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1897

Le crime d'un alcoolique
à Plougonven


 

 

Source : La Dépêche de Brest 5 janvier 1897

 

Le crime d'un alcoolique.

 

Le 1er janvier, vers 3 h. 1/2 de l'après-midi, le nommé Primel (François), âgé de 28 ans, domestique au village de Rondifily, en la commune de Plougonven, se prit de querelle, sans motifs connus, avec le fils de son maître, Yves Scrignac, âgé de 42 ans, cultivateur audit village de Rondifily.

Tous deux étaient fortement pris de boisson.

 

Primel, devenu furieux, a frappé son adversaire de cinq coups de couteau, lui faisant d'horribles blessures au bas-ventre.

Les intestins ont été perforés.

Scrignac est mort dans la soirée, malgré les soins du docteur Camus, de Plouigneau.

 

Le père de la victime, Jean Scrignac, âgé de 77 ans, et sa femme, Jeannette Le Meur, ont été frappés l'un et l'autre de deux coups de couteau, le mari à la cuisse droite et la femme à la cuisse gauche. Leurs blessures sont graves, mais, à moins de complications imprévues, ces deux vieillards ne sont pas en danger de mort.

 

Le frère de la victime, Scrignac (Jean-Marie), a aussi été atteint au-dessus de l'œil droit, mais sans gravité.

 

Le parquet, accompagné du docteur Bodros, médecin légiste, s'est rendu à Plougonven.

L'assassin a été écroué hier soir à Morlaix.

Il prétend n'avoir pas conservé le moindre souvenir de cette scène de sauvagerie.

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Source : La Dépêche de Brest 6 janvier 1897.

 

Le crime de Plougonven.

 

Voici quelques détails sur cette scène de sauvagerie qui passionne toute la région.

 

Il est établi que tous les acteurs étaient en complet état d'ivresse.

Le jeune Scrignac (Jean-Marie), qui n'est âgé que de 16 ans, fut d'abord atteint d'un coup de pied au-dessus de l'œil, coup de pied que lui porta Primel (François).

Yves Scrignac était monté dans une chambre du 1er étage et, sous l'influence de l'alcool, prononçait des paroles incohérentes.

C'est à ce moment que Primel et le père et la mère de la victime sont montés dans la chambre.

Subitement, Primel s'est précipité sur Scrignac, lui a porté un premier coup de couteau au bas-ventre, un autre dans la région du cœur, avec une violence inouïe, puis trois autres sur d'autres parties du corps.

Tournant ensuite sa fureur contre le père et la mère, il les a frappés tous deux de deux coups de couteau.

La mère, qui a été la plus atteinte, est dans un état très satisfaisant.

 

Primel continue à affirmer qu'il n'a conservé aucun souvenir de son crime.

Il soutient que dans l'après-midi, vers quatre heures, il est allé voir son fils, au village de Trelesquin, distant d'au moins d'une lieue du théâtre du crime, et qu'il est ensuite rentré à la ferme de Roudifily, où il s'est couché.

Ce n'est que le lendemain qu'il a appris le crime dont il aura à répondre devant la justice.

 

Primel ne peut dire ce qu'il a fait de son couteau.

L'a-t-il volontairement jeté ?

L'a-t-il inconsciemment perdu ou caché ?

 

La victime, dont les blessures étaient épouvantables à voir, a cependant survécu jusqu'au lendemain dans la nuit.

Elle avait reçu les soins des docteurs Camus, de Plouigneau, et Prouff, de Morlaix.

 

Quand le parquet s'est rendu à Plougonven (MM. Hardoin. juge, Bodros, médecin-légiste, et Créteaux, commis-greffier), le 3 janvier, il n'a eu qu'à constater le décès et à faire procéder à l'autopsie.

 

Depuis son incarcération à Morlaix, Primel n'a pas été interrogé.

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Source : La Dépêche de Brest 8 janvier 1897

 

Le bruit a couru ce matin que l'état de Scrignac (Jean), âgé de 77 ans, père de la victime, s'était aggravé, et cette nouvelle a semblé être confirmée par le départ pour Roudifily, vers midi, de M. Hardouin, juge d'instruction, accompagné de MM. Créteaux, commis greffier, et Royan, interprète.

