomb.

Le citoyen Gesnouin, pharmacien en chef, remplissait les fonctions de secrétaire ; le chef d'administration des hôpitaux fut invité à prendre part aux délibérations.

 

« La première question dont s'occupa le comité fut relative aux sœurs hospitalières.

 

« Il reconnut l'importance des services rendus par elles et les graves inconvénients qu'il y aurait à s'en priver au moment où la guerre, par ses rigueurs, allait faire de nouvelles victimes qui auraient besoin de leurs soins actifs et intelligents, et où 1,700 malades en traitement dans les hôpitaux recevaient d'elles, le jour et la nuit, des preuves multipliées d'un zèle infatigable et d'un dévouement à toute épreuve.

 

« Le comité chargea M. Coulomb d'être l'interprète de ses vœux pour la conservation des sœurs de la Charité, si elles consentaient à prêter un serment qu'on exigeait des fonctionnaires publics, au nombre desquels on ne les avait jamais comptées.

À la séance suivante, les deux supérieures de l'ancienne communauté firent connaître leur résolution.

 

« Elles déclarèrent qu'elles aimaient sincèrement leur patrie, que le gouvernement républicain n'avait rien qui leur déplût, que leurs actions en étaient la preuve évidente, qu'elles étaient prêtes à faire les plus grands sacrifices, que nuit et jour elles continueraient à donner aux malades les soins les plus assidus, mais que leurs compagnes ayant été admises dans leur ordre par un vœu unanime et une union parfaite existant entre elles toutes, elles ne pouvaient consentir à prêter un serment qui aurait pour conséquence de leur associer des femmes étrangères à leur règle, ce qui détruirait les liens entre elles.

 

Les représentants du Peuple, informés de cette résolution, prescrivirent au comité de s’occuper, sur-le-champ, des mesures à prendre pour le remplacement des Sœurs de la Sagesse, dont ils ordonnèrent le licenciement.

 

« Il décida, en conséquence, que le système de la régie serait substitué à celui de l'entreprise dans la surveillance de l'administration de la marine ;

que la pharmacie serait remise aux pharmaciens ;

que le détail de la lingerie serait confié à une citoyenne républicaine ;

le blanchissage à un entrepreneur ;

que des femmes de bonnes mœurs, âgées de 30 ans, laborieuses et amies de la Révolution rempliraient dans chaque salle les fonctions d'hospitalières, après que le comité de salubrité navale, le conseil et la commune, et même la société populaire auraient prononcé, à la pluralité des suffrages, sur le mérite des postulantes.

 

« À Rochefort, les sœurs de Saint-Vincent de Paul refusèrent aussi de prêter le serment civique.

 

« Mais, ainsi que leurs compagnes de Brest, elles consentirent plus tard à modifier leur costume en substituant à leurs robes de laine des vêtements plus légers, de couleur peu éclatante ;

elles remplaçaient leurs manches larges par des manches étroites et leurs coiffes de toile par des bonnets garnis.

 

« À l'aide de ces légers changements, on les maintint sous l'autorité de leurs supérieures, dans l'exercice de leur pieux devoir d'hospitalières.

 

« Lorsque des vacances se produisirent, on leur adjoignit, comme aides, des femmes qui, sous l'habit laïque et sous le titre de sœurs citoyennes, partagèrent, pendant quelque temps, leur travaux.

De nombreux abus et plusieurs scènes scandaleuses démontrèrent les inconvénients de ce nouveau système, auquel on dut renoncer.

 

« Les sœurs de la Sagesse restèrent dans leur hôpital.

 

« En 1811, ce fut le couvent de Brest qui envoya des religieuses aux hôpitaux de Cherbourg et de Toulon.»

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À l'hôpital maritime, il y avait 40 religieuses, dont 36 pour le service des malades et quatre pour le service des fourneaux économiques de l'arsenal.

 

La supérieure de la congrégation à Brest est la sœur Sainte-Agnès des Anges, qui est à l'hôpital depuis 44 ans.

 

En 1895, l'amiral Besnard, ministre de la marine, vint lui-même de Paris pour remettre la croix de la Légion d'honneur à la sœur Sainte-Agnès des Anges.

