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1937

Les huitres à Brest
par Charles Léger

 

 

Source : La Dépêche de Brest 12 septembre 1937

 

On pouvait s'attendre, cette année, à voir, dès l'ouverture de la saison, d'importantes quantités d'huîtres à l'étal.

Il n'en fut pas ainsi.

De plus, celles que l'on présentait étaient, pour la plupart, amaigries.

 

Cependant, au début de l'année, les dragages effectués sur les bancs naturels de Daoulas, de Saint-Nicolas, de Trégarvan avaient donné d'excellents résultats.

 

Sous la surveillance de la vedette garde-pêche Elorn, patron Porsmoguer, chaque bateau avait recueilli en trois heures de 200 à 250 kilos.

 

Tous les bancs sur lesquels on pratiqua des sondages paraissaient être en parfait état.

À Daoulas particulièrement, les huîtres s'étaient développées bien mieux que de coutume.

 

Au Sillon des Anglais, entre le Poulmic et Landévennec, se trouvait autrefois un banc que l'on déclassa car il était complètement ruiné.

Or, on constatait, dans les premiers mois, qu'il se repeuplait.

 

Partout, le naissain était abondant.

 

En rivière de Daoulas, où M. F. Madec a déposé plus de 100.000 tuiles, il en était de même.

 

Cependant, dès le mois de février, on signalait que les huîtres consommables devenaient rares sur les parcs.

Les ostréiculteurs se trouvaient dans l'impossibilité de répondre à toutes les demandes.

 

Évidemment, la consommation avait généralement augmenté, mais cela ne suffisait, pas à justifier la raréfaction.

 

— Dans le golfe du Morbihan, qui est le principal ravitailleur de nos parcs, nous déclarait-on, les huîtres de culture fourmillent.

Des quantités considérables de tuiles sont immergées et se sont couvertes de naissain.

 

« Mais l'exportation était quasiment libre et les ostréiculteurs de pays à change élevé, anglais, hollandais, danois, en tirèrent parti.

Ils emportèrent la plupart de nos belles huîtres de consommation.

 

« Nous étions ainsi obligés, afin de ne pas interrompre la marche de nos exploitations, d'acheter à des prix aussi élevés que ceux qu'ils consentaient. »

 

Ceci avait évidemment pour conséquence directe une hausse des prix qui allait avoir sa répercussion sur la saison présente, mais ne permettait heureusement pas de redouter une crise aussi grave que celle que nous avons connue.

 

Cependant, les ennemis de l'huitre accusèrent une redoutable activité.

C'étaient les crevettes, qui, profitant d'un bâillement inconsidéré, se précipitaient sur la proie offerte pour la percer de leur dard acéré ; les crabes qui, à certaines époques, donnaient l'assaut par légions.

Eux aussi savent attendre le moment de délassement qui leur permet d'introduire de terribles cisailles jusqu'au cœur de leur victime.

Le bigorneau perceur, lui, n'y met pas tant de formes puisqu'il attaque directement la coquille qu'il perfore comme une vrille.

Et puis encore l'étoile de mer et tant d'autres.

 

La mortalité constatée de ce fait sur les parcs allait s'accuser pour une autre cause.

Les pluies, abondantes pendant le premier trimestre, avaient amené une modification de la salinité des eaux.

Or le degré de salinité est un facteur important dans l'alimentation des huîtres.

 

D'après A.-E. Hopkins, une salinité de 55 n'est plus tolérable ;

la limite inférieure est comprise entre 10,5 et 13 %.

Au taux de 10,5, l'eau ne filtre plus bien que les valves restant ouvertes.

 

« En général, il apparait qu'un abaissement de la salinité affecte tout d'abord le mécanisme de filtration des branchies, tandis qu'à la suite d'une augmentation de la salinité, le muscle adducteur tend à maintenir les valves plus fermées que normalement, d'où résulte un ralentissement du courant d'eau malgré que les branchies soient bien adaptées. »

 

En avril, on constatait sur les parcs que, du fait de la persistance des pluies, la mortalité, qui est normalement de 25 %, atteignait jusqu'à 35 %.

 

Mais si l'huître ne supporte guère l'eau douce dans certaines proportions, elle ne lui est pas moins nécessaire à dose voulue pour lui permettre un complet développement.

Une sécheresse prolongée l'empêche de s'alimenter comme il convient et détermine son amaigrissement.

 

Or, on sait quelle longue période de sécheresse a succédé aux pluies persistantes du début de l'année.

 

Résultat : les pousses des huîtres ont été bien inférieures à celles des années précédentes sur tout le littoral.

D'autre part, les huîtres livrées à la consommation au début de la saison étaient amaigries.

 

Mais les premières pluies survenant on constate dès à présent sur les parcs leur bienfaisant effet.

Les huitres se raffermissent et reprennent leur aspect savoureux tant apprécié depuis l'antiquité.

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