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1928


Le nouveau port de l'Île Longue
par Charles Léger

 

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Source : La Dépêche de Brest 24 décembre 1928

 

Une falaise abrupte que les navires pouvaient frôler sans danger, si dure que la roche porphyrique qui la constitue défie les aciers les mieux trempés, a été tranchée net, comme une simple brioche, pour permettre, l'installation d'un port à sa base.

 

La falaise ? La pointe de l'île Longue.

Le port ? Destiné au réglage des torpilles,

 

N'était-ce pas jouer la difficulté que de construire en pareil endroit !

On ne pouvait guère faire autrement.

 

Il y a près d'un demi-siècle, on installait un poste de réglage sur la jetée de l'Est.

Bien que très sommaire, il suffit aux besoins pendant des années.

Mais, comme tous autres engins, la torpille, a subi depuis cette époque d'importantes transformations.

Son volume s'est accru, ainsi que sa portée.

Véritable petit navire elle véhicule à présent sa terrible charge à des distances considérables.

 

Comment eût-on pu continuer les réglages sur le trop modeste parcours de la jetée de l'Est au banc de Saint-Marc !

Un champ de tir autrement vaste s'offrait en rade depuis la baie du Fret jusqu'à la rivière du Faou.

On voulut l'utiliser.

Et tirant un dernier parti du vieux transport Indre, on l’ancra à quelque distance de la pointe de l'Île Longue, après l'avoir doté, comme un navire moderne, de tubes lance-torpilles.

 

Cependant, ce poste flottant ne permettait que des lancements aériens, alors qu'il importe tout autant de régler une torpille projetée du pont d'un torpilleur, qu'une autre sortie d'un tube sous-marin.

 

En tout cas, l'utilisation de l’Indre ne pouvait être que passagère ;

notre port ayant à faire d'incessants réglages, devait pouvoir disposer d'un poste définitif doté de tous les moyens.

 

Dans toute la rade il n'est pas champ plus propice que celui qui s'étend sur 18 kilomètres de l'île Longue à l'île Tibidy ;

c'est celui-là qu'il fallait mettre à profit.

Aussi commençait-on les travaux du nouveau port en mars 1926.

Dans un mois ils seront terminés.

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Toutes les œuvres principales étant achevées, la station de réglage fonctionne déjà depuis six mois.

 

Aussi l’Indre, dont la décrépitude faisait peine à voir, s'est vu enlever tous les engins modernes qui, pour un temps, lui avaient encore donné quelque vie, puis, tiré par un remorqueur, il vint, un soir de la dernière grande marée, s'échouer définitivement au sommet de la grève de Poullic-al-Lor.

Sa vieille coque a frémi sous les coups des démolisseurs.

Combien de temps durera son agonie ?

 

Cependant, les observateurs placés dans les miradors qui dominent les coffres ancrés tous les kilomètres sur la ligne de tir, continuent de chronométrer et d'indiquer le passage des torpilles qu'une vedette poursuit avec une surprenante vélocité.

 

C'est qu'aussi parfois il arrive qu'une torpille coule et qu'alors il convient de repérer le point de disparition le plus exactement possible, afin de faciliter les recherches des scaphandriers.

La valeur, d'une torpille justifie, toutes ces précautions !

 

Au seul aspect du nouveau port, il est aisé de se rendre compte des difficultés rencontrées par les constructeurs.

Il fallait tout d'abord enlever en plein roc 20.000 mètres cubes de pierres pour constituer un terre-plein de 4.200 mètres carrés de surface.

Puis construire un bassin protégé à l'est par une jetée en maçonnerie de 33 mètres, deux cales de lancement sur pente de 25 degrés ;

un bloc de lancement composé de deux massifs de maçonnerie parallèles entre lesquels un couloir vertical permet au chariot porte-torpilles d'évoluer comme un ascenseur.

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En dehors des difficultés présentées par la disposition générale du chantier, il en était d’autres qui nécessitaient la plus grande diversité de travaux.

Il fallut baser la jetée sur caissons de béton armé mouillés sur enrochements ;

les cales de lancement à la fois sur rocher et sur massif en béton construit sur pieux poussés à la cote ;

l'implantation des murs de quais se fit sur sacs de béton placés au scaphandrier ;

un autre mur de quai dut être construit sur voûte...

 

Pourtant, ces divers travaux ont été rapidement menés.

Ils étaient exécutés par l'Entreprise coopérative française que représente M. Pouliquen, sous la direction de M. Rayrolles, ingénieur des ponts et chaussées, et suivis sur place par M. Rabedot, ingénieur des directions de travaux.

Les importantes installation de mécanique et de bâtiments qui suivirent ont été faites sous la direction de MM. Costes et Bousquet, ingénieurs du génie maritime.

 

C'est ainsi que le terre-plein porte un atelier composé de 11 travées, long de 70 mètres, large de 25, où l'on comprime l'air nécessaire au lancement des torpilles, où se tiennent deux groupes électrogènes, des ponts roulants.

 

En bordure du bassin, roule une grue électrique qui procède au déchargement des navires qui le fréquentent.

Afin de permettre cette fréquentation, on a effectué le dérochage jusqu'à la cote moyenne de — 1 m. 50.

Et cette opération était encore de nature à témoigner de la résistance du roc qu'il fallait vaincre.

En effet, tandis qu'à l'arsenal les pointes d'acier spécial des pilons de la dérocheuse supportaient 40.000 coups, elles se trouvaient usées par la pierre de l'Île Longue avant le 10.000e coup

 

Aujourd'hui, les difficultés sont vaincues et ce port tout spécial de l'Île Longue est parfaitement aménagé.

Les torpilles sont lancées par deux systèmes :

— Un bloc qui permet les lancements aériens et sous-marins entre les cotes + 8 et + 2.

— Des cales qui rendent les lancements possibles entre les cotes + 2 et - 5.

 

Ainsi les nouvelles installations permettent d'opérer selon toutes les hypothèses du combat.

Rien de mieux pour acquérir l'expérience utile.

Que les torpilleurs se réjouissent !

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