Scrignac, dont le moral est très affecté, est dans un état assez satisfaisant et il est permis de croire que, malgré son âge avancé, il résistera aux blessures qui l'ont cloué sur le lit pour longtemps encore.

Sa femme, moins gravement atteinte et moins âgée, ne quitte pas non plus le lit.

Elle est moins affectée.

Les deux victimes de Primel sont soignées par le docteur Camus, de Plouigneau.

Le jeune Scrignac (Jean-Marie) est à peu près sur pieds.

Il s'est levé pour faire son lit cet après-midi.

 

La famille Scrignac est soignée par une jeune fille de 17 ans, qu'elle occupe comme domestique et qui est la sœur de Prémel.

Les époux Scrignac ont manifesté l'intention de la conserver à leur service.

Certains liens de parenté, à la mode de Bretagne, unissent du reste les familles Premel et Scrignac.

 

Quant à l'auteur de cette scène de sauvagerie, son attitude est la même.

Il ne se, souvient de rien.

Ajoutons que sa réputation est mauvaise, qu'il est alcoolique et qu'il a, à diverses reprises, brutalisé sa femme, qui porta plainte au maire de la commune et s’est placée depuis chez M. Fleuriot, négociant, rue de Brest, à Morlaix.

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Source : La Dépêche de Brest 14 mars 1897

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Source : La Dépêche de Brest 3 avril 1897

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C'est encore à l'alcool qu'il faut attribuer le drame qui va avoir aujourd'hui son dénouement devant les assises.

 

 

L'accusé, François-Marie Premel, est âgé de 27 ans ;

c'est un campagnard à lourd et dont la physionomie reflète le plus grand calme.

 

Il est assisté de Me Le Febvre, du barreau de Morlaix.

 

M. le substitut Marinier occupe le siège du ministère public.

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Dans la matinée du 1er janvier 1897 François-Marie Prime!, domestique des époux Jean Scrignac, cultivateurs au hameau de Roudoufily, en Plougonven, avait fêté le commencement de la nouvelle année en se livrant, en compagnie des fils Yves et Jean-Marie Scrignac, à de copieuses libations, qui, à un certain moment, le rendirent querelleur et méchant,

 

Pour éviter une rixe, le sieur Scrignac père recommanda à son fils de monter au premier étage de l'habitation ; mais, à ce moment, Primel s'attaqua avec fureur au plus jeune des fils Scrignac, Jean-Marie, et, chaussé de sabots, lui porta à la tête de violents coups de pied qui lui firent perdre connaissance et provoquèrent une abondante effusion de sang.

Il se rua ensuite sur Yves Scrignac et lui planta, par deux fois, son couteau dans la poitrine et l'abdomen, en y creusant une large blessure par laquelle s'échappèrent les intestins.

 

Les époux Scrignac, accourus au secours de leurs fils, reçurent eux-mêmes, à leur tour, plusieurs coups de couteau qui les blessèrent tous les deux aux jambes.

 

Les blessures faites à Jean-Marie Scrignac et à ses père et mère sont aujourd'hui guéries, mais Yves Scrignac a succombé le lendemain du crime.

 

L'accusé déclare avoir agi inconsciemment, sous l'influence de l'ivresse, et n'avoir gardé aucun souvenir de ce qui s’est passé.

Cependant, quelques instants après son crime, il exprimait à son beau-frère la crainte d'être envoyé bientôt dans une maison centrale.

 

Son état mental a, d'ailleurs, été soumis à l'examen d'un homme de l'art, qui le considère comme pleinement responsable de ses actes.

 

Bien que cet individu n'ait pas d'antécédents judiciaires, il s'était rendu coupable déjà de violences envers sa femme, qu'il avait frappée même pendant sa grossesses et qui, pour échapper depuis à ses mauvais traitements, avait dû le quitter et se placer comme nourrice.

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D. — Votre réputation est celle d'un homme violent par moments.

R. — Cependant, je n'ai jamais eu affaire à personne.

 

Le président. — Vous ne buviez pas, mais on dit que c'était par esprit d'économie.

