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1937


Exercice de débarquement
dans la presqu'île de Crozon

 

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Source : La Dépêche de Brest 8 juillet 1937

 

Nuit noire, complète, qui étonne par son silence.

On sait que des troupes sont là postées sur cette croix immense qu'est la presqu'île de Crozon, tracée au cœur de notre département.

 

On sait aussi qu'une escadre entière va venir, tous feux éteints, débarquer, dans l'une des baies, des hommes chargés de mettre à mal la base aéronautique de Lanvéoc-Poulmic.

 

On le sait, mais rien n'apparaît dans cette opacité; pas un bruit ne trouble le calme de cette nuit.

 

Et pourtant, vers une heure, on perçoit un bruit de chaînes.

Les trois cuirassés Provence, Bretagne et Lorraine mouillent leurs ancres dans la baie de Morgat.

Ils apparaîtront seulement au jour levant, tout comme on pourra distinguer alors, au large de la plage, que fréquentent déjà de nombreux baigneurs, tous les autres navires de l'escadre de l'Atlantique.

 

Naturellement, ce bruit de chaînes attire l'attention des défenseurs ;

mais voici que des fusillades crépitent, que des fusées s'élèvent en d'autres points, signalant la venue des assaillants et réclamant de l'aide.

 

Cela se passe vers les baies de Camaret, de Dinant et sur un point éloigné de celle de Morgat.

À la vérité, il ne s'agit là que de tentatives simulées de débarquement ayant pour but de détourner l'attention de la défense.

L'action véritable va se dérouler à gauche de la plage de Morgat, près de l'îlot de Laber, que couronne un ancien fortin.

 

Ici, sur la crête, le château de Trébéron a reçu une garnison de défenseurs.

Elle sera bientôt réduite à l'impuissance, tant l'attaque a été silencieusement menée.

 

Et pourtant quatre compagnies de fusiliers-marins ont débarqué là, au pied de la colline, avec leur matériel.

 

Pareillement, les compagnies de débarquement de l'escadre ont descendu la rivière L'Aber qui sinue sur la plage au-delà de l'îlot qui porte son nom.

Elles atterrissent sans plus de bruit.

Mais les défenseurs du château de Trébéron ont eu le temps de tirer quelques salves et de lancer des fusées.

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Cependant, les fusiliers-marins poursuivent leur objectif.

Par le chemin de Kervonne, parallèle à la route nationale, ils s'en vont, traversant la presqu'île dans sa moindre largeur, vers la base aéronautique de Lanvéoc-Poulmic, qu'ils entendent détruire.

 

Ils y parviennent, une heure et demie environ après leur débarquement, et réalisent leur projet.

 

Mais les renforts de la défense interviennent.

C'est une partie du 48e, qui se tenait en réserve au Fret ;

le 137e, posté à Crozon et Tal-ar-Groas ;

enfin un bataillon du 2e colonial, venant de Brest par mer, jusqu'au Fret.

 

Leur mission accomplie, les fusiliers-marins battent en retraite vers la plage de débarquement.

 

Le jour pointe.

Le mouvement de repli reçoit à ce moment l'aide précieuse des avions de l'escadre, qui tourbillonnent dans le ciel à la recherche des défenseurs, plongent et mitraillent en rase-mottes.

 

Les mitrailleuses crépitent, les coups de feu claquent, les deux partis sont bien accrochés et ne se lâcheront qu'au moment où les fusiliers auront repris la mer.

 

Mais depuis longtemps déjà il fait grand jour et le réembarquement dure.

Combien d'assaillants pourraient, dans ces conditions, rejoindre leur bord, s'il ne s'agissait d'une manœuvre ?

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Vers une heure, dans la nuit noire, les guetteurs de la pointe de Dinant entendirent les bruits de moteurs de vedettes et alertèrent aussitôt la compagnie du 135e d'infanterie, qui se trouvait à proximité.