 

Hier, les religieuses ont dressé l'inventaire du matériel qu'elles avaient en charge dans les salles et qu'elles vont remettre au gestionnaire.

 

Elles quitteront Brest sous peu et se retireront très probablement à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), où se trouve leur maison-mère.

 

Henry CALAIS.

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Source : La Dépêche de Brest 16 novembre 1903

 

On sait que dans sa lettre aux préfets maritimes leur notifiant le décret laïcisant les hôpitaux, M. Pelletan disait:

« Dans chaque hôpital, la sœur supérieure aura à justifier de la propriété des objets dont elle réclamera la sortie, devant une commission composée :

du sous-directeur du service de santé, du médecin de 1ère classe résident, du gestionnaire et du garde-magasin, en présence du chef du contrôle résident. »

 

Cette commission, dont feront partie MM. Barret, médecin en chef, sous-directeur, Mollet, médecin de 1ère classe résident, Corolleur, agent de 1ère classe du commissariat, gestionnaire, Le Parc, agent comptable de 1ère classe, garde-magasin, se réunira aujourd'hui, en présence de M. Merlan, contrôleur général, ou de son délégué, pour visiter les bagages des religieuses.

 

Le départ des sœurs aura lieu demain ou mercredi.

Avant de quitter Brest, elles se rendront à l'église Saint-Louis, où elles assisteront à un office spécial.

 

Elles partiront ensuite pour Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), où se trouve la maison mère des Filles de la Sagesse.

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Source : La Dépêche de Brest 17 novembre 1903

 

À Brest

 

La commission chargée de l'inventaire du matériel que les sœurs avaient en charge dans les différents services de l'hôpital maritime s'est réunie, hier, dans l'après-midi, pour procéder à cette opération.

 

Aujourd'hui elle visitera les bagages des religieuses.

Les sœurs seront ensuite autorisées à faire leurs malles.

 

Une prolongation de deux jours leur ayant été accordée, elles ne quitteront l'hôpital maritime que vendredi matin, vers neuf heures.

 

Elles ont l'intention de se rendre à l'église Saint Louis, où, avant leur départ, M. l'abbé Roull, curé-archiprêtre de la paroisse, leur donnera la bénédiction du Saint-Sacrement.

 

Les sœurs se dirigeront ensuite vers la gare de l'Ouest, où elles prendront le train de 11h. 20 pour Saint-Laurent sur-Sèvre (Vendée).

 

*

**

 

L'application de la décision ministérielle touchant le retrait des sœurs des hôpitaux a été mise, hier, en vigueur.

À cet effet, un agent comptable de 1ère classe des matières a été désigné comme garde-magasin.

Cet agent comptable sera secondé par deux commis de comptabilité de 3ème classe.

 

Deux commis de direction de travaux seront également affectés à l'hôpital maritime.

 

Un appel

 

Des affiches portant : Aux habitants de Brest ont été placardées sur les murs de la ville.

 

Nous en publions le texte, à titre documentaire :

 

« Les sœurs qui, depuis plus d'un siècle, à Brest, desservaient l'hôpital de la marine, sont congédiées.

 

« Celles que la Terreur même avaient épargnées sont chassées du chevet des malades, qu'elles soignaient avec un dévouement au-dessus de tout éloge, et auquel tous les gens de cœur et sans parti pris ont toujours rendu un juste tribut d'hommage et de reconnaissance.

 

« Un décret du 10 novembre les chasse, sans crainte de l'indignation générale, et le ministre Pelletan accorde à ces femmes vénérables et dignes de tous les respects un délai de huit jours pour faire place nette.

 

« Le rapport du ministre a cherché des semblants de prétextes, essayé de faire planer des soupçons et d'accuser de complicité ;

il a voulu jeter le discrédit sur ces religieuses et le corps médical de la marine.

Les unes, comme l'autre, n'en sortent que grandis et méritent, une fois de plus, la considération et l'estime !

 

« Le ministre Pelletan n'a pu donner qu'une raison de sa haine farouche et sectaire :

ce qu'il a voulu atteindre à nouveau, c'est l'institution religieuse à laquelle ces sœurs appartiennent.

