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1827


Le port de Landerneau
par Charles Léger

 

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Source : La Dépêche de Brest 10 janvier 1927

 

Le port de Landerneau va-t-il reprendre son activité d’antan ?

Une toute récente décision du ministère des travaux publics permet aujourd'hui de le croire.

 

On sait avec qu'elle activité le regretté docteur Gayet poursuivait ce but depuis longtemps déjà.

On sait aussi quels furent les efforts de la Chambre de commerce de Brest peur obtenir ce résultat.

 

Une vieille cité industrielle

 

Landerneau avait été jadis une cité industrielle d’importance.

À Traon-Elorn, existait un vaste établissement affecté à la filature et à la fabrication des toiles en fil de lin et de jute.

On comptait encore une grande fabrique de bougies, une tannerie, d'importantes et nombreuses minoteries.

 

Un vapeur à roues assurait un service régulier avec Brest et animait l’Élorn, où les navires venaient, en ce temps, relâcher et hiverner.

 

Tel était le développement de cette ville, qu'au moment de la constitution des départements elle put prétendre devenir le chef-lieu du Finistère et faillit l’être malgré les efforts de Brest et Quimper.

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Déchéance

 

Mais la plupart des industries qui causaient cette belle activité disparurent.

Du coup, les travaux d'entretien des ouvrages du port, dont la nécessité n'apparaissait plus avec la même urgence, étaient quelque peu négligés.

 

Durant les pleines mers, l'eau, submergeant le terre-plein, attaquait en arrière la paroi du quai, qui, déjà, avait éprouvé des mouvements considérables et dont la stabilité, gravement compromise, ne fut retrouvée qu'à grand peine.

 

Avant la guerre, des projets de réfection avaient été établis ;

mais la gravité des événements ne permit pas de les mettre à exécution.

Et le mal s'accrut.

 

En 1921 par suite d'une sécheresse exceptionnelle, l'envasement prit des proportions telles que le courant ne suffit plus à rétablir l'équilibre.

Pour comble, le personnel chargé de l'entretien avait été réduit, et lorsqu'on voulut manœuvrer le guideau, en janvier 1922, l'appareil, trop vieux, se rompit.

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Un redoutable envasement

 

Entre les quais affaissés, sur ces fonds exhaussés, de graves accidents se produisirent.

Vers la fin de décembre 1921, l’ancien contre-torpilleur « Gabion », entraîné par le glissement du fond vaseux sur lequel il reposait, se plaçait en travers du port.

 

Le 8 janvier suivant, l'équipage du sloop « Louise-Anaïse », de l'Hôpital-Camfrout, chargé de 530 sacs de guano, constatait avec inquiétude que le navire, au lieu de s'élever avec la marée montante, demeurait prisonnier du lit de vase qu'il s’était fait à l'échouage.

On entreprit le déchargement immédiat, mais on ne réussit à faire passer sur le quai qu'une maigre partie de la cargaison.

Et, malgré les efforts des sauveteurs, le sloop fut submergé.

 

Des faits de ce genre se renouvelaient.

Le 4 novembre 1924, le vapeur anglais « Smaragd », long de 43 mètres, ne parvenait pas à éviter, dans le port, son avant, bien que ne tirant pas plus d'un mètre quarante, ne pouvant passer au-dessus du banc de vase situé sur la rive gauche.

Il lui fallut attendre quatre jours avant de pouvoir commencer ses opérations commerciales.

Déjà, en octobre, par marée de vive eau, le vapeur anglais « Wirihill », long de 50 m. 50, avait éprouvé les plus grandes difficultés à éviter

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Sloop borneur

 

Regain d'activité

 

Cependant, de nouvelles industries se sont créées et ont su si bien se développer que Landerneau reprend actuellement son ancienne importance.

 

Rappelons qu’en 1876, à l'époque où existait encore la filature, les mouvements du port se résumaient par ces chiffres :

Navires entrés chargés, 298, avec 16.280 tonnes de marchandises ; sur lest, 56 de 23.946 tonnes.

Navires sortis chargés, 223, avec 8.028 tonnes de marchandises ; sur lest, 127 de 23.456 tonnes

 

Or, en 1923, le port avait reçu 15.000 tonnes de marchandises et exporté environ 20.000.

 

En 1924, 60 navires exportaient 20.000 tonnes de superphosphates, tandis que trois apportaient 1.000 tonnes de sulfate d'ammoniaque ;

trois autres, 1.000 tonnes de guano ;

sept, 2.000 tonnes de bois ;

une vingtaine environ, 3.000 tonnes de ciment, et d’autres, 1.000 tonnes de chaux, charbon, sel, etc…, plus une dizaine de milliers de tonnes de marchandises diverses apportées ou emportées par les borneurs (*).