 

Les formes des embarcations remorquées par les vedettes apparurent, semblant se diriger vers une crique.

Mitrailleuses et fusils mitrailleurs se préparèrent à entrer en action, mais on ne tarda pas à s'apercevoir qu'il n'y avait là qu'une feinte du parti rouge pour attirer l'attention de ce côté.

 

Sur la plage de Morgat, où s'étaient assemblés des curieux, à 1 h. 30, nouvelle alerte.

Des embarcations quelques hommes sautent à terre.

Des fusées rouges montent dans le ciel.

Les mitrailleuses crépitent.

Les fusils tirent.

 

Ce n'est encore qu'une feinte.

Les embarcations fuient.

C'est dans la crique de Trébéron que doit avoir lieu la véritable tentative de débarquement.

 

Près de cette crique bien abritée, à l'est de Morgat, sont, venus s'installer, sur une hauteur, le vice-amiral Devin, commandant en chef, préfet maritime, accompagné du capitaine de vaisseau Scheidauer et du capitaine de frégate Costet.

 

Le général Arnould, commandant le groupe de subdivision de Brest, et le général Martin-Prével, commandant celui de Vannes, viennent les rejoindre avec le lieutenant-colonel Ardouin, du ministère de la Marine, en tournée d'inspection à Brest.

 

Il est 2 h. 15, la nuit est moins noire.

On aperçoit des ombres sautant des embarcations qui viennent de s'échouer sur la plage.

Ce sont les marins des compagnies de débarquement de l'escadre légère.

Ils parviennent, malgré le feu de la compagnie du 135e R. I, accourue pour s'opposer à leur débarquement, à occuper la plage et à pénétrer à l'intérieur pour faciliter l'arrivée du bataillon des fusiliers-marins, qui débarquent d'un grand chaland auto-moteur muni de quatre gouvernails, dont l'avant s'est échoué sur la plage.

 

Avec un allant admirable, les jeunes cols bleus, commandés par le capitaine de frégate Constantin, bousculent la compagnie du 135e l'enfoncent et passent, pendant que les compagnies de débarquement de la Provence, de la Lorraine, de la Bretagne et du Béarn, qui ont réussi à débarquer à Laber, attaquent une autre compagnie du 137e à Tal-ar-Groas, l'empêchant de s'opposer au passage des fusiliers-marins.

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Le raid des fusiliers-marins

 

Charges de pétards et de tout un matériel de démolition, les vaillants marins du bataillon, dont l'objectif est de détruire la base aéronautique du Poulmic, franchissent à une allure record la distance qui les sépare des hangars, s'y précipitent et reviennent dans la nuit sans que les troupes du plastron de défense, dont le nombre est insuffisant, aient pu s'opposer au raid accompli avec une rapidité surprenante par les Lorientais, efficacement soutenus et protégés par les compagnies de débarquement de l'escadre qui occupent les abords des routes, dont ils interdisent l'approche aux fantassins.

 

Les renforts

 

Ceux-ci ont demandé des renforts à Brest.

À 1 h. 30, un bataillon du  2e R. I. C. s'est embarqué au pont Gueydon sur deux remorqueurs, pendant que devant la porte Tourville les grues chargeaient sur des chalands :

Fourgons, voitures et mitrailleuses et qu'au pont 2 les chevaux prenaient place sur des chalands aménagés spécialement.

 

Malgré la rapidité de la traversée, ces renforts n'arrivent que vers 3 heures à la cale du Fret, les hommes montent dans les camions qui vont les conduire sur le point où maintenant se livre le combat dont on entend la fusillade et le tac-à-tac des mitrailleuses.

 

La compagnie de mitrailleuses du 2e R. I. C. de toute la vitesse de ses chevaux suit comme elle peut, mais ne peut aller aussi vite que les camions.

Les hommes en descendent, ils portent à dos les mitrailleuses, les installent pour renforcer le 135e auquel est venu se joindre le 48e de Landerneau.