 

« C'est ainsi que le ministre comprend la liberté :

voilà comment il la pratique et de quelle façon il reconnaît le désintéressement et récompense la charité !

 

« Vous tous qui avez vu a l'œuvre ces saintes filles qui ont soigné nos marins et soldats ;

vous qui connaissez la nature de leur abnégation et de leur sollicitude, récompensées maintes fois officiellement, vous vous inclinerez avec la plus douloureuse sympathie devant ces victimes de la foi religieuse et leur adresserez le juste et légitime hommage de votre admiration et de vos regrets.

 

« L'heure est au ministre Pelletan, mais l'avenir est à Dieu.

 

« Le comité brestois de l'action libérale populaire. »

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Source : La Dépêche de Brest 19 novembre 1903

 

M. Camille Pelletan, ministre de la marine, a cru devoir licencier les sœurs des hôpitaux maritimes, alors que le général André, ministre de la guerre, défendait, à la tribune du Parlement, l'institution des aumôniers, d'où il résulte que la cornette est plus dangereuse que la soutane pour la liberté de conscience des soldats et des marins.

 

Nous n'insisterons pas sur la contradiction de ces deux attitudes adoptées par deux membres du même cabinet.

 

Mais pourquoi, à Brest, accompagner la procédure de laïcisation de pratiques à tout le moins blessantes pour les religieuses qui en sont l'objet ?

Pourquoi fouiller leurs malles comme on fouille les bagages de domestiques suspectés de vol ?

 

C'est à cette opération, plus ridicule encore qu'anticléricale, qu'une commission a consacré toute la journée d'hier à l'hôpital de Brest.

 

Après cette visite, les religieuses ont été autorisées à emporter leurs malles !

La police en surveilla, sans doute, le transport...

 

Le ministre, qui n'oublie rien, a réglé les indemnités de voyage qui vont être allouées à chaque religieuse pour regagner la maison-mère de Saint-Laurent-sur-Sèvre :

Madame la supérieure est assimilée, en l'occurrence, à un lieutenant de vaisseau, et les simples religieuses aux aspirants de 2ème classe !

 

La délicatesse de ces procédés n'échappera à personne ;

la vieille galanterie française en recevra un nouveau lustre.

 

Les religieuses quitteront définitivement l'hôpital maritime demain matin, à neuf heures, et se rendront à l'église Saint-Louis, où une cérémonie sera célébrée à leur intention.

 

Le départ s'effectuera ensuite par le train de 11 h. 20, se dirigeant sur Nantes.

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Source : La Dépêche de Brest 21 novembre 1903

 

Les sœurs de la Sagesse qui, depuis 126 ans, étaient employées à l'hôpital maritime, ont quitté Brest, hier.

 

Dès huit heures du matin, une foule considérable, évaluée à près de 10,000 personnes, allait stationner dans les rues et sur les trottoirs par lesquels devaient passer les religieuses.

Un service d'ordre avait été établi par la police, qui empêchait les groupes de stationner sur la chaussée.

 

À 9 h. 1/4, les religieuses quittent l'hôpital.

Elles sont accompagnées, jusqu'à la porte principale, par MM. Friocourt, directeur du service de santé de la marine, et Barret, médecin en chef de 1ère classe, sous-directeur, qui leur font leurs adieux.

 

À ce moment, MM. le contre-amiral de réserve de Bausset, Deschard, commissaire général, Henry Homo, l'abbé Roull, curé-archiprêtre de Saint-Louis, l'abbé Joncour, vicaire à Saint-Louis, reçoivent les religieuses, ainsi que de nombreuses dames de la société.

 

Quand apparaît la supérieure, sœur Saint-Agnès des Anges, portant la croix de la Légion d'honneur sur la poitrine, des fleurs sont jetées sous ses pas et des cris de :

« Vivent les sœurs ! » éclatent.

 

Le cortège se forme alors.

 

De nombreuses dames encadrent les religieuses, qui ont peine à se frayer un passage au milieu de la foule.

Tout le monde se découvre.

Les sœurs, en sortant de l'hôpital maritime, se rendent, par la rue de la Mairie, à l'église Saint-Louis.