(*) Borneur : navire qui navigue le long des côtes et assure le transport de port en port.

 

Le mouvement se faisait particulièrement important en 1924 et 1925.

En 1926, il devenait le suivant :

Navires entrée chargés, 335, avec 8.509 tonnes de marchandises ; sur lest, 51 de 4.466 tonnes

Navires sortis chargés, 168, avec 3.344 tonnes de marchandises : sur lest, 210 de 7.821 tonnes.

 

Les chiffres prévus pour l'année qui vient de s'ouvrir sont de beaucoup plus considérables.

 

Et pourtant, en présence des retards subis, les Anglais qui fréquentent le port n'ont pas manqué de faire des réserves.

Ces jours derniers encore, leur vapeur « Marena » me dut-il pas attendre plusieurs jours afin de pouvoir virer de bord pour repartir !

C'est pourquoi ils se proposent, à l'occasion, d'effectuer leurs opérations à Brest.

On conçoit quelles difficultés et quelles charges en résulteraient pour les industries intéressées.

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Vapeur Marena

 

Pour sauver le port

 

Aussi de nombreuses réunions ont eu lieu, au cours desquelles les usagers, les techniciens, la municipalité intéressée, la Chambre de commerce, recherchèrent les moyens de modifier ce regrettable état des choses.

 

Un projet fut établi.

« Ce projet, disait une récente délibération de la Chambre de commerce, donnant entière satisfaction à tous les intéressés, la municipalité de Landerneau a décidé de participer aux travaux envisagés, et dans sa séance du 3 juin 1926, elle a pris l’engagement de verser comme fonds de concours une somme de 20.000 francs et une annuité de 12.000 francs jusqu'à amortissement complet de l'emprunt qui sera nécessaire.

Cet emprunt serait effectué par la Chambre de commerce et gagé par des taxes de péages sur les marchandises, que l'on peut, dès maintenant, estimer devoir être de 2 fr. 50 à 3 francs la tonne ».

 

De son côté, la Chambre de commerce prenait l'engagement de supporter les dépenses « qu'entraîneront ultérieurement les dragages qu'il y aura à effectuer pour réduire l'envasement possible de la gare d'évitage à construire sur la rive gauche du chenal ».

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André Tardieu

1928

 

Une décision ministérielle

 

À ces délibérations, M. Tardieu, ministre des Travaux publics, vient de répondre par une décision; du 3 janvier courant.

 

« Les ingénieurs, dit-il, présentent à mon approbation un avant-projet comportant :

« 1. La démolition, sur 144 mètres de longueur, du mur de quai rive droite et son remplacement par un mur reposant sur une dalle épaisse en béton supportée par des pieux ;

« 2. La construction d'une gare d'évitage, permettant aux bateaux de 57 mètres de tourner dans le port ;

« 3. Le creusement du chenal d'accès à la cote (+ 2 m. 30) dans sa partie amont et à la cote (+ 2 mètres) à l'aval.

« La dépende globale ressortirait à 1.265.000 francs, dont 950.000 francs pour la réfection du mur; 155.000 francs pour la gare d'évitage et 160.000 francs pour les dragages.

« Après examen en Conseil général des ponts et chaussées, et sous réserve d'observations techniques dont je fais part à l'ingénieur en chef, je prends en considération l’avant-projet dont il s'agit, qui devra d'ailleurs être soumis à l'examen d'une Commission nautique locale.

 

« Il ne pourra toutefois être, donné suite à l'affaire que si la Chambre de commerce de Brest, aidée ou non par les autres collectivités intéressées, s'engage à supporter :

« a) La moitié des frais de réfection du mur de quai tels que ces frais seront déterminés par l'administration, après apurement, définitif des comptes, l'État prenant à sa charge l'autre moitié, sans toutefois, que sa participation puisse dépasser 400.000 francs;

« b) La totalité des dépenses réelles de création de la gare d'évitage et d'exécution des dragages du chenal ;

« c) La totalité, également, du coût des dragages qui pourront être ultérieurement nécessaires peur maintenir les profondeurs dans l'étendue de la gare d'évitage, ainsi que devant le nouveau quai et dans le chenal d'accès au port.

« Cette Compagnie aura à présenter, le cas échéant, la combinais financière envisagée par elle pour faire face, à ces engagements ».

 

Nous avons dit, en présence de la nécessité et de l'urgence des travaux projetés, quels engagements avaient consentis la Chambre de commerce de Brest et la municipalité de Landerneau.

Nous pouvons ajouter que ces deux assemblées vont immédiatement se mettre en rapportpour fixer les détails de la combinaison financière envisagée.

 

Ainsi l’on peut prévoir comme très prochaine l’exécution des ouvrages qui vont permettre à Landerneau de poursuivre heureusement son développement économique.

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