1937
Les répétitions de la fanfare
du 2e R.I.C.
au Bois de Boulogne
à Brest
Source : La Dépêche de Brest 6 novembre 1937
Sous les grands arbres dont les feuilles, dorées par l'automne voletaient avant de recouvrir d'un tapis moelleux les allées du Bois de Boulogne, la fanfare du 2e régiment d'infanterie coloniale répétait hier les airs entraînants qu'elle fera entendre sur le cours Dajot, le 11 novembre, à l'occasion de la revue.
Arrivés depuis quinze jours à peine, les « bleus » ayant quelque connaissance musicale ou ayant fait partie de sociétés de musique et d'orchestres civils, avaient été classés, d'emblée, musiciens.
Beaucoup n'avaient du solfège qu'une faible idée.
D'autres avaient changé d'instrument :
à un ancien contrebassiste, on avait donné un gros alto de cuivre ;
à un ex-violoniste, une clarinette ou un saxophone.
Celui-ci qui jouait du violoncelle avait hérité les cymbales, tandis qu'à des banjoïstes de jazz, on avait donné des tambours ou la grosse caisse.
Par pupitres, sous la direction d'un ancien qui leur battait la mesure, groupés par trois ou quatre jouant du même instrument, les nouvelles recrues s'essayaient à sortir les quelques notes inscrites sur leur carton.
Jouant chacun leur partie, ces divers instruments créaient une cacophonie bizarre :
Les basses faisaient l'accompagnement du chant, joué vingt mètres plus loin par les clarinettes.
Les saxos exécutaient séparément les notes destinées à relier ces deux parties, dont le tout devait constituer l'ensemble du morceau, pendant que, plus loin, tambours et grosse caisse frappaient à coups redoublés sur leurs instruments bruyants, s'essayant à marcher au pas.
Parmi les nombreux curieux qui assistaient à cette répétition morcelée, un vieux monsieur fredonna ce refrain que créa Paulus, il y a quelque cinquante ans :
Les pistons pistonnaient,
Les trombones trombonnaient,
Les tambours faisaient ra, fla, fla, fla
Et la grosse caisse zim, laï, la.
Les musiciens,
C'était crevant.
Se conformant au règlement,
Suivaient leur chef et ses mouvements
En jouant de leurs instruments.
C'était un peu cela.
Pleins de bonne volonté, les jeunes soldats, joues gonflées, à perdre haleine.
— Ce n'est pas mal, disait un instructeur, mais il faut vous faire les lèvres.
Recommençons, vous jouez trop lentement, suivez bien la mesure.
Et de ses bras, il la battait, avec frénésie, à ses trois saxos.
Enfin, vint l'heure attendue de la pause.
Celle-là sembla trop courte aux musiciens, assis sur l'herbe.
Un coup de clairon les rassembla.
Sous la direction de leurs chefs :
Les adjudants-chefs Firaguay et Perrot, chefs de fanfare, et du caporal Vanacker, sous-chef, les trente-quatre musiciens, anciens et nouveaux, par rangs de trois, précédés de clairons et de gamins, défilèrent.
On s'aperçut alors que la méthode employée n'était pas si mauvaise, puisque ce fut avec un ensemble parfait que la marche entraînante, apprise par bribes, fut exécutée avec brio, pour la satisfaction des curieux, amateurs de musique militaire qui, soyez-en sûr, ne manqueront pas de revenir demain entendre ce concert gratuit.