 

Le Béarn, à la pointe du jour, a lâché ses avions qui survolent la bataille.

Les appareils de la défense ont aussi pris l'air, mais rien ne peut s'opposer au retour vers la mer du bataillon des fusiliers-marins qui sautent dans le chaland et les embarcations restés à Laber, pendant que les compagnies de débarquement des croiseurs et des cuirassés tiennent la route entre Saint-Guénolé et Tal-ar-Groas pour protéger leur repli.

 

Puis les compagnies de débarquement se replient en bon ordre par échelons et parviennent à la plage.

 

Le clairon sonne « cessez le feu » pendant qu'elles s'embarquent pour rejoindre leurs bâtiments, mouillés près de Morgat qui, dès leur arrivée, font route vers Brest.

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La critique

 

Le vice-amiral Devin et les officiers de son état-major ont repris en auto la route de Brest.

 

Le vice-amiral de Penfentenyo, commandant le secteur ; le colonel Scheidauer, commandant le parti bleu (défense) ; le colonel et les chefs de bataillon du 137e R. I. ;

le chef de bataillon de Rosmorduc, commandant le 48° R. I., à Landerneau, et les officiers se rassemblent autour des arbitres :

Le général Arnould ; les commandants Robier et Allaury, du 2e colonial ;

les capitaines de réserve Omnès et Ernou, les lieutenants de Trobriand, Prévosto, Barué, etc.

 

Le général Arnould fait la critique de la manœuvre.

 

Son but était, pour le parti de l'attaque (parti rouge), placé sous la haute direction du vice-amiral de Laborde, commandant en chef l'escadre de l'Atlantique, et le corps de débarquement placé sous le commandement du capitaine de frégate Constantin, de parvenir à débarquer et à atteindre rapidement la base aéronautique de Lanvéoc-Poulmic pour y détruire les hangars et les appareils.

 

Cet objectif, grâce au splendide allant du bataillon des fusiliers-marins et à l'efficace soutien des compagnies de débarquement, a été en principe atteint, le parti de la défense étant trop faible pour s'opposer au débarquement et arrêter son élan, les renforts étant arrivés trop tard.

 

Dans la réalité, les batteries de Crozon auraient tiré et le débarquement n'aurait pu se faire aussi aisément.

 

Les artilleurs du 35e régiment divisionnaire n'avaient pas de canons.

Ils ne participaient à l'exercice que pour l'instruction des cadres.

 

Enfin, les mitrailleuses de la défense auraient considérablement gêné la marche des assaillants.

 

La manœuvre a eu surtout pour effet d'apprendre aux marins des compagnies de débarquement à opérer en liaison ; aux soldats à manœuvrer la nuit, à se diriger, à se retrouver, à ne pas perdre la liaison.

 

Assaillants et défenseurs ont parfaitement manœuvré.

Leur moral a été parfait.

Chacun a accompli sa mission avec entrain.

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Le retour

 

Après un repos sur le terrain, où les cuisines roulantes étaient à leur tour entrées en action, les troupes regagnèrent en camions leurs casernements.

 

Le bataillon du 2e R. I. C. embarqua son matériel et prit place sur les remorqueurs.

Avec une grande docilité, les chevaux traversèrent la rade sans broncher et, à 16 heures, le convoi arrivait dans l'arsenal.

Le débarquement fut fait rapidement et à 17 heures, le 2e R. I. C. entrait à la caserne Fautras pour prendre un repos bien gagné.

 

Deux blessés

 

Au cours de la manœuvre, un soldat du 137e R. I., Albert Le Mollic, avait fait une chute et s'était fracturé la jambe.

À 7 h. 30, il entrait à l'hôpital maritime, conduit par une voiture ambulance.

Deux heures après, le soldat Lucien Letard, du 2e R. I. C, les os de la jambe gauche fracturés, était à son tour conduit à l'hôpital.

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