 

D. — Le 1er janvier, vous êtes venu chez la famille Scrignac ?

R. — Oui.

D. — Et, parait-il, on y a bu ?

R. — Oui, de l'eau-de-vie, du café, du cidre aussi.

D. — Est-ce que, en sortant de table, vous n'avez pas demandé à Jean-Marie Scrignac de venir avec vous jusqu'à Lannéanou ?

R. — Après le repas de midi, je ne me rappelle plus rien de ce qui s'est passé.

 

Le président rappelle les détails de la scène qui a suivi le repas.

Primel continua à dire n'avoir aucune mémoire de tout cela.

 

D. — Vous ne vous souvenez pas que vous êtes devenu furieux, qu'on a dû vous ligoter, que vous avez tiré un couteau avec lequel vous avez coupé la corde qui liait vos jambes ?

À ce moment, Yves Scrignac est arrivé et vous lui avez porté deux coups de couteau, au ventre et à la poitrine ?

R. — Non, je ne me souviens pas.

D. — Vous ne vous souvenez pas non plus avoir frappé à coups de couteau le père et la mère Scrignac ?

R. — Non. Du reste, je n'en voulais pas à ces personnes.

D. — Ainsi, votre mémoire s'arrête jus te au moment où il serait utile que vous vous souvinssiez.

Ce qui s'est passé cependant après vos libations n'a pas enlevé vos forces, car vous avez pu transporter dans vos bras un homme au grenier.

Ceci indique bien que vous n'aviez pas beaucoup bu.

R. - Oh ! Si.

D. - Vous êtes arrivé chez vos beaux-parents dans un état qui faisait frémir ; plein de sang, surexcité, vous leur faisiez peur.

R. — Je ne me rappelle pas.

D. — Vous avez tenu devant eux certains propos qui indiquent bien que vous saviez ce que vous veniez de faire.

Vous, avez dit que vous seriez le lendemain mort ou à Landerneau, puis vous ayez pris votre enfant sur vos genoux et lui avez dit :

« Tu as un père malheureux. »

Vous avez voulu laisser à vos beaux-parents  vos clés et votre porte-monnaie comme quelqu'un qui part pour ne plus revenir d'ici longtemps.

R. — Je ne me souviens pas.

 

Impossible d'arracher d'autres réponses à Primel, qui exhibe son mouchoir de poche et pleure pour de bon.

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Les témoins cités sont au nombre de douze :

 

1. — M. le docteur BODROS, de Morlaix, qui a procédé aux constatations légales, résume brièvement les termes de son rapport.

La mort, conclut-il, est deux blessures pénétrantes, l'une de la poitrine, l’autre de l'abdomen.

Les deux lésions étaient également mortelles à court délai.

 

Il relate, en passant, les blessures peu «raves qu'il a constatées sur le père, la mère et le frère de la malheureuse victime et déclare que l'accusé Primel, qu’il a été chargé d'examiner au point de vue mental, est entièrement responsable de ses actes.

 

Sur interpellation du défenseur, le docteur Bodros dit qu'en général, l'alcoolique est un délirant momentané, n'ayant aucune conscience de ses actes.

Maintenant, cela dépend de ce qu'on a bu.

 

2 — Jean SCRIGNAC, 77 ans, dit que, le 1er janvier dernier, son domestique Primel s'est mis à chicaner tout le monde à la maison, et il entre dans les détails de cette scène sanglante au cours de laquelle il a été blessé lui-même à la cuisse en deux endroits.

 

Le témoin ne peut attribuer la conduite de Primel qu'à une injonction du démon (sic) ou à un accès de folie, car jamais son domestique n'avait eu la moindre discussion avec qui que ce soit dans la ferme.

 

Sur interpellation. — Primel n'était pas ivre, car il portait des coups de pied aussi haut que la tête.

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3 — Jeanne LE MEUR, femme SCRIGNAC, 67 ans, a reçu également de Primel un coup de couteau à la cuisse ; elle dépose dans les mêmes termes que son mari et ajoute :

 

« Nous avions réussi à lier les jambes de Primel, mais, comme il avait gardé son couteau, il coupa ja corde et se mit à frapper tous ceux qui se trouvaient à sa portée.