À l'angle de la rue de la Mairie et de la rue Fautras, près de l'école des mécaniciens, un groupe de quelques anticléricaux poussent des cris de :

« À bas la calotte ! »

La police a peine à faire livrer passage au cortège, la circulation des tramways est interrompue.

 

Près de la place Saint-Louis, les agents sont obligés de se multiplier pour débarrasser la chaussée.

Sur la place d'Orléans et sur le perron de Saint-Louis, il est impossible de se frayer un chemin.

Toutes les marchandes de légumes et marchandes de poisson ont quitté leurs étalages et se précipitent au-devant des religieuses, devant lesquelles elles chantent des cantiques.

C'est avec les plus grandes difficultés que les religieuses peuvent arriver à l'église Saint-Louis, où M. l'abbé Roull les conduit et les place.

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L'église est comble.

Comme dans la rue, les religieuses avancent difficilement devant le chœur.

Toutes les chapelles qui entourent le maître-autel sont envahies.

Dans le chœur, de nombreux prêtres, venus de partout, sont assis, attendant le moment de la cérémonie.

À 9 h. 3/4, la maîtrise, dirigée par M. l'abbé Le Berre, entonne le Miserere.

M. l'abbé Roull monte ensuite en chaire et adresse aux religieuses l'allocution suivante :

 

Mes sœurs,

 

C'est au milieu de vos malades qu'un ordre de départ vous est arrivé.

Le coup a été dur pour vous.

Vous aviez espéré que vos longs et loyaux services rendus à la marine par votre famille religieuse vous auraient mises à l'abri de toutes les pénibles surprises.

Même aux jours sombres de la Terreur, ceux qui faisaient couler injustement le sang de leurs frères n'avaient pas osé, autant par admiration pour vos vertus que par humanité pour les malades, enlever vos sœurs à cet hôpital.

Vous étiez en droit de compter au moins sur les mêmes égards, car vous n'avez pas démérité.

 

Votre dévouement est à toute épreuve.

Il n'a pas failli un jour, non, pas un seul jour.

Les milliers de malades qui ont reçu vos soins et que la mort a épargnés sont là pour témoigner en votre faveur.

À ce témoignage viendrait, s'il en était besoin, s'ajouter celui des administrateurs et du corps médical tout entier.

D'ailleurs, vous portez sur la poitrine, madame la supérieure, la marque la plus éclatante et aussi la plus incontestable des mérites acquis.

C'est le président de la République lui-même qui vous l'a décernée.

En vous envoyant cette croix de la Légion d'honneur, M. Félix Faure entendait bien reconnaître vos services personnels d'abord, puis ceux de vos chères sœurs.

C'est la congrégation des Filles de la Sagesse, de ces irréprochables hospitalières de nos hôpitaux maritimes, qu'il s'est donné la satisfaction de décorer.

Il avait pour elles une si profonde vénération, il était, lui ancien ministre de la marine, si reconnaissant de leur dévouement, qu'il voulait, la même année, dans son inoubliable visite à Brest, remettre de ses propres mains la médaille d'honneur à l'une de vos plus anciennes compagnes, à votre chère sœur Sainte-Léonie.

( Entre temps, l'amiral Besnard, qui avait vu à l'œuvre les hospitalières de Brest et n'avait pas oublié leur esprit d'abnégation, leur intelligent empressement dans le soin des malades, désigna pour recevoir la médaille d'or votre chère sœur Saint-Célerin, l'incomparable veilleuse, qui s'est acquittée de son emploi pendant trente-quatre ans, sans jamais se plaindre, toujours bonne, toujours souriante, fidèle à sa tâche jusqu'au jour où la vieillesse et les infirmités sont venues l'abattre sur sa pauvre couche, pour attendre la mort qui était proche.

 

Ce n'est pas pour obéir à un sentiment de mesquine vanité que vous avez voulu, mes Sœurs, orner aujourd’hui votre poitrine de l'insigne de l'Honneur.

Vous tenez seulement à rappeler, et qui donc vous en blâmera ?, que le passé de votre congrégation est marqué par des services, non par des indélicatesses, que vous avez toujours été des femmes du devoir, non des servantes équivoques, et que vous défiez tous les soupçons qu'on pourrait essayer de faire planer sur vous.

 

Il y a cent vingt-six ans que nos Sœurs entrèrent à l'hôpital de Brest pour y soigner les malades.

La marine ne, saurait oublier ce que vous avez fait pour elle pendant cette longue période d'infatigable dévouement.

Elle vous bénit et sera heureuse de saluer le jour où vous reprendrez votre place dans une maison où vous avez adouci tant de souffrances, bercé de douces espérances de bonheur qui ne finit pas, tant d'âmes attristées, consolé tant de pères et de mères auprès du lit d'agonie de leur fils qu'ils voyaient mourir, grâce à vos douces et incessantes exhortations, le sourire aux lèvres, la croix entre leurs mains défaillantes, le regard déjà plein des célestes visions.

 

Vous pouvez compter aussi sur la sincère reconnaissance de la population brestoise—je parle de la population qui ne s'est pas laissé prendre aux théories malsaines et aux excitations haineuses de meneurs étrangers, mais qui, dans la liberté de son esprit resté droit et de son cœur resté haut, apprécie à sa juste valeur et admire la générosité d'une vie consacrée à servir ceux qui souffrent et à mettre la paix dans leur âme.

 

Est-il nécessaire de vous redire, en ce moment, ma reconnaissance personnelle ?

Vous ne l'ignorez pas, mes Sœurs, car en plus d'une circonstance j'ai eu le bonheur de vous l'exprimer.

Et cependant, à l'heure de votre départ, je sens que pour satisfaire mon cœur de prêtre et de pasteur, je dois encore vous dire merci !

 

Merci pour le saint exemple que votre piété a donné à ma paroisse ; merci pour vos prières, auxquelles j'ai eu tant de fois recours, merci pour votre précieuse collaboration dans l'œuvre que Dieu m'a confiée du salut des âmes.

 

Les âmes ! ah ! mes Sœurs, c'est à elles d'abord que vous avez pensé quand il a fallu vous résigner à partir.

Qui donc leur proposera désormais le pardon de Dieu ?

Qui donc écartera d'elles les déchirantes angoisses de la mort ?

Qui donc les préparera pour le ciel ?

 

C'est aussi ma grande préoccupation et ma grande douleur en ce moment.

Vous continuerez à les partager, mes Sœurs, et dans quelque lieu que la Providence vous conduise, je suis sûr que votre souvenir vous ramènera tous les jours auprès des malades de l'hôpital et que vous prierez avec tout votre cœur pour que la miséricorde de Dieu ne trouve pas de rebelles parmi eux.

 

Je vous ai demandé, mes Sœurs, d'offrir à cette même intention le lourd sacrifice qui vous est imposé.

Vous me l'avez promis.

Merci, mes Sœurs.

 

Vous m'avez également promis de maîtriser les sentiments de vive et légitime indignation que vous avez éprouvés en apprenant les cruelles exigences qui accompagnaient l'ordre d'un départ à bref délai, et de pardonner à vos exécuteurs.

Ce n'est point, je crois, trahir vos dernières confidences en disant, du haut de cette chaire que quelques-unes d'entre vous ont poussé la générosité jusqu'à faire pour eux le sacrifice de leur vie.

 

Merci, mes Sœurs, votre résignation et votre héroïsme appelleront la grâce sur ceux qui sont cause de vos larmes, aussi bien que sur ma paroisse et sur votre hôpital.

 

Merci au nom de monseigneur l'évoque de Quimper, qui me charge d'être auprès de vous son interprète dans ce douloureux adieu, et de vous assurer « qu'il souffre avec vous, qu'il prie pour vous, qu'il vous bénit très paternellement. »

 

M. l'abbé Treussier, recteur de Saint-Marc, ancien professeur de philosophie au séminaire de Quimper, assisté de MM. les abbés Gouzard, vicaire à Saint-Martin, et L'Helgoualch, de Lambézellec, donne ensuite la bénédiction.

 

La cérémonie se termine par le Parce Domine.

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La foule s'écoule lentement de l'église.