C'est alors que mon fils Yves a reçu les coups de couteau qui ont déterminé sa mort.

Pendant toute cette scène, nous demandions à Primel la cause de sa colère, le suppliant de se calmer, mais il ne répondait pas et frappait et se démenait comme un forcené. »

 

4, — Jean-Marie SCRIGNAC, 27 ans, fait connaître que le 1°' janvier il a refusé de sortir avec Primel, malgré les instances de celui-ci.

Ce refus serait-il la cause de la colère de Primel et de la scène qui s'en suivit ?

Le témoin ne saurait l'affirmer.

En tous cas, Primel l'a enlevé dans ses bras et l'a transporté au 1er étage, où il l'a frappé à coups de sabot à la tête, malgré l'intervention d'un autre domestique, le sieur Thépaut.

Le témoin a perdu connaissance.

 

« Peu après, ajoute Jean-Marie Scrignac, je trouvai mon frère Yves étendu sur le plancher, dans une mare de sang; ses intestins sortaient jusqu'aux genoux. »

 

Des voisins des époux Scrignac confirment les précédents témoignages.

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5. — Jean KERAMOUR, 56 ans, dit que Primel était d'un caractère violent et prompt à frapper ;

il l'a vu plusieurs fois en colère, mais jamais aussi furieux que le 1er janvier.

 

Sur interpellation : — Primel ne s'enivrait pas souvent, parce que son avarice l'en empêchait.

 

6. — LE COZ (Sulpice), 55 ans, beau-père , de Primel, raconte que le 1er janvier dernier, vers 5 h. 1/2 du soir, voyant ce dernier rentrer chez lui en manches de chemise, sans chapeau, la figure et les vêtements couverts de sang, il resta tout saisi, ainsi que sa femme, et il pensa que son gendre avait dû avoir, ce jour-là, quelque grave affaire.

Primel leur souhaita la bonne année, puis il se mit à jurer et à lancer des imprécations ;

à la fin, il s'écria :

« Demain, je serai mort ou bien je serai conduit à Landerneau ! »

 

Le témoin, qui avait peur de Primel, refusa de le garder chez lui cette nuit-là et ce dernier sortit en disant :

« Bonne chance ! »

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« Dans tous les cas où il y a eu mort d'homme, dit M. Marinier, substitut, la loi pénale réserve le châtiment le plus sévère, et en cela le législateur s'est inspiré d'un double sentiment :

Un sentiment de pitié pour les victimes et la préoccupation constante de sauvegarder l'ordre public.

C'est ce double sentiment, messieurs, qui doit nous inspirer dans l'examen de cette affaire.

Pour accomplir ma tâche, je m'adresserai à votre raison et à votre cœur, et à ce double titre je crois pouvoir être compris de vous. »

 

Le substitut narre la scène dans ses grandes lignes et recherche le mobile du crime, qu'il attribue, non à l'ivresse, mais à la colère, due à un semblant de contrariété.

Il demande au jury de rendre un verdict de condamnation, tout en lui laissant la liberté de réduire l'affaire à une question de coups volontaires.

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« Jamais, dit Me Lefebvre, je n'ai abordé la cour d'assises avec une assurance aussi grande, avec une foi aussi robuste dans le résultat qui doit intervenir.

Cette affaire est des plus simples.

Il y a, en effet, ce fait sans précédent que vous êtes devant un crime que vous devez vous expliquer et qui est inexplicable, car vous en rechercherez vainement le mobile.

Nous ne voyons qu'une démence passagère, provoquée par des libations auxquelles cet homme n'est pas habitué et par un tempérament nerveux et facilement irritable.

L’homme que vous avez à juger n'est donc pas un coupable, c'est un inconscient que vous devez acquitter. »

 

Telle est la thèse développée par l'honorable défenseur, qui dit en terminant :

« Rendez cet homme à sa famille, à la liberté, à son vieux père qui, malgré son grand âge, est venu réconforter par sa présence celui qu'il considère comme un bon fils et qui est aussi malheureux. »

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