Les religieuses mettent près d'un quart d'heure pour se rendre de la nef au perron.

La place du marché, depuis la rue de la Mairie jusqu'à la rue Kéravel et la Grand'Rue, est noire de monde.

Il est impossible de fixer le chiffre des personnes qui apportent un dernier hommage aux religieuses.

Quand celles-ci apparaissent sous le porche de l'église, elles sont saluées par des ovations.

Les mêmes cris que précédemment sont poussés par la foule, qui déborde encore le cordon d'agents de police.

 

Dans le cortège, de nombreuses personnes pleurent, tandis que d'autres entonnent des cantiques.

Au coin de la rue de la Mairie et de la Grand'Rue, le cortège est obligé de piétiner sur place.

La foule se masse devant le numéro 11 de la rue de la Mairie, où se trouve l'établissement des Sœurs Franciscaines. ...

Le cortège s'arrête.

Des cris de : « Vivent les sœurs ! Vive la liberté! » retentissent à nouveau.

Les hommes agitent leurs chapeaux et leurs cannes.

 

Après cette station, le cortège se met en marche pour se rendre à la gare.

À la porte Foy et sur les fortifications, de nombreuses personnes sont là et saluent de quelques vivats les religieuses.

Elles arrivent à la gare à 10 h. 25.

La cour est bondée.

On aperçoit des grappes humaines sur les talus voisins.

Le spectacle rappelle, par le nombre et l'animation des manifestants, le départ de M. Pelletan lors de son premier voyage à Brest.

MM. Moërdès, commissaire spécial ;

Gibert, commissaire spécial adjoint ;

Sénac, commissaire central ;

Martin, Lefebvre, Dupuis et Lomont, commissaires de police, essaient en vain d'établir un barrage pour livrer passage aux religieuses, qui sont bousculées, malgré la garde qui les protège.

Mme la supérieure, Sœur Sainte-Agnès, pénètre dans la gare et n'en peut plus.

MM. l'abbé Roull, Deschard, l'amiral de Bausset et Henri Homo la soutiennent.

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Malgré les précautions prises par l'administration des chemins de fer de l’Ouest, la salle des pas perdus a été envahie.

MM. Aubé, chef de gare principal, et Barillot, sous-chef de gare, ne peuvent contenir les manifestants.

Toutefois, une à une, les religieuses entrent dans la gare ;

on les fait passer par la porte des bagages.

La foule se répand ensuite du côté de la gare des marchandises et de la cour d'arrivée, et sur le boulevard Gambetta.

La police intervient encore, pour empêcher l'invasion du quai d'embarquement par la gare des marchandises.

 

Malgré toutes ces précautions, plus de 500 personnes peuvent arriver près des Sœurs en prenant des billets de chemin de fer pour le Rody, la compagnie ayant refusé de délivrer les tickets ordinaires donnant accès sur le quai.

 

Nous remarquons là de nombreuses notabilités brestoises, des officiers, des ouvriers, des étudiants et des membres du barreau, qui viennent adresser un dernier adieu aux religieuses.

Celles-ci sont en larmes.

 

Les religieuses prennent place dans un wagon de 3e classe du train 526.

Elles sont 36 partant par ce train : l'une pour Quimperlé, trois pour Auray et 32 pour Evrunes-Mortagne.

 

Une dame vient offrir un bouquet à la Mère supérieure.

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Quelques minutes avant le départ du train, l'amiral de Bausset vient se mettre devant le wagon occupé par les sœurs et leur adresse un discours, dont voici le résumé.

 

Mes bonnes sœurs,

Au moment où vous allez partir, permettez-moi de vous offrir l'expression de notre reconnaissance et de notre respect.

Je me fais l'interprète de la Population brestoise tout entière, dont les fils, frères ou pères, ont été soignés par vous.

Les malades qui restent à l'hôpital jettent des regards de regret sur cette place que vous laissez vide, pendant que leurs parents songent qu'ils n'auront plus le secours physique et moral que vous leur apportiez jadis.

 

Mais quelque chose que je ne puis laisser passer sous silence, ce sont les insinuations — car ce ne sont même pas des accusations — que l'on a osé faire planer sur vous.

La population brestoise en a fait justice en les repoussant avec la dernière énergie.

 

D'ailleurs, nous nous reverrons bientôt, mes chères Sœurs.

Quand la tourmente actuelle sera passée, vous nous reviendrez, sinon vous, du moins celles qui vous succéderont, et nous les reconnaîtrons aux vertus dont tant de fois vous nous avez donné l'exemple.

 

Au revoir, mes bonnes sœurs, au nom de tous, ici-bas ou au ciel !

 

Ce discours a été fréquemment interrompu par des applaudissements.

Le wagon est presque pris d'assaut par les nombreuses personnes qui vont serrer la main aux religieuses.

Les portières sont fermées.

 

À 11 h. 1/4, le chef de gare prévient la foule de s'écarter du wagon.

Cinq minutes après, le sifflet retentit et le train s'ébranle, emportant les religieuses.

Sur le quai de la gare, dans la cour et sur le boulevard Gambetta, des clameurs retentissent, tandis que les mouchoirs, les chapeaux, casquettes et cannes s'agitent.

 

La Mère supérieure et trois autres religieuses sont restées à Brest pour liquider les affaires de la congrégation et mettre les bagages en ordre avant de les expédier à Saint-Laurent-sur-Sèvres.

Ces religieuses sont restées chez Mlle Hubé, 7, rue de la Mairie.

 

Après le départ des religieuses, la foule s’est écoulée lentement.

 

En somme, cette manifestation a été très digne, très sage, et n'a provoqué, sur la voie publique, aucun trouble fâcheux.

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Les anticléricaux

 

Après la manifestation catholique du matin, les socialistes ont jugé bon de nous offrir, le soir, la manifestation anticatholique et internationaliste.

À huit heures, un certain nombre d'entre eux se réunissaient sur le Champ-de-Bataille, où ils rencontrèrent quelques jeunes gens des cercles religieux.

Les deux camps crièrent également.

Quelques coups de poing furent même échangés, mais sans causer de blessure.

 

M. Denier, procureur de la République, se trouvait sur la place.

 

Les socialistes se forment en colonne et se lancent en ville, escortés par des agents de police, sous la direction de M. Lomont, commissaire de permanence.

 

Les manifestants, chantant l'Internationale et la Carmagnole, passent devant les presbytères des Carmes, dans la rue Duguay-Trouin, de Saint-Louis, dans la rue Algésiras, s'égarent dans les quartiers sombres de l'Harteloire pour le simple plaisir de pousser quelques « Hou ! hou ! » devant le patronage Saint-Louis, descendent la rue Lannouron, crient « À bas les sœurs ! » devant l'hôpital maritime et remontent la rue de la Mairie.

 

Là, une surprise les attendait. M. Sénac, entouré de ses commissaires et des agents, stationnait devant la porte de la caserne Fautras.

M. Sénac, très calme et très digne, se porte au milieu de la rue et conseille aux manifestants de se disperser silencieusement.

Ses paroles sont accueillies par des cris hostiles, et la colonne se remet en marche. M. Sénac dispose alors un barrage d'agents que les manifestants sont autorisés à traverser par petits groupes.

 

Dix mètres plus loin, ils se reforment en cortège et entonnent à nouveau la Carmagnole.

 Cette fois, les agents font disperser les anticléricaux.

Ils sont refoulés par toutes les rues et bientôt la place est nette.

Mais un certain nombre d'entre eux se réunissent à nouveau au coin de la rue de la Mairie et de la Grand'Rue.

Ils stationnent, poussant divers cris entrecoupés de couplets révolutionnaires.

 

De nouveau, M. Sénac intervient et, en quelques instants, les manifestants sont refoulés dans tous les sens, avec une énergie qui qui leur montre suffisamment qu'ils feront mieux de ne plus insister.

C'est ce qu'ils se décident à faire et, à 9 h. 45, il ne reste plus que quelques curieux et quelques agents.

 

En somme, si la journée fut mouvementée, nous avons la satisfaction de constater qu'elle n'a été marquée par aucun incident grave.

 

 

Lien pour en savoir plus sur l’ancien hôpital de Brest : Cliquer